La mise en œuvre de la politique culturelle et linguistique du Cameroun : quel bilan près de quatre décennies après la publication de Pour le libéralisme communautaire de Paul Biya?
Laurain ASSIPOLO
Résumé :
L’évaluation de la mise en œuvre de la politique culturelle et linguistique du Cameroun montre que de nombreux impondérables ont entravé l’implémentation d’un projet dont l’ambition était de permettre le développement social d’une nation multiethnique et plurilingue. Il a néanmoins été possible de construire une identité territoriale et de faire émerger une fierté nationale malgré des aléas que l’on peut principalement attribuer aux enjeux de pouvoir. De nombreuses mesures ont été prises en faveur des langues officielles et nationales, du secteur artistique et culturel. Toutefois, le caractère dynamique des problèmes qui touchent à la préservation et à la promotion des cultures et des langues fait que les orientations politiques, les réformes institutionnelles, l’encadrement juridique et les questions relatives au financement doivent être constamment adaptés. De ce fait, si l’État doit encore s’employer à réaliser tous les objectifs du renouveau culturel, ses différents axes méritent d’être restructurés en prenant en compte les nouveaux défis qu’imposent les évolutions de la situation socioculturelle du Cameroun.
Mots-clés : bilinguisme, ethnolyse, identité nationale, spiritualisme culturel, tendance anthropologique
Abstract :
The evaluation of the implementation of Cameroon’s cultural and linguistic policy shows that many contingencies have hindered the fulfilment of a project whose ambition was to enable the social development of a multi-ethnic and multilingual nation. It has nevertheless been possible to bring out national pride despite the upheavals that can mainly be attributed to power issues. Numerous measures have been taken in favor of the official and national languages, of the artistic and cultural sector. However, the dynamic nature of the problems affecting the preservation and promotion of cultures and languages means that political orientations, institutional reforms, legal frameworks, and questions relating to financing must be constantly adapted. Therefore, if the State must still strive to achieve all the objectives of cultural renewal, its various axes deserve to be restructured by considering the new challenges imposed by the evolutions of the socio-cultural situation of Cameroon.
Keywords : anthropological tendency, bilingualism, cultural spiritualism, ethnolysis, national identity
Résumé (hausa) :
Kididdigar da aka yi na aiwatar da manufofin al’adu da yare na Kamaru, ya nuna cewa, da yawa daga cikin abubuwan da ba za su iya hana su ba, sun kawo cikas wajen aiwatar da wani aiki, wanda burinsa shi ne ba da damar ci gaban zamantakewar al’umma mai yawan kabilu da harsuna daban-daban. Duk da haka ya kasance mai yiwuwa a gina asalin yanki tare da fitar da girman kan kasa duk da hadurran da za a iya danganta su da batun wutar lantarki. An ɗauki matakai da yawa don tallafawa harsunan hukuma da na ƙasa, fannin fasaha da al’adu. Koyaya, yanayin yanayin matsalolin da ke shafar kiyayewa da haɓaka al’adu da harsuna yana nufin cewa dole ne a daidaita tsarin siyasa, gyare-gyaren hukumomi, tsarin shari’a da tambayoyin da suka shafi kuɗi. Don haka, idan har yanzu jihar za ta ci gaba da yin aiki don cimma dukkan manufofin sabunta al’adu, to ya cancanci a sake fasalin gatarinta daban-daban ta hanyar yin la’akari da sabbin kalubalen da ci gaban al’amuran zamantakewa da al’adu ke haifarwa a Kamaru.
Mots-clés (hausa) : asalin ƙasa, bilingualism, ethnolysis, ruhaniyanci na al’adu, yanayin ɗan adam
Historique de l’article
Date de réception : 13 février 2024
Date d’acceptation : 13 août 2024
Date de publication : 19 décembre 2024
Type de texte : Article
Introduction
Cet article se propose d’évaluer la mise en œuvre de la politique culturelle et linguistique du Cameroun à partir de ses grandes orientations telles qu’elles apparaissent dans Pour le libéralisme communautaire (désormais PLC)[1]. L’auteur Paul Biya[2] y défend, en matière de culture, la thèse du spiritualisme, convaincu que seule une politique culturelle courageuse et conséquente peut être le levier de l’approche politique qu’il entend promouvoir pour asseoir la démocratie camerounaise. Quelles observations inspirent les différentes mesures visant à traduire dans les faits le programme du président de la République? Le profond changement social que souhaitait Paul Biya devait se construire en prenant en compte les mutations susceptibles d’orienter ailleurs les efforts et d’influencer les décisions politiques. Cet ouvrage paraît en effet après des réformes majeures[3]. Les conséquences de la crise économique des années 1980[4] se font déjà ressentir et l’effritement du rideau de fer est sur le point de déclencher le vent de l’Est qui aura des répercussions sur le sommet de La Baule[5]. Le contexte national et international a donc pu compromettre l’entière réalisation des objectifs culturel et linguistique de PLC; d’où son actualité. Toutefois, certaines thèses méritent d’être actualisées. La présente contribution est guidée par les approches généralement convoquées pour analyser les politiques culturelle et linguistique, présentées dans sa première section. La seconde porte sur les grandes orientations de la politique culturelle et linguistique du Cameroun et la troisième est un examen critique des résultats des mesures prises pour traduire dans les faits ses différentes articulations.
