Volume 2 – numéro 2 – 2022 : Paix, temps et territoires à l’ère des dynamiques contemporaines
Politiques de sédentarisation et conflits pastoraux dans le Djolof au Sénégal (1887-1960)
Ndiouga DIAGNE
Introduction
Le Djolof[1] est un lieu de rencontre, de contact et d’échange. Plusieurs migrations (Ba, 1986, Lam, 1993) venues de la Sénégambie méridionale et septentrionale ont forgé une civilisation pastorale et agricole, symbole de leur coexistence. Les diverses relations entre le Djolof et les autres provinces de la colonie du Sénégal ont donné naissance à une jonction de populations (Barry, 1988, Daha Cherif, 2013, Fall, 2016). La colonisation a fait naître un nouveau système d’organisation et d’exploitation consistant à privilégier les uns au détriment des autres. Les systèmes pastoraux s’en sortent ébranlés et la lutte pour le pourvoir apparaît sous de nouvelles formes. La mobilité, qui constitue la « pierre angulaire » des systèmes pastoraux, fera face à la volonté de l’administration coloniale de la restreindre afin de mieux stabiliser l’espace dont elle devient le nouveau maître et le garant de la stabilité. De ces politiques de sédentarisation (Ba, 1986), les rapports entre pasteurs nomades et agriculteurs deviennent plus tendus et conflictuels.
Dans sa politique de gestion et de contrôle des populations du Djolof, l’administration coloniale française va tenter de maintenir sur place les pasteurs nomades afin et de mettre en œuvre sa « mission civilisatrice ». La politique de restriction des mobilités s’est accompagnée d’une réaction des populations nomades dont les pérégrinations n’ont pas été sans conséquence dans la mise en valeur de la province du Djolof.
Il est question, dans cet article, d’analyser les politiques de sédentarisation des pasteurs nomades mises en place par l’administration coloniale dans sa conquête de pénétration de l’arrière-pays. Il est aussi question d’examiner les réformes territoriales et administratives, la réaction des nomades et les conflits qui découlent de la gestion de l’espace. En d’autres termes, comment l’administration coloniale, dans sa politique de gestion et de contrôle de l’espace et de la population, fera-t-elle face aux systèmes pastoraux? Les politiques coloniales de sédentarisation ont-elles des répercussions sur la gestion pastorale et les relations entre pasteurs et agriculteurs?
Pour répondre à ces questionnements, nous adoptons une démarche analytique et critique des différentes sources[2] en vue de saisir le contexte de pénétration de l’administration coloniale, les politiques de sédentarisation initiées, ainsi que leurs répercussions sur la gestion pastorale et les relations entre pasteurs et agriculteurs dans le Djolof.
Réformes administrative et territoriale : contrôler, administrer, « civiliser » et exploiter, un impératif?
La « mission civilisatrice » de la France à l’endroit des indigènes était tributaire de la stabilité et du contrôle de l’espace et de la population. Après la conquête de l’espace par les armes, l’administration coloniale française va initier des réformes administratives et territoriales afin de mettre en œuvre sa politique assimilationniste. Confrontée à la mobilité constante des pasteurs, elle va tenter de fixer les nomades en mettant en place des politiques sanitaires, hydrauliques et agricoles (Pélissier, 1966, Santoir, 1983, Ba, 1986).
La conquête territoriale de la France, qui a abouti à la défaite des royaumes sénégambiens, inaugure une nouvelle phase dans l’organisation administrative et territoriale de ces royaumes. Avec la mainmise sur les territoires, un nouveau régime administratif est mis sur place. C’est ainsi que la France, après plusieurs réformes (1919-1920), fixe les compositions et limites de l’Afrique-Occidentale Française[3], créée en 1895, par le biais d’un décret du 4 décembre 1920[4]. La création de cette entité répondait à la fois à des besoins politiques, économiques et sociaux dont le but était d’administrer, d’encadrer, de contrôler, mais aussi d’identifier la population indigène. Après la refonte de l’espace africain en général et de l’Ouest africain en particulier, les décrets du 23 octobre 1904 et du 24 juillet 1906, portant respectivement sur l’organisation du domaine et création du régime foncier, régissent le domaine foncier de l’État[5]. Le domaine foncier de l’État est constitué par les biens et les immobiliers détenus par l’administration dans les formes et les conditions prévues par le Code civil français. En outre, la reconnaissance de la propriété foncière par l’État colonial, issue du décret du 5 novembre 1830 du Code civil français, a permis une usurpation sur la gestion des terres africaines. Il se pose alors ce que Le Brise et Le Roy appellent « le problème de la nature du droit sur la terre et celui de la surface sur laquelle ce droit porte » (1982, p. 144) à travers la réforme foncière et agraire. Une telle politique, purement ségrégationniste et centralisatrice, place tous les territoires de l’AOF[6] sous la tutelle d’un gouverneur général, avec pour capitale Dakar.
Les anciens territoires sont ainsi divisés en cercles. Le Cayor est partagé entre les cercles de Louga et de Tivaoune et le Djolof est rattaché au cercle de Louga[7]. Le cercle peut être perçu comme un lieu à délimitation floue servant à absorber toutes les ressources par un contrôle plus direct de la population. Dirigé par un chef de cercle, le cercle dépendait du gouverneur général. Les cercles sont subdivisés en canton. Dirigé par un chef de canton indigène, le canton est composé par « un groupement de villages et par les territoires qui en dépendent » (Mbaye, 1991, p. 65) et plusieurs cantons pouvaient former une province[8]. C’est ainsi que l’administration coloniale organise ses territoires.
Mais pour un contrôle effectif des territoires, l’arrêté du 11 janvier 1935, modifié par celui du 4 mars 1942, initie les villages au sein de l’administration. Le village, décrit par Mbaye comme « l’unité administrative indigène » (1991, p. 67), permet à l’administration de surveiller un peuple longtemps considéré comme insaisissable, individualiste, errant, par le biais des chefs de village. Après la réforme foncière, celle territoriale attribue les terres aux collectivités locales ou à des groupes de personnes par l’intermédiaire du commandant de cercle.
Avec la présence française, « les coutumes arbitraires étaient supprimées et la justice surveillée, le conseil des notables contrôlé, une nouvelle forme de justice mise en place »[9]. Malgré qu’elles soient appelées justice musulmane quoi que dictées et arbitraires, les coutumes tant décriées sont appelées à disparaître, les indigènes appelés à plus de civilité, de production, de soumission, de participation pour la mère patrie et à scolariser les enfants en masse, telles sont désormais les missions assimilées à ce territoire et à l’ensemble de la colonie du Sénégal. L’ordre et la sécurité, voulus par l’administration coloniale, régnaient partout, favorisant ainsi la marche du pays vers la voie du progrès et de la civilisation de la France. À la tête de chaque province se trouvait un chef de province nommé par le Gouverneur de la colonie[10]. Il est le représentant direct de l’administration coloniale, du commandant de cercle et est aidé dans ses tâches par les chefs de canton et chefs de village[11].
