Volume 1 – numéro 2 – 2019 : Crises contemporaines
Table des matières
Présentation. Crises contemporaines
L’État et le monopole de la coercition: vers la fin du mythe?
L’émergence de l’État moderne est généralement analysée à l’aune de sa capacité à préserver l’ordre social par la concentration des moyens de coercition à l’intérieur d’un territoire donné. Cependant, ce monopole de la violence tend aujourd’hui à s’éroder sous les effets conjugués de la crise économique, de l’inflation des besoins et la pression du marché. Cette situation a occasionné un partenariat entre l’État et certains prestataires en vue d’une « coproduction » de l’ordre. Cette réflexion soutient qu’au-delà de révéler une situation de crise de l’État monopoliste, ces mutations sont également symptomatiques d’une transformation et d’une recomposition des appareils étatiques.
La gestion de crise au Cameroun: les catastrophes de Nyos et Nsam
La catastrophe du lac Nyos reste, à ce jour, la plus importante crise issue d’un phénomène naturel au Cameroun. Quelques années plus tard, ce pays a été frappé par une catastrophe d’origine humaine connue sous le nom de catastrophe de Nsam. Ces deux événements tragiques ont contribué à améliorer les mécanismes de gestion des risques et situations de crise. Bien que ces catastrophes fussent différentes, leur gestion fut confrontée aux mêmes difficultés à cause de plusieurs contraintes structurelles et organisationnelles qui tendent à perpétuer la vulnérabilité des populations de Nyos et de Nsam et maintenir ces risques permanents.
Esquisse d’une sociologie des mobilisations anglophones au Cameroun
Le paysage politique et institutionnel au Cameroun depuis la décolonisation connaît des vagues successives de crises qui placent cet État dans une incertitude structurelle. Cette incertitude est aussi politique et dévoile alors un appel d’une autre forme d’État par les sécessionnistes et un vœu de participation à la gestion des affaires au niveau suprême, régional et communal. Ces contestations de la forme de l’État unitaire se sont matérialisées par la résurgence de la question anglophone. Ce texte évoque les logiques des mouvements sociaux et de l’État dans la gestion de la crise anglophone. En d’autres termes, comment l’incertitude du lendemain et de la gestion de l’État a-t-elle engendré des ruptures et des revendications sociales et politiques au Cameroun? L’objectif de cet article est d’analyser les stratégies de mobilisation des acteurs de la crise anglophone tels que les pouvoirs publics, la communauté internationale et les organisations de la société civile. Il s’agit précisément de décrire et d’analyser les mécanismes de mobilisation des ressources. Pour appréhender cette réalité, l’article recourt à la théorie des mobilisations multisectorielles pour décrypter les ruptures, les continuités, les inflexions et les trajectoires des luttes qui structurent la scène sociopolitique au Cameroun. Il s’appuie sur l’exploitation des archives documentaires et de la presse locale pour retracer l’incertitude structurelle ayant engendré la crise.
Fondée en 1969 des cendres de la Fédération des églises et missions évangéliques de l’Afrique Équatoriale Française, la FEMEC[1] a eu pour ambition de coordonner l’action spirituelle et sociale des églises protestantes présentes au Cameroun. Devenu Conseil des églises protestantes du Cameroun (CEPCA) en 2005, cet organisme œcuménique, dans son action sociale, s’intéresse à la scolarisation de la population en créant, entre autres, des écoles. Au cours des années 80, celles-ci se retrouvent de plus en plus dans l’incapacité d’assurer leurs différentes prestations. De cette situation, il est né une crise financière qui a affecté l’essor de l’enseignement privé protestant. L’assainissement de ce milieu éducatif et l’arrimage du CEPCA en général et de son département éducatif en particulier à la bonne gouvernance financière serait salutaire pour un rehaussement de l’image des écoles protestantes au Cameroun.