Préalables théoriques et méthodologiques
Pour évaluer la mise en œuvre de la politique culturelle et linguistique du Cameroun, il est important de s’appuyer sur les théories susceptibles de fournir un cadre analytique approprié. Nous avons choisi d’associer, à cette fin, les cadres sociolinguistique, politique et éducatif afin d’obtenir une vue d’ensemble qui permet de mieux comprendre les interactions complexes entre langue, culture et pouvoir. En effet, une politique linguistique bien formulée sur le plan réglementaire (approche politique), si elle ne tient pas compte des réalités sociolinguistiques (approche sociolinguistique) ou des besoins éducatifs (approche éducative), aura une efficacité limitée. Ce positionnement théorique nous a amené à privilégier, comme méthodologie, l’enquête documentaire. Les questionnaires ou les interviews auraient nécessité plus de temps et incité à élargir le champ de l’étude.
Les cadres sociolinguistique, politique et éducatif de l’analyse des politiques linguistiques
Plusieurs approches théoriques peuvent être mobilisées pour analyser les politiques culturelles et linguistiques : sociolinguistique, politique et éducatif. La perspective sociolinguistique (Fishman, 1970; Boyer, 2010; Calvet, 2017) s’intéresse aux aspects sociaux et culturels des langues. Elle prend en compte la diversité linguistique, le contact des langues, la variation et les politiques linguistiques. Le cadre politique (Gardy et Lafont, 1981; Maurais, 1987; Labrie, 1993) se concentre sur les enjeux de pouvoir, de domination, de résistance, de négociation et de légitimation liés aux langues. Il examine les discours et les actions des hommes et femmes politiques, des institutions, des médias, etc., qui cherchent à imposer, à défendre ou à contester certains codes linguistiques. Le cadre éducatif s’occupe des questions relatives à l’enseignement et à l’apprentissage des langues. Il étudie les objectifs, les contenus, les méthodes, les évaluations et les résultats des politiques linguistiques éducatives, en prenant en compte la diversité linguistique et culturelle des apprenant·es, ainsi que leurs besoins et leurs droits. C’est, entre autres, le cas des travaux du Conseil de l’Europe (2001; 2020).
Analyser l’implémentation de la politique culturelle et linguistique du Cameroun exige l’association des trois méthodes mentionnées plus haut afin de parvenir à une compréhension holistique et nuancée des dynamiques en jeu. L’approche sociolinguistique aide à comprendre les enjeux de la politique linguistique en matière de reconnaissance et de valorisation des langues. L’approche politique donne d’examiner les lois, les politiques et les normes qui encadrent l’utilisation des langues. Elle analyse la manière dont ces cadres influencent la mise en œuvre des politiques culturelles et linguistiques en incluant l’examen des programmes mis en place et les résultats obtenus. L’approche éducative se concentre sur les approches choisies pour implémenter les politiques linguistiques dans le système éducatif. Cette démarche a conduit à la collecte et à l’exploitation de données diverses.
Méthodologie
Les sources ayant fourni les données pour ce travail sont d’abord l’ouvrage qui sert de point de départ à l’analyse (PLC), ensuite des textes juridiques en rapport avec les orientations stratégiques visant la mise en œuvre de la politique culturelle et linguistique du Cameroun, enfin des travaux scientifiques ayant analysé les effets desdites orientations.
PLC constitue la matière première dans la mesure où l’auteur y a consigné sa vision sur la question culturelle et linguistique. Soulignons que, plus spécifiquement, le chapitre VI de l’ouvrage nous intéresse. Il a pour titre « Des cultures ethniques à une culture nationale » et ses développements nous donnent d’apprécier le positionnement de l’auteur sur la culture, la politique culturelle, l’unité nationale, la question linguistique, les moyens et les infrastructures culturelles.