La nouvelle organisation qui voit le jour en 1895 a permis à l’administration coloniale « d’activer la pénétration du pays, de rendre l’occupation effective, de garantir par un contrôle incessant l’intégration et d’accroître la confiance des indigènes avec l’autorité et de favoriser par des recensements plus exacts la progression et la régularité des recouvrements fiscaux »[12]. C’est sans doute dans ce contexte que
[…] les Peuls s’éloignèrent dans la brousse pour échapper aux administrateurs indigènes représentant l’administration coloniale dans l’exercice du nouveau pouvoir. Une psychose de crainte des oreilles rouges s’empara des Foulbés, à tel point qu’ils refusèrent tout contact et se dissimulèrent, la brousse aidant, ainsi que leur capital bétail[13].
La province du Djolof[14], fort éloignée du cercle de Louga auquel elle dépend, méritait d’être administrée et surveillée de plus près. En 1910, le cercle de Louga, créé en 1887, comprenait 5 provinces.[15] La province du Djolof comptait le plus grand nombre de populations du cercle de Louga, soit 39949 habitants[16]. La population peule, la plus nombreuse, était estimée à 21366 contre 17544 pour les Ouolofs, 1131 pour les Maures et à 438 pour les Bambaras[17]. Toutefois, les chiffres fournis par l’administration coloniale sont à prendre avec beaucoup de précautions. Les recensements de la population durant cette période sont souvent biaisés et il existe un grand risque de sur/sous-évaluation compte tenu des difficultés que les administrateurs coloniaux avaient pour effectuer les recensements dans cette zone. Celle-ci était aussi vaste avec une forte mobilité des pasteurs peuls réticents à tout recensement à cause notamment des impôts prélevés sur le bétail. Malgré le rôle utile du chef de province, Bouna Ndiaye[18], qui rend des services loyaux à Yang-Yang[19] et qui avait une forte autorité auprès des indignées, il fallait une mainmise sur la population et les activités. Les déplacements sans cesse des Peuls vers le Ferlo ou dans les autres cercles ne facilitaient pas l’exercice du pouvoir[20].
Avec la pacification de l’espace, la province du Djolof appartenant au cercle Louga allait bientôt être détachée de celui-ci à cause de son vaste territoire qui échappait à tout contrôle de l’administration coloniale. Dans un rapport en date du 16 décembre 1911, le Gouverneur des colonies et Lieutenant-Gouverneur du Sénégal, Cor, adressé à Monsieur le Gouverneur général de l’AOF, insistait sur « la nécessité de créer de nouvelles résidences ou postes afin d’assurer un ʺcontrat étroit et permanentʺ entre les représentants du pouvoir local et les populations indigènes »[21]. La nature du contrat qui lie les deux parties est infaillible et chaque partie est récompensée dans une certaine mesure. C’est dans ce contexte que la province du Djolof appartenant au cercle de Louga est érigée en cercle[22].
Carte. Cercle du Djolof ou cercle de Linguère
Souvent mentionné dans certains documents d’archives cercle de Djolof, le cercle de Linguère, créé le 1er janvier 1929, est rattaché depuis le 12 mai 1929 au cercle de Louga[23]. Il est placé sous l’autorité de l’administrateur du cercle de Louga et est administré par un agent des services civils en résidence à Linguère, chef-lieu du Djolof. Le cercle de Linguère reprit son autonomie le 1er août 1930[24] et est administré par un administrateur adjoint des colonies. L’administrateur commandant le cercle de Louga est en même temps l’administrateur maire de la commune mixte dont la création remonte au 31 décembre 1904. Les prérogatives administratives et politiques sont déléguées par l’administrateur aux chefs de province qui assurent la présidence des tribunaux de province, instituée par le décret du 10 novembre 1903. À sa création, le cercle de Linguère avait la troisième plus grande superficie de la colonie du Sénégal[25] (19218 km²) avec 16630 km² après les cercles de Tambacounda (46190 km²) et Kaolack (19440 km²). Le cercle de Linguère comptait 5 cantons[26].
Les réformes territoriales et administratives entreprises par l’administration coloniale devaient aboutir à un meilleur contrôle de la population. La mobilité des pasteurs se présente comme un système archaïque qu’il faut éradiquer sinon limiter. Véronique Ancey évoque la description faite de l’élevage peul en ces termes :
Mystère, irrationalité, atavisme, voire magie sont les premières caractéristiques de l’élevage peul aux yeux des vétérinaires coloniaux préoccupés de son contrôle, c’est-à-dire, déjà, d’une certaine mise en ordre rationnelle. (…). L’élevage africain est un « art primitif » pratiqué avec un sens pratique reconnu, mais sans rationalité (2005, p. 21).
Les Peuls nomades, comme tous « les peuples pasteurs sont de terribles déboiseurs, et il est bien difficile d’y remédier. Néanmoins on ne saurait tolérer qu’ils émigrent »[27]. La volonté de l’administration de limiter la mobilité des pasteurs est justifiée par un souci de stabilité et de préservation de l’environnement. Les pasteurs ont une habileté à migrer d’un canton à un autre malgré les restrictions. Les administrateurs coloniaux et indigènes se devaient de limiter les déplacements constants des pasteurs. Aux yeux de l’administration coloniale, la mobilité ne rime pas avec la « civilisation occidentale ». Dans un rapport on pouvait lire les préjugés formulés à l’endroit des pasteurs peuls en ces termes :
[…] ils sont pauvres, ignorants, sales. Ils n’aiment pas travailler. Ils bougent pour un rien. Ils sont retardés et vivent pratiquement comme des animaux. Ils ont besoin du progrès, de la modernisation, de la civilisation ; il faut qu’ils s’installent dans des villages, qu’ils aient des salles de bain et des écoles et qu’ils apprennent à parler notre langue (Anonyme, 1983, p. 35).
En outre, elle relève de l’archaïsme et ne permet pas une exploitation rationnelle du bétail et de ses produits dérivés. La mobilité pouvait aussi constituer une source d’insécurité et d’instabilité, dans la mesure où elle induit des migrations complexes entre plusieurs territoires.
La mise en valeur des territoires rentrait dans le cadre de cette politique. C’est ainsi que l’administration met en place des politiques contraignantes visant à encourager la sédentarisation.
Avec l’appropriation effective des territoires, l’administration coloniale française se pencha sur l’un des groupes les plus « terribles » de la zone. Dans le but d’inciter et de maintenir sur place les pasteurs nomades, elle développa plusieurs politiques à leur égard.
Encourager la sédentarisation : la mobilité mise à l’épreuve
Pour avoir un contrôle direct sur les sociétés nomades de la zone, l’administration coloniale française avait mis en place des politiques sanitaires, hydrauliques et agricoles dans le but de restreindre la mobilité de pasteurs[28]. Conscient que la « mission civilisatrice » ne rime pas ne rime pas avec la mobilité, il devient alors impératif aux yeux de l’administration coloniale française de stabiliser les pasteurs nomades.
Les politiques sanitaires : le temps de la bataille médicinale
S’il existe une réforme ou un acte symbolique qui a penché en faveur du pastoralisme, c’est l’action sanitaire. En AOF[29], l’administration ne s’est intéressée à l’élevage, d’une manière générale, qu’à partir de 1940.