Crise du droit et terrorisme. Retour sur le droit à un procès équitable des présumés terroristes
La sécurité juridique se traduit par l’élaboration des règles de droit et le juge poursuit cet objectif par leur application. D’ailleurs, la qualité des décisions de justice allant dans une optique de protection des droits procède de la sécurité juridique. Cette dernière soutient ainsi que les situations juridiques ne doivent pas demeurer intangibles. Il faut donc garantir les droits. La garantie pose un double critérium dans sa signification, à savoir assurer tout d’abord, puis protéger. C’est dans cette optique que le terrorisme se trouve être une cause de la crise du droit. Cela s’observe surtout dans la garantie du droit à un procès équitable des présumés terroristes qui peine à ne pas être contestée, même si le terrorisme est un phénomène difficile à saisir. Si cette garantie est prévue par les textes camerounais et tchadien, elle tarde à être harmonisée, le terrorisme, comme c’est le cas de Boko Haram, étant pourtant commun à ces deux pays voisins. Les diverses législations laissent prospérer une variation des délais et une appréciation nuancée de l’importance accordée aux juridictions d’exception que sont le Tribunal militaire au Cameroun et la Cour criminelle spéciale au Tchad. C’est une garantie certes reconnue, mais dont le contenu reste flou, car sa mise en œuvre rencontre des obstacles, le droit à un procès équitable étant un moyen d’administration de la justice qui se veut concrètement garanti tant par l’institution que par la personne qui en a la charge.
L’emploi à l’épreuve des troubles intérieurs au Cameroun
L’activité productive ou économique d’une population a pour objectif de produire les biens et services marchands, ou non, moyennant un salaire ou un traitement en espèces ou en nature. La réalisation de cet objectif passe par un emploi durable, d’ailleurs considéré comme l’un des deux piliers de la stratégie nationale entrée en vigueur depuis 2009 pour faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035. Malheureusement, la « crise anglophone » et les assauts répétés du groupe terroriste « Boko Haram » dans la partie septentrionale constituent des freins à l’effectivité d’un emploi durable. En juin 2018, un rapport sur l’impact de la crise au Nord-Ouest et au Sud-Ouest est publié par le Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM). Ce document estime les pertes en équipements à 2,14 milliards tandis que le manque à gagner en termes de chiffre d’affaires avoisine les 270 milliards de francs CFA. Le rapport précise également que « 8.000 emplois relevant du secteur informel » sont menacés en plus des 6.434 déjà perdus. Et ces chiffres ne concernent que le secteur de l’agro-industrie. Entre les mesures d’ordre public des autorités administratives en vertu de la loi et les mesures illégales des belligérants sous le vocable « ghosttown » (villes mortes), l’emploi s’est trouvé sacrifié. Cette contribution allie les méthodes juridiques et socio-politistes pour dégager les pistes de solution en vue du retour au plein emploi.
La politique de l’inimitié ou de l’ennemi semble de retour dans l’arène parlementaire camerounaise. Pour la première fois dans l’histoire des pratiques d’assemblée de ce pays, des gouttes de sang arrosent le tapis de l’hémicycle au cours de la session parlementaire de novembre 2017. L’ordre parlementaire fut menacé, perturbé, ébranlé. Pourtant, il fait l’objet d’une règlementation rigoureuse et de plus en plus rigide. Comprendre la résurgence de la violence dans les hémicycles du parlement camerounais à l’ère de la civilisation des pratiques et comportements politiques est la principale tâche que s’est assignée la présente contribution. L’examen desdits évènements à l’aune des variantes stratégiques et symboliques des interactions laisse aisément saisir les moments de violence comme des manœuvres stratégiques d’affirmation d’une opposition parlementaire tantôt en rupture avec l’ordre parlementaire établi, tantôt en proie aux pulsions d’autoritarisme d’un milieu parlementaire à démocratisation inachevée.
- Fédération des missions évangéliques du Cameroun. ↵