L’examen des textes juridiques a pour finalité de nous permettre d’apprécier comment les règles de droit s’appliquant à la politique culturelle et linguistique du Cameroun ont été organisées. Il s’est agi de déterminer, à la lumière des différentes réalisations, si les objectifs escomptés ont été atteints. Nous avons pris en compte le fait que les positions de l’auteur visaient dans un premier temps l’ethnolyse qui, selon Fossaert, « dissout des peuples, jadis distincts, en provinces homogènes dont les classes supérieures lorgnent vers une nouvelle unité, à l’échelle d’un État agrandi » (1991, p. 92). Il était par la suite question d’aboutir à la complémentarité entre les langues nationales et officielles, enfin, de développer le secteur des arts et de la culture.
De la littérature scientifique, ont été tirées des informations sur le contexte, les enjeux et les effets des mesures prises pour opérationnaliser les idées issues du programme présenté dans l’ouvrage. Nous avons chaque fois pris en compte les nombreux facteurs ayant pu compromettre la mise en œuvre du projet lui-même ou de l’une de ses déclinaisons. Chez Paul Biya, il apparait, s’agissant de la question culturelle et linguistique, une logique trinitaire dans la mesure où culture, langue et unité nationale lui semblent consubstantielles.
La question culturelle et linguistique dans PLC
La lecture de PLC montre que son auteur a fait de la politique culturelle et linguistique l’un des leviers du développement social d’une nation multiethnique et multilingue. Cette politique, tel qu’il la conceptualise, compte cinq principales déclinaisons : moral, académique, civique, politique et esthétique.
Selon le premier axe, ce sont les valeurs morales qui doivent être promues. L’auteur de PLC l’exprime en ces termes : « Le volet moral de notre politique culturelle consiste à préparer les Camerounais, à les former à mieux encadrer leurs familles par la transmission des valeurs humaines qui garantissent sa dignité et sa respectabilité à l’homme » (Biya, 1987, p. 111). La culture morale ne se réduit pas à la moralisation des comportements, l’une des principales variables de son ambitieux programme : la population camerounaise doit être éduquée de sorte que l’identité nationale garantisse le savoir-être. « Le volet académique veille à dépasser la simple scolarisation pour une instruction effective des Camerounais » (Biya, 1987, p. 111). Il faut donc trouver le juste équilibre entre les savoirs savants et les savoirs pratiques. Le volet civique veut que le peuple soit instruit sur ses droits et ses libertés, la promotion du volet politique visant à former le peuple à la maîtrise des idéologies politiques. Le volet esthétique, enfin, prescrit que l’on enseigne à la population camerounaise le sens du beau afin qu’elle puisse apprécier, de manière désintéressée, les valeurs autres que les valeurs matérielles.
La politique culturelle et linguistique exposée dans PLC se résume par le concept de « spiritualisme culturel » que l’auteur oppose à « idéalisme culturel ». Il estime qu’« autant le spiritualisme affronte ses propres réalités pour en extraire du neuf, autant l’idéalisme esquive sa réalité pour se bâtir des chimères » (Biya, 1987, p. 113). Dans la perspective spiritualiste, la culture est une école de la responsabilité dont la finalité est de forger des personnes prêtes à s’assumer en acceptant l’échelle des valeurs qu’elles se sont définies en toute clairvoyance. Il est de ce fait recommandé de passer « d’une culture inconsciemment vécue à une culture librement pensée » (Biya, 1987, p. 114). On peut voir dans ce positionnement le rejet du matérialisme, rappelant « l’éternel débat du matérialisme et du spiritualisme, qui fait la philosophie même » (Citot, 2006, p. 43). Par le spiritualisme culturel donc, il est possible de réaliser l’ethnolyse, l’enracinement culturel par les langues nationales et officielles, d’aboutir à l’épanouissement de la population camerounaise en dotant le secteur culturel de moyens et d’infrastructures.