En effet, pour lutter contre les maladies animales qui décimaient le cheptel, mais aussi les dangers que présente le lait des vaches africaines, l’administration a développé des politiques sanitaires avec l’aide des vétérinaires dont le rôle de prophylaxie, certes doublé d’une vocation économique, était tout aussi important. La plupart des pasteurs nomades, pour ne pas dire la totalité, étaient réfractaires à cette prophylaxie animale. Cela s’explique par le fait que la vaccination constituait à leurs yeux un moyen de recenser les troupeaux afin de leur faire payer des impôts et redevances. Paul Pélissier pense que « l’objectif fiscal commande tout le comportement de la population à leur égard » (1966, p. 19). Pour les pasteurs, la vaccination n’est qu’un moyen de contrôle dont le but était d’obtenir plus de revenus. Pour l’administration coloniale, l’islamisme des Peuls les empêchait d’ouvrir les yeux sur l’existence des épizooties. Le Gouvernement général de l’AOF l’atteste en ces termes :
L’orgueil des propriétaires réside dans le nombre et non dans la qualité des bêtes constituant le troupeau…comme le peul est musulman, il faut chercher dans son fatalisme l’acceptation passive des épizooties contre lesquelles il croit qu’il est inutile de lutter autrement que par des pratiques rituelles. Il limite ses soins à celles dont une tradition très restreinte lui a légué la connaissance[30].
Il nous semble judicieux de dire que les pasteurs ont opté pour la conservation de leur tradition. De même, ils disposaient de facultés occultes pour faire face aux maladies bovines et à leur transmission. Andy Catley et Jeffrey Mariner l’attestent en ces termes : « les pasteurs disposent de connaissances locales riches dans le domaine animal, notamment de bonnes méthodes de diagnostic et une connaissance du mode de transmission des maladies » (2002, p. 2).
La peste bovine sévit depuis plusieurs années dans le cercle de Linguère. Elle a entraîné la mort de plusieurs centaines de têtes de bétail à cause de l’insuffisance du vaccin anti-pesteux[31]. Face à cette situation, l’administration opta comme moyen de prévention et de lutte l’isolement des sujets malades. Des cas de péripneumonie font également leur apparition d’une année à l’autre. Devant la persistance de ces épidémies, les Peuls optèrent pour la médecine traditionnelle. Ainsi, ils développèrent la vaccination curative par inoculation de virus au chanfrein de l’animal malade. Cette pratique rencontra du succès à tel point que l’administration coloniale reconnaissait que les indigènes avaient une tradition médicinale aussi efficace que la leur[32]. Cette médecine a permis non seulement éviter d’énormes pertes, mais aussi de maintenir le cheptel en bonne santé. Les pratiques de la médecine indigène rencontraient toutefois l’hostilité de l’administration coloniale française. En effet, par une institutionnalisation de la médecine, l’administration coloniale avait fini par interdire la pratique de la médecine aux indigènes. Face aux nombreuses maladies animales telles que la peste bovine, la fièvre de la vallée du Rift, la pneumonie contagieuse bovine, la dermatose nodulaire bovine, la peste des petits ruminants, la fièvre aphteuse et la pasteurellose qui décimaient le cheptel[33] ouest-africain à grande échelle, il fallait développer davantage la prophylaxie animale afin de contribuer à la santé animale.
Malgré une intervention en faveur de la santé animale, les progrès de la médecine sur le cheptel restaient insatisfaisants sinon médiocres. Ceci est confirmé par les autorités lorsqu’elles affirment que « les méthodes d’élevage sont encore défectueuses et qu’il reste des progrès à accomplir si l’on veut compenser en effectif par un meilleur rendement des sujets »[34]. Les dispositions prises à l’égard de l’élevage ont eu, au fil des années, à aboutir à des résultats plus que satisfaisants. Ainsi, la couverture sanitaire du cheptel connaîtra une nette avancée dans les décennies suivantes. Qu’elles soient d’ordre lucratif, abusif ou préventif, les politiques sanitaires ont au moins permis d’éradiquer certaines maladies animales. Les campagnes de vaccinations s’effectuaient pendant les moments de rassemblements du cheptel lors des déplacements où dans les lieux d’abreuvoir. Elles avaient une fonction économique notoire cachant mal celle de la prophylaxie. Les besoins en viande et en produits laitiers sont devenus plus conséquents en métropole, notamment en ces périodes d’après première guerre et au moment de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, bien que difficiles malgré tous les moyens déployés, elles ont eu à participer au bien-être du bétail ouest-africain dans son ensemble. Les difficultés résident dans la dispersion du troupeau, de la volonté des pasteurs réticents au dénombrement de leur bétail.
Les politiques hydrauliques : la soif qui ne tue pas
À cause de la rareté des puits et de l’indisponibilité de l’eau, le Djolof est perçu comme le « pays de la soif ». Ainsi la construction de puits et de forages à haut débit était dans une certaine mesure une préoccupation pour l’administration coloniale. À partir des années 1930, l’hydraulique pastorale se développa dans les colonies ouest-africaines, notamment dans la zone sylvopastorale sénégalaise. Dès lors commença une période de construction de puits et de « séane » dans la plupart des colonies. Le puits est « un ingrat ouvrage de termites qui consiste à ouvrir dans la terre compacte, sans outillage spécial, de galeries verticales, avec l’espoir d’y trouver l’élément désiré »[35]. Quant au « séane », il consiste à une « excavation circulaire, de dimension variable, en forme de cône renversé de 1m50 à 3m de profondeur. Il permet de drainer l’eau qui se trouve dans les assises superficielles du sol et reposant sur une couche moins perméable »[36]. Le programme d’équipement prévoyait la construction des puits de parcours et des pistes d’évacuation. C’est ainsi que « la société de prévoyance avec l’aide des budgets emprunts poursuivit l’équipement du Djolof, des cercles de Louga, Matam, Podor, de Kayes, Nioro, Néma, Ouagadougou[37]. Dans le Saloum, les sociétés de prévoyance ont ainsi construit 900 puits »[38] dont la plupart sont entourés d’abreuvoirs. La création du FIDES[39], par la loi du 30 avril 1940 allait dans le sens de la mise en œuvre d’un grand réseau hydraulique. Il avait entre autres buts d’assurer l’équipement local des territoires outre-mer, de faciliter le développement économique, social des pays colonisés. Puisque les pâturages ne sont pas du ressort des humains, il fallait développer la politique de l’hydraulique pastorale. Merlin avance en ce sens que comme « il est impossible de créer des pâturages, il faut créer des points d’eau dans les régions où les pâturages sont convenables. Il fallait, en créer beaucoup, car le cheptel de ces régions est déjà important »[40].
Le choix de l’administration coloniale consistant à créer des points d’eau rapprochés, mais aussi à préférer les forages au détriment des puits, est un élément déterminent de surpâturage autour des forages. Les avantages et inconvénients des points rapprochés et le choix entre les puits et les forages sont résumés par Merlin en ces termes :
Il y a un inconvénient à créer des points d’eau trop importants, car l’accumulation sur une surface restreinte d’un bétail trop nombreux conduit généralement à l’épuisement du pâturage et à la disparition totale de la terre arable dans la région. Il est évident que la solution consistante à placer un important point d’eau tous les 4 km n’est pas la solution idéale. Là où la création de points d’eau plus rapprochés et moins puissants ; on évite ainsi les trop grandes concentrations de pasteurs et de cultivateurs (1951, p. 170).
Dans l’état actuel de la technique et de l’économie, « on aura toujours intérêt, sauf de rares exceptions, à préférer les puits, là où il est possible, aux forages »[41]. En 1930, Roussel, ingénieur adjoint des travaux publics, dénombrait 88 puits dans le cercle de Linguère, répartis comme suit : Entièrement terminés 54 (28 à débits suffisants, 16 nécessitant des travaux d’entretien, 10 à débits insuffisants), 19 en cours de fonçage ; 11 fonçages abandonnés, 04 éboulés[42]. Pour l’année 1930, une somme de 35000f du budget local a été déléguée au cercle pour les travaux de l’hydraulique agricole. Les dépenses pour la construction des puits, au 31 décembre 1930, s’élevaient à 26107, 50F[43]. Dans les années 1950, Dodji comptait 17 forages[44].
Malgré un investissement financier important, le réseau hydraulique est resté lacunaire. Aux défaillances dues aux pannes récurrentes des forages, s’est ajoutée la délicate question de surcharges des aires de pâtures autour des forages. La construction des forages et des puits dans les zones à vocation pastorale et agricole a amélioré la problématique de l’eau, même si elle ne l’a pas réglé définitivement. Qu’elle soit dictée ou imposée par des facteurs internes ou externes, la sédentarisation ou la fixation créait plus de problèmes qu’elle n’en ressoude pour le pastoralisme (Ndiouga, 2017, p. 84). C’est en ce sens que Santoir décrit la fixation des nomades comme « le plus lourd des conséquences à l’avenir » (1983, p. 55). Elle est loin d’être une solution efficace et son échec ne saurait être une surprise. Cheikh Ba conforte la logique selon laquelle « l’insuccès du projet officiel de sédentarisation procède de sa problématique même, laquelle n’en définit ni les rythmes ni les phases » (1986, p. 77). Il montre l’insuccès des projets en faveur du pastoralisme qui, en grande partie, découle de leur nature technocratique.
Les politiques agricoles : la terre mise à rude épreuve
L’introduction de l’économie capitaliste mise en avant au détriment d’une économie de subsistance va être un tournant dans la désintégration des sociétés africaines. La mise en valeur des colonies est le résultat d’un besoin sensuel et d’un développement des industries métropolitaines. C’est pour ces raisons que « toutes les impulsions qu’elle a données de manière autoritaire ou libérale ont été commandées par le souci primordial de répandre la plante de la traite » (Pelissier, 1966, p. 32).
Les politiques agricoles coloniales ont engendré des conséquences sur la mobilité des pasteurs nomades. L’appropriation des terres pour la culture de l’arachide a réduit l’espace pastoral et modifié des couloirs de passage et les aires de pâturages au nom d’une politique assimilationniste de civilisation. Au contraire, elle a été plutôt une politique de subordination, de division, de contrainte et de marginalisation à l’égard des pasteurs. Pelissier estime que « l’affectation des terres pastorales pour les besoins de la culture de l’arachide a provoqué une extraordinaire extension de l’espace cultivé » (1966, p. 32). L’introduction de la culture arachidière répondait certes à des besoins de préoccupation des industries européennes. Elle aura également été un facteur dans le processus de marginalisation de l’élevage extensif. L’avancée des terres agricoles est si considérable que les pasteurs sont obligés soit de changer d’itinéraires soit d’ériger des couloirs de passage à l’intérieur des terres agricoles. Selon Santoir, au Sénégal, « entre 1943 et 1950, les superficies de l’arachide passèrent de 23000 ha à 50000 ha » (1983, p. 43). Partout, la colonisation agricole a fait reculer le front pastoral sous les yeux discriminatoires de l’administration coloniale.
La limitation des pouvoirs des chefs traditionnels[45] et des marabouts au profit des gouvernants a considérablement changé la donne. En outre, la pacification de l’espace ouest-africain a fait naître de nouveaux besoins. Les cultures de riz, de mil et de maïs devinrent de plus en plus les aliments indispensables aux ménages. La consommation de thé et de sucre se révéla aussi indispensable dans la vie des pasteurs nomades et semi-nomades[46]. Tant les prix de ces denrées alimentaires et ceux des vêtements augmentèrent, qu’il a fallu aux nomades de changer leurs habitudes.
Ainsi la colonisation des terres pastorales par « les Mourides qui marchent résolument à la conquête des terres arachidières » avait pour objectif « de chasser les éleveurs de la campagne sénégalaise et de les rejeter en Mauritanie ou ailleurs »[47]. En effet, le congrès de l’union des Peuls, par la voix de Boukar Boydo Ka, estime que
[…] la récente installation des Mourides tenants de Cheikh M’Backe à Deali, cercle de Linguère, peut être et doit être citée comme exemple de spoliation de nos terrains de parcours. […] Rien ne fut épargné ni respecté ; les terrains de campements peuls, riches de la fumure de bouse de vaches, furent l’objet de leur prédilection. Les Peuls de cet endroit, sous la pression du chef de canton, étaient obligés de fêter l’arrivée des envahisseurs en égorgeant des bœufs pour leurs repas, et de décamper pour leur laisser la place.[48]
Ce discours, à l’encontre les chefs religieuses mourides, montre la différence de traitement entre les deux groupes socioéconomiques, mais aussi l’accaparement des terres pastorales pour les besoins de l’agriculture. Cette colonisation de l’espace pastorale par les autorités maraboutiques est à l’origine de plusieurs migrations vers l’ouest du Djolof. La réduction de l’espace pastoral, dont l’une des conséquences premières est la migration lointaine, s’est accompagnée d’un favoritisme. En ce sens, Boucar Boydo ajoute plus loin que
[…] la substitution de l’agriculture à l’élevage est amorcée ; il ne peut être qu’ainsi, la manne du FIDES tombant actuellement entre les mains des cultivateurs et, dans nos ministères, nos ministres parlent Ouoloff et ignorent le dialecte peul. Ils sont obligés d’accorder audience à des kyrielles de gens, dont les marabouts enturbannés cherchent le moyen d’acquérir argent, outils, et la possibilité de se parachuter dans des terres nouvelles pour y pratiquer la culture extensive et déprimante de l’arachide, dans l’égoïste but d’amasser du « FRIC ». Il y a là un fléau qui fait poser une grave menace sur la vie peule ; l’invasion brutale de nos terrains de parcours par les cultivateurs dotés de plus en plus de capitaux.[49].
Les récoltes sont tributaires de la quantité des pluies tombées, mais aussi de la répartition de l’hivernage. Le cercle se développe économiquement et l’exportation d’arachides par chemin de fer est passée de 1260 Tonnes en 1933-1934 à 6525 T. en 1937-1938[50]. Parallèlement, les cultures vivrières prennent de l’importance. En 1938, la récolte s’élevait à environ 9000 tonnes de mil, 800 tonnes de maïs et 1500 tonnes de haricots mil[51]. Le développement cultural du cercle est dû en grande partie à l’action de la société de prévoyance qui prête des semences, avance de l’argent pour l’achat des semoirs et au cours de la traite, maintient à un cours raisonnable le prix des arachides. Malgré cette importante exportation des cultures, l’administrateur du cercle estimait qu’il ne faut pas croire que « le chemin de fer draine toute la production de graines de la circonscription ; une notable quantité peut-être 20 pour cent partent sur le Sud (Diourbel et Guinguinéo), sur Coki à l’Est et même sur Dagana au Nord »[52].
L’essor du commerce, durant cette période, a motivé le départ de certains membres de la tribu qui s’installèrent dans les pays voisins afin de disposer plus de revenus monétaires. C’est à partir de ce phénomène que « des Mauritaniens abandonnèrent femmes et enfants pour faire du commerce au Sénégal ». (Toupet, 1975, p. 327). Ces émigrations sont le fruit des contraintes imposées par l’administration coloniale, mais aussi de l’apparition de nouveaux besoins. Les conséquences qui en découlent sont dramatiques et peuvent aller de l’abandon de la famille à la perte d’identité culturelle. En outre, l’introduction des premières écoles à partir de 1917 avec Jean Dard, puis la création de la première école dans le Djolof, à Yang Yang, en 1895[53], a également contribué à la dislocation de la tribu.
Les conflits pastoraux
Les conflits pastoraux posent la problématique de la territorialisation et de l’identité culturelle (Diagne, 2019, p. 163). La récurrence des conflits entre éleveurs et agriculteurs résulte de différents facteurs parmi lesquels la compétition pour le contrôle des terres, la divagation du bétail, l’augmentation des surfaces cultivées au détriment des terres pastorales, la rareté du pâturage, etc. Chaque groupe social se réclame d’une entité territoriale et culturelle et défend ses intérêts vitaux. La survie de ces deux groupes dépend de la disponibilité des terres, de la défense de leur intégrité territoriale, socioéconomique et socioculturelle. L’augmentation des surfaces agricoles cultivées sur les parcours habituels des troupeaux est l’un des principaux facteurs de conflit. La détérioration des rapports sociaux a pour corollaire les disputes, les frictions et les violences. Elle entraîne également des conflits intercommunautaires et interethniques. Face à une telle situation, une analyse des causes et des enjeux de ces conflits est un préalable incontournable ; celle de l’opposition entre, d’une part, la logique populaire des deux groupes et d’autre part, la logique étatique est tout aussi nécessaire (Diagne, 2019, p. 20). C’est ce double exercice qui permet de comprendre la complexité de la coexistence difficile et conflictuelle qui cache la bonne cohabitation entre deux groupes vivant dans un même espace.
La logique populaire face à la logique étatique
Pourtant inséparables du point de vue historique, pasteurs peuls et agriculteurs wolofs sont restés pendant longtemps complémentaires dans leurs habitudes alimentaires[54]. Ils ont toujours profité des produits de chaque groupe et vice versa. La complémentarité des produits alimentaires se faisait par le biais d’un système d’échange appelé « troc » avant que l’introduction de la monnaie dans les sociétés pastorales ne change la donne. L’agropastoralisme est « un système de production et un type d’économie familiale qui peut résulter de deux évolutions convergentes à partir de pôles opposés : des pasteurs qui s’adjoignent une activité agricole ou des cultivateurs qui achètent des animaux et acquièrent des compétences pour s’en occuper » (Bernus et Boutrais, 1994, p. 115).
Les activités des pasteurs répondaient à une dynamique populaire dans laquelle l’espace organisé en terroir permettait une exploitation rationnelle des terres. La gestion de l’espace et l’absence de frontières ne sont pas synonymes d’anarchie. Le régime foncier traditionnel répondait à des normes qui correspondaient aux préoccupations de la population qu’il soit dans le cadre d’une gestion individuelle et/ou collective. Cette répartition terrienne déterminait la nature de l’espace selon les besoins de chaque groupe social au sein des collectivités. Dans l’imaginaire du pasteur nomade, la seule limite ou frontière c’est le manque d’eau et de pâturage. Les collectivités territoriales jouaient un rôle de garant afin que les enchevêtrements de l’un des groupes puissent ne pas nuire à l’autre. Cette forme d’utilisation et d’exploitation était un moyen efficace de se préserver contre d’éventuels différends ou d’en trouver des solutions adéquates entre les parties en conflit par le biais du palabre. C’est ainsi que les sociétés nomades évoluèrent jusqu’à l’arrivée des Européens.
Les conflits pastoraux : une vieille histoire?
Introduit dans un contexte d’occupation et de mise en valeur des territoires coloniaux, le régime foncier colonial en Afrique occidentale française, qui en est l’un des symboles, va désormais réglementer toutes les procédures d’acquisition et de gestion des terres africaines.Le droit foncier coutumier sera largement remis en cause et les Africain-e-s, notamment les sociétés pastorales, seront confrontés à un problème majeur : celui de l’utilisation des terrains de parcours par les troupeaux. Le nouveau régime foncier, introduit par le Code civil français de 1830 au Sénégal, a connu une évolution par le biais de deux décrets [55] : celui du 26 juillet 1906 et celui du 26 juillet 1932. Même si le régime foncier connaîtra une évolution par le décret n° 580 du 20 mai 1955[56], le droit foncier restera exclusivement entre les mains de l’administration qui en est le maître absolu. De ces politiques coloniales, leur relation est devenue plus tendue et conflictuelle. Elles sont aussi la résultante d’une discrimination notoire de la part des puissances occidentales à l’égard des pasteurs pendant la période coloniale. C’est ainsi que la sédentarisation fut le point focal d’une politique visant à les maintenir sur place.
La situation concrète d’enchevêtrement des terres pastorales et agricoles est à l’origine de plusieurs différends. Les causes de ces conflits sont liées à l’occupation des terres pastorales pour les besoins de culture et à la violation des terrains de culture par les éleveurs et leur bétail. Les rapports entre Ouolofs et les Peuls ne sont pas au beau fixe. Leur cohabitation, dans la province du Djolof, est difficile.
Les éleveurs et les agriculteurs entretiennent une vive rivalité dont les causes résident dans la gestion de l’espace dont l’autorité détient un contrôle exclusif sur les terres. La principale source de différends est à rechercher dans l’occupation des terres. Le système pastoral exige de grands espaces de parcours, tout comme l’agriculture nécessite aussi de grandes surfaces pour la culture arachidière. Encouragée fortement par l’administration coloniale, la culture de l’arachide est un élément de conquête territoriale et un vecteur de conflit dans le Djolof. L’extension des surfaces cultivables sur les parcours naturels du bétail est la source de plusieurs rivalités dont les conséquences peuvent être désastreuses et pèsent lourdement sur la vie des pasteurs.
Durant toute l’année, les deux groupes s’affrontèrent pour l’occupation de l’espace. Au Sénégal, l’occupation des terres pionnières de la Haute Casamance et des terres de la zone sylvopastorale (Linguère, Kaffrine, Tambacounda) et de celle agropastorale (Louga, Kébémer) sont les principales zones de conflits.
Ngaidé souligne d’un côté l’inadéquation des politiques en contradiction avec la réalité du terrain, et de l’autre, la fréquence de ces conflits en ces termes : « les conflits entre Peuls et Wolofs sont très fréquents dans cette partie de la région. En effet, l’extension des surfaces cultivables aux zones traditionnellement exploitées par les éleveurs suscite des frictions qui débouchent sur des affrontements meurtriers » (2012, p. 5). Ces violences témoignent aussi des rapports tendus et fragiles entre les deux groupes. Dans le nord du Sénégal, la zone agropastorale est le lieu privilégié des conflits entre les deux groupes. La plupart des personnes interrogées ont fait état de la récurrence des conflits. Dans les conflits les opposant aux agriculteurs, certains pasteurs soutiennent qu’ils sont souvent en situation de faiblesse face à la résolution des conflits[57].
Les raisons profondes des litiges sont à rechercher dans la crise foncière résultant du pluralisme de normes et de règles de gestion des ressources naturelles dans la plupart des pays ouest-africains. La résolution des conflits n’est pas souvent une chose aisée. D’ailleurs, Sylvie Fanchette pense que
[…] la difficulté à arbitrer les conflits fonciers s’explique dans bien des cas, par le fait que les conflits ne résultent pas tant de la pression sur les ressources, ou de la disparition des instances de régulation sous l’effet de cette pression, mais de la pluralité des normes (droit local, droit de l’État. etc.) et des instances d’arbitrage (chefferie, administration, services techniques, etc.) (2005, p. 122).
L’absence d’un cadre traditionnel ou moderne de litige est notoire. Même si le rôle joué par les chefs de village et de cantons est salutaire, des accusations sont souvent portées à leur encontre sous prétexte de favoritisme. Les décisions rendues par les autorités locales sont souvent jugées arbitraires, injustes et inéquitables, surtout dans une colonie dépourvue de lois pastorales. Dans la plupart des cas, les parties en conflit procèdent à une résolution à l’amiable.
Dans les communautés pastorales, cette méthode de résolution des conflits entraîne des sentiments de haine et de revanche. Une autre méthode de résolution consiste à verser une somme, estimée par l’agriculteur, équivalente aux dégâts causés (Diagne, 2019, p. 168). Mais cette dernière méthode de résolution pose beaucoup plus de problèmes du fait que le prix à payer pour la libération du bétail repose sur l’acceptation ou non du montant proposé par l’agriculteur. Au Sénégal, dans la zone sylvopastorale, certains pasteurs estiment d’ailleurs que les certains cultivateurs profitent de cette situation pour réclamer des sommes qu’ils n’auraient certainement pas eues après la vente de toute la récolte. Un pasteur peul affirme que « certains agriculteurs profitent de la divagation du bétail pour réclamer des sommes exorbitantes comme dommages et intérêts »[58]. Les conditions de la garde du troupeau sont aussi largement décriées par les pasteurs peuls, car ils estiment que « certains agriculteurs ne s’occupent point de la nourriture du bétail durant cette période »[59].
Avec la récurrence de la destruction des champs, éleveurs, agriculteurs et agricultrices en viennent parfois aux mains lorsque les propriétaires du bétail s’opposèrent à la confiscation de celui-ci. Lorsque l’agriculteur constate la destruction de son champ au réveil, il mesure la gravité de sa situation du fait de la longue période de saison sèche qui l’attend.
En saison sèche, les cultures de décrue dans la vallée du fleuve Sénégal sont également confrontées aux problèmes de violation et de destruction des champs cultivés par le bétail en transhumance. Par ailleurs, l’empiétement de l’activité agricole sur les parcours habituels du bétail pendant l’hivernage pose un problème fondamental : celui de la reconnaissance et de l’acceptation de l’espace de mobilité par toutes les parties. Les pratiques bureaucratiques de contrôle et d’identification de l’administration coloniale s’inscrivent dans une dynamique étatique. Elles laissent entrevoir le rôle à la fois protecteur et répressif de l’autorité coloniale (Diagne, 2019 : 170).
La cohabitation entre ces deux groupes entraîne souvent des morts d’homme. En AOF, agriculture et pastoralisme, qui devraient pourtant constituer une économie rationnelle, s’associent difficilement. Leur rencontre est sujette à de fortes probabilités de conflits. Dupire pense logiquement que
L’une et l’autre sont itinérantes et risqueraient, en se croisant, de se nuire ; les deux économies de ces cultivateurs pasteurs se juxtaposent, mais elles ne se combinent (mixed farning) que dans l’utilisation sommaire de la fumure animale sur les terres de cultures, mais aussi inversement par l’utilisation des résidus de la récolte par le bétail (1962, p. 105).
À ces conflits s’ajoutent ceux existant entre les pasteurs eux-mêmes. Ces types de conflits dus à la dispute des pâturages ou des points d’eau sont très fréquents dans l’Ouest africain. Au Sénégal, plus précisément à Wendou, deux pasteurs en sont venus aux mains. L’un d’eux affirme avoir été le premier à arriver sur les puits afin d’abreuver son troupeau. Après de vifs échanges, ils se sont battus. Ce qui a entraîné des blessures de l’un d’entre eux.[60] Les conflits liés à la dispute des points d’eau, notamment autour des forages, sont assez fréquents dans le Ferlo.
D’Amali à Tessékré en passant par Widou, la plupart de nos informateurs et informatrices affirment l’existence au quotidien de ces types de conflits liés à la dispute de l’eau qui, au final, ne sont dus qu’à l’égoïsme et à l’individualisme des protagonistes. À cela, il faut ajouter l’existence d’un réseau hydraulique défaillant. L’hydraulique pastorale s’étend sur toute la zone sylvopastorale à des degrés variés, mais la préférence des forages[61] à haut débit par rapport aux puits cimentés, entraîne comme conséquences les risques de destruction des pâturages autour des forages. En outre, la mauvaise gestion des forages qui tombent souvent en panne est un autre facteur de complication supplémentaire. Lors de notre séjour à Widou, les personnes interrogées tout comme le directeur des eaux et forêts ont fait état de la récurrence des pannes des forages. Par décision administrative, certains forages pouvaient faire l’objet d’une fermeture temporaire à la suite d’une surcharge des pâturages. Une telle fermeture permet ainsi le repos des aires de pâturages, mais entraîne une ruée des animaux vers les forages avoisinants.
L’occupation de la terre pastorale, en invoquant des raisons de besoins ou d’usages agricoles, l’empiétement sur les terrains de parcours habituels du bétail, limite considérablement la mobilité des pasteurs. Elle pose le problème de la restriction de l’espace pastoral au profit de l’espace agricole. Cette restriction entraîne la divagation du bétail sur les terres cultivées, notamment en période d’hivernage. Les signes avant-coureurs sont identifiables: l’ambiguïté des agissements de certains acteurs gouvernementaux et celle des espaces dont les politiques pastorales ne sont que la reproduction, voire la continuité de la politique coloniale. Malgré la coexistence entre ces deux groupes, leurs relations conflictuelles aboutissent souvent au pire face à l’exigence du contrôle des terres qui est le gage de la survie de chacun des groupes.
En dehors de ces conflits internes, les conflits liés à la transhumance transfrontalière[62] constituent la toile de fond d’une problématique révélatrice de la bifurcation des facteurs culturels, sociaux et économiques. Ils imbriquent toujours des liens étroits existant entre les agriculteurs et agricultrices des pays d’accueil ou de transit avec les pasteurs transhumants. Les conflits transfrontaliers découlent entre autres de la destruction de champs des cultivateurs et cultivatrices, de l’utilisation des aires de pâturages et des points d’eau, des vols de bétail.
La vive concurrence, qui découle des intérêts opposés dans les pays de départ, de transit et d’accueil, est à l’origine des conflits transfrontaliers. Elle peut également avoir des répercussions sur les prochaines transhumances entre les acteurs des pays concernés.
Conclusion
L’œuvre de la colonisation française dans le Djolof peut se résumer à une politique de contrôle et de domination tant de l’espace que des hommes. La politique « sédentariste » de l’administration coloniale a fait naître une nouvelle dynamique sociale entreprise au contact avec les sédentaires. La désagrégation de structures traditionnelles, combinée à l’apparition de nouveaux besoins pressants (impôt, recrutement, travail forcé, etc.), ony amené les pasteurs à (ré)adapter leur mode de vie. Le semi-nomadisme ou la sédentarité ne signifient nullement la fin ou la disparition du mode de vie pastoral. Ils sont le gage d’un impératif ou d’une nécessité d’adaptation, dont ils ont toujours eu recours, et l’impulsion d’une situation plus favorable les replonge dans le nomadisme. Cette combinaison adaptative garantit la survie des pasteurs face aux aléas auxquels ils font face. La mise en valeur de l’espace doit plutôt privilégier l’action des peuples, l’amélioration de leur cadre de vie, plutôt que la main mise et l’exploitation économique, en vue d’une gestion efficace. Cheikh Ba pense, à cet effet, que « l’administration coloniale n’a eu d’autres objectifs que de stabiliser l’espace » (1986, p. 144). Cette stabilisation de l’espace constitue pour certains le point de départ des changements ou modifications de la gestion des ressources naturelles et des parcours. Pour d’autres, elle n’est que l’aboutissement d’un long processus de dilatation dû aux rapports conflictuels entre les différents groupes de la zone et à l’égoïsme individuel. Ainsi, par un contrôle direct du terroir, l’administration coloniale avait désormais l’attitude d’un maître absolu. C’est dans ce nouveau cadre de vie qu’elle circonscrit les systèmes pastoraux. L’espace pastoral devint, dès lors, un espace de contrainte, de subordination, et l’organisation sociopolitique et socioéconomique des sociétés pastorales se dilata progressivement face à cette nouvelle organisation territoriale. Ainsi les rapports entre les différents groupes deviennent plus tendus et conflictuels, entraînant dès lors une récurrence des conflits entre, d’une part, les pasteurs eux-mêmes et, d’autre part, entre pasteurs et agriculteurs dont les méthodes de résolution sont ambiguës.
Références bibliographiques
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ANS, série D, sous Série 10D1, Considérations sur le Ferlo : sa physionomie, l’eau, ses voies de communication et les chemins de parcours, sa faune, ses habitants (race, histoire, et religion),
ANS, Série G, sous série 18 G46 : principaux textes de loi sur l’organisation de l’AOF et l’AEF, Togo et Cameroun. Décret du 4 décembre 1920 relatif à la composition des territoires de l’Afrique-Occidentale française.
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Sources écrites
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Toupet, Charles. 1992. Le Sahel. Paris : Nathan.
Sources orales
Entretien avec Samba SOW, septembre 2017, à Widou.
Entretien avec Amadou DIA, octobre 2017, à Dahra.
Entretien avec Ousmane Ka, éleveur agriculteur, 15-10-2017, à Dahra.
- Ancien royaume sénégambien, le Djolof, situé dans la région actuelle de Louga, nord du Sénégal, correspond approximativement au département de Linguère ou ce qui est convenu d’appeler la zone sylvo-pastorale dont les limites géographiques sont fortes ambiguës. Les plus anciens habitants de ces divers pays auraient été les Sérères. À une date difficile à préciser, les Wolofs, repoussant les Toucouleurs que les Maures contraignaient à l’exode vers le Sud-ouest, auraient pénétré dans le Djolof, déjà déserté en partie par les Sérères, et s’y seraient établis sans violence. Les mouvements des peuples et l’abandon du Djolof par les Sérères étaient la conséquence des exactions et des pillages des Maures. On ne saurait préciser si les Peuls ont devancé les Wolofs dans le pays, ou s’ils sont arrivés en même temps qu’eux. La mémoire collective raconte que le Djolof aurait été fondé par Ndiadiane Ndiaye. Les descendants de cette dynastie régnèrent en maître absolu dans le Djolof jusqu’à l’arrivée des Français. À cette période, Alboury dirigeait le Djolof. Son fils, Bouna Alboury, sera d’ailleurs le chef du Djolof après la soumission du pays à l’autorité coloniale par le biais d’un traité de paix à la date du 18 avril 1885 entre le bourba Alboury Ndiaye et Victor Ballot, directeur des affaires politiques de la colonie du Sénégal. Voir 10D5/0007 Notice sur la colonie du Sénégal par Antoine Maurel et Freau 1904. Monographie du Cercle de Linguère par BALLO, l’Administrateur Commandant le cercle. ↵
- Dans ce texte, nous avons utilisé en grande partie les sources archivistiques, des enquêtes de terrain et des sources imprimées. ↵
- ANS, Série G, sous série 18 G46 : principaux textes de loi sur l’organisation de l’AOF et l’AEF, Togo etCameroun ↵
- ANS, voir Décret du 4 décembre 1920 relatif à la composition des territoires de l’Afrique-Occidentale française. ↵
- Les décrets du 26 juillet 1906 et du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété foncière en AOF initient l’immatriculation comme procédure de création de la propriété foncière et le titre foncier comme acte manifestant la propriété foncière. ↵
- ANS, Série G, sous série 18 G46 : principaux textes de loi sur l’organisation de l’AOF et l’AEF, Togo etCameroun ↵
- ANS, voir Décret du 4 décembre 1920 relatif à la composition des territoires de l’Afrique-Occidentale française. ↵
- À la tête de chaque province se trouvait un chef de province nommé par le Gouverneur de la colonie. Il est le représentant direct de l’administration coloniale, du commandant de cercle, et est aidé dans ses tâches par les chefs de canton et chefs de village. Ces autorités indigènes deviennent ainsi les subordonnés et les intermédiaires entre l’administration coloniale et la population indigène afin de mieux répandre la pensée coloniale et de bénéficier par la même occasion certains privilèges. En outre, ils constituent la colonne vertébrale de la politique coloniale, tantôt en châtiant leurs concitoyens pour maintenir l’ordre, tantôt en dénonçant les récalcitrants au mérite d’une reconnaissance ou d’une décoration souvent perçue comme relevant de la traîtresse. ↵
- ANS, Série D, sous Série 10D5/0011, Histoire du Djolof ↵
- ANS, idem. ↵
- Sur réformes territoriales et administratives, voir Saliou Mbaye, Histoire des institutions coloniales françaises en Afrique de l’Ouest (1816-1960), 1991. ↵
- ANS, 11D3.46, Sénégal subdivisions et cantons du Sénégal. ↵
- ANS, 10D4/0041: Congrès de l’union des Peulh: rapport d’ensemble 9 octobre 1957. Rapport d’ensemble par KA Boucar Boydo, Linguère, le 9 octobre 1957. ↵
- La population du Djolof était estimée à 30055 habitants en 1904. Elle connaîtra une augmentation sensible pour atteindre 33528 habitants en 1906. Voir, ANS, série D, sous série 11D3. 46 Subdivisions et cantons du Sénégal. En 1948, elle était de 40 432 habitants. Voir 13G 58 (180) Enseignement primaire au Sénégal. ↵
- Djolof, Ndiambour septentrional, Ndiambour méridional, N’guick Mérina, Gandiolais. ↵
- ANS, 11D3.46, Sénégal subdivisions et cantons du Sénégal. ↵
- ANS, Idem. ↵
- Plusieurs rapports d’administrateurs coloniaux ainsi que certaines traditions témoignent la loyauté du fils d’Alboury Ndiaye, Bouna Ndiaye chef de la province du Djolof. Son autorité auprès de la population était grande. C’est d’ailleurs après son intronisation comme chef supérieur du Djolof qu’une première école française a été créé dans le Djolof ↵
- Capitale du Djolof, puis chef-lieu de la province du même nom. ↵
- ANS, 11D3.46, Sénégal subdivisions et cantons du Sénégal. ↵
- ANS, Idem. ↵
- ANS, idem. ↵
- ANS, idem. ↵
- ANS, idem. ↵
- ANS, idem. ↵
- Il s’agit des cantons de Yang-Yang (3292 km²), De Djiévol Thiodé (737km²), de Pass Bakhal (2992 km²), de Djolof Oriental (4405 km²), de Dienguel Lathié (5202 km²) ↵
- ANS, série D, sous série 11D1. 922. Rapports politiques, agricoles, commerciaux et de tournées. ↵
- Cette partie est en grande partie tirée de ma communication lors du colloque international, 9 au 11 décembre 2020, sur les « Mobilités en Afrique de l’Ouest : peuplement, territoires et intégration ». Ce colloque régional était organisé par le CREEILAC à l’Université Assane Seck de Ziguinchor. ↵
- Afrique occidentale française ↵
- Gouvernement général de l’Afrique-Occidentale Française, « L’élevage en AOF », Agence économique de l’AOF, p. 27. ↵
- ANS, série D, sous Série 10D1, Considérations sur le Ferlo : sa physionomie, l’eau, ses voies de communication et les chemins de parcours, sa faune, ses habitants (race, histoire, et religion) ↵
- ANS, Idem. ↵
- L’ensemble « du cheptel de l’Afrique-Occidentale française était estimé à 3820749 têtes pour l’espèce bovine contre 12328844 têtes pour les ovins caprins en 1929 ». ANS, Série G, Service de l’élevage, p. 32. ↵
- Gouvernement général de l’Afrique-Occidentale Française, Op. cit., p. 39. ↵
- ANS, série D, sous Série 10D1, Considérations sur le Ferlo : sa physionomie, l’eau, ses voies de communication et les chemins de parcours, sa faune, ses habitants (race, histoire, et religion), p. 30. ↵
- Idem. ↵
- Idem. ↵
- ANS, Ibid., p. 32. ↵
- Fonds d’investissement pour le développement économique et social ↵
- ANS, Ibid., p. 30. ↵
- Idem. ↵
- 10D5/0007 Notice sur la colonie du Sénégal par Antoine Maurel et Freau, 1904. Monographie du Cercle de Linguère par Ballo, l’Administrateur Commandant le cercle. ↵
- Idem. ↵
- Idem. ↵
- À ce sujet, voir Mbaye Thiam, la chefferie traditionnelle wolof face à la colonisation. Les exemples du Djolof et du Cayor (1900-1945), Dakar, UCAD, 1984, thèse de 3e cycle. ↵
- Cf à Dupire Margueritte, Charles Toupet, Christian Santoir, Paul pélissier, etc. ↵
- ANS, 10D4/0041 : Congrès de l’union des Peuls : rapport d’ensemble 9 octobre 1957. Rapport d’ensemble par KA Boucar Boydo, Linguère, le 9 octobre 1957, p. 4. ↵
- Ibid. ↵
- ANS, 10D4/0041 : Congrès de l’union des Peuls : rapport d’ensemble 9 octobre 1957. Rapport d’ensemble par KA Boucar Boydo, Linguère, le 9 octobre 1957, pp. 4-5 ↵
- ANS, 2G30- 88 : Sénégal– Cercle de Linguère (Djolof) Rapport politique annuel 1930- Linguère, le 20 janvier 1931 ↵
- Idem. ↵
- Idem. ↵
- Dans le cadre de ma thèse de doctorat, j’aborde le contexte d’introduction de l’école dans le Djolof, l’évolution de la scolarisation et la problématique de l’éducation scolaire en milieu agropastorale. ↵
- À travers les relations étroites qu’ils entretenaient, les deux groupes ont profité des produits du cheptel et ceux de l’agriculture et vice versa (utilisation des produits pastoraux par les agriculteurs : lait, viande, beurre, et des produits agricoles par les pasteurs : arachide, mil, maïs, etc.). Dans les sociétés traditionnelles ouest-africaines, la complémentarité entre les deux groupes est sans équivoque. Sur la complémentarité alimentaire, le système de l’agropastoralisme voire les travaux de A. Bonfiglioli, « Pastoralisme, agropastoralisme et retour : itinéraires sahéliens ». In Sociétés pastorales et développement, Paris, Cah. Sc. hum., ORSTOM, 26, 1-2, 1990, p. 255-266 ; Ph. Bernadet, Association agriculture-élevage en Afrique ; les Peuls semi-transhumants de Côte d'Ivoire, Paris, Harmattan, 1984, 235 p. ↵
- Les décrets du 26 juillet 1906 et du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété foncière en AOF initient l’immatriculation comme procédure de création de la propriété foncière et le titre foncier comme acte manifestant la propriété foncière. ↵
- Le décret numéro 580 du 20 mai 1955 stipule en son article 3 qu’en AOF ET AEF « ...sont confirmés les droits fonciers coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non appropriées selon les règles du Code civil ou du régime de l’immatriculation ». ↵
- Enquêtes personnelles, 2017. ↵
- Entretien avec Amadou DIA, éleveur, 45ans, octobre 2017, à Dahra. ↵
- Enquêtes personnelles, 2017. ↵
- Entretien avec Samba SOW, éleveur, 52 ans, septembre 2017, à Widou. ↵
- Sur les politiques hydrauliques des forages au profit des puits et leurs conséquences, voir Catherine BAROIS, L’hydraulique pastorale, un bienfait pour les éleveurs du Sahel? Afrique contemporaine, 2003/1, n° 205, p. 205-224. THEBAUD (Brigitte), « Politiques d’hydraulique pastorale et gestion de l’espace au Sahel », Cah. Sci. Hum. 26 (I-2), Ottawa, Canada, 1990, p. 13-31 ↵
- Appelée aussi grande transhumance, elle est perçue comme les déplacements du bétail d’un pays à un autre, le plus souvent pendant la saison sèche, à la recherche de meilleurs pâturages. L’article 2 de la décision de la CEDEAO la définit comme « les déplacements saisonniers entre États, du bétail ayant quitté les limites de ces parcours habituels, en vue de l’exploitation de point d’eau et de pâturages ». ↵