De l’ethnie à la patrie
L’auteur propose de forger, au Cameroun, une identité synthétique, fruit du brassage entre toutes les originalités ethniques. Il espère que « la gerbe de la culture nationale ainsi liée cultivera en nous [les Camerounais·es] l’esprit de tolérance et non de complaisance, et l’esprit de compromis qui n’est point compromission » (Biya, 1987, p. 115). La richesse culturelle du pays émanant de ses différentes communautés lui donne donc de la matière pour pouvoir composer, choisir le meilleur de toutes ses cultures dans le but d’en créer une et une seule à l’échelle nationale, compétitive sur la scène internationale. Cette forme de syncrétisme sur lequel se fonde l’identité nationale n’est réalisable, pour le penseur politique, que si entre les ethnies se crée le besoin de contribution, de participation et de complémentarité à travers les langues notamment.
La question des langues
Il apparait, à la lecture de PLC, que son auteur prône une approche distinguant deux niveaux complémentaires, ethnique et national. Voici ce qu’il en dit :
Au niveau ethnique, il faut encourager le développement de toutes les langues nationales, véhicules privilégiés des cultures ethniques. Il importe de ce fait que chaque langue exprime la culture qu’elle véhicule. Ainsi produits, ces joyaux culturels seront transférés sur la scène nationale au grand bénéfice de la collectivité. Il convient donc de laisser épanouir toutes nos fleurs linguistiques, phase historique nécessaire et indispensable à la confection du bouquet culturel national (Biya, 1987, p. 117).
Au premier niveau donc, toutes les initiatives visant la promotion des langues nationales doivent être encouragées dans la mesure où elles sont les véhicules des cultures ethniques. Ces « joyaux culturels » serviront la collectivité dans son besoin de développement en participant de façon étroite à l’intégration de chaque Camerounais·e dans sa communauté ethnique d’abord, ensuite dans la communauté nationale. Il s’agit donc de cultiver, chez chaque citoyen·ne, le besoin d’appartenir à une ethnie non pas du fait de la naissance, mais à travers la connaissance de sa culture linguistique. Ce besoin d’appartenance accompli, il revient à chacun·e de participer à la construction d’une identité culturelle nationale, toute culture ayant besoin de moyens et de lieux appropriés pour son expression et son rayonnement.
Les moyens et les infrastructures culturelles
Le politique prescrit la mise à disposition des lieux tels que le palais des congrès de Yaoundé, les maisons du parti dans les unités administratives, de même que la construction et la vulgarisation des centres culturels pour redonner confiance aux artistes d’abord, à tous ses compatriotes ensuite. En permettant aux artistes d’exposer leurs talents dans de grandes salles de spectacle, les Camerounais·es pourront visualiser sur place les faits de culture jusqu’ici inconnus, ou avec lesquels ils et elles n’ont que partiellement été en contact, dans des salles inadaptées ou étrangères. Si le contexte intellectuel, favorable à la réflexion, a laissé fleurir de nombreuses réflexions (Tadadjeu, 1975 et 1985; Abega, 1976; Renaud, 1976; Sengat Kuo, 1985), le contexte politique et économique a davantage compliqué une tâche déjà très peu aisée.
De la vision à son implémentation
Le Cameroun a-t-il pu réaliser l’ethnolyse, construire l’esprit citoyen à travers une identité culturelle synthétique, doter le secteur culturel de moyens et d’infrastructures à la mesure de son ambitieux programme culturel et linguistique? C’est à cette question que se proposent de répondre les développements ci-dessous.
Des ethnies à la patrie
L’élite camerounaise de la période postcoloniale s’est employée, après l’indépendance (1960) et la réunification (1961), à réaliser l’unité nationale à travers de nombreuses mesures politiques. Elle héritait d’un pays où les séquelles du nationalisme étaient encore vivaces, avec des différences de culture entre les nombreuses communautés locales. Le pouvoir central devait résoudre, écrit Mouiché (2000, p. 212), le problème de l’intégration politique. Cela impliquait l’émergence d’une autorité centrale, l’existence d’un sentiment national, l’établissement d’un lien entre gouvernant·es et gouverné·es, l’apparition d’un sens minimum de consensus nécessaire au maintien de l’ordre social et la promotion, au sein de la population, d’un esprit de concertation. On trouvera chez le même auteur une analyse assez détaillée des thèses relatives à la construction nationale au Cameroun.
En considérant différents positionnements sur la construction de l’État et les particularités propres au Cameroun s’agissant des questions identitaires (Fossaert, 1991; Mbock et Chameni, 2000; Guermond, 2006; Bayou, 2011; Beaudin, 2012; Abouna, 2020), une question s’impose : le Cameroun peut-il être considéré comme un État-nation?
Non. Si on prend en compte le critère ethnoculturel qui veut que l’idée d’État renvoie à celle d’un peuple doté d’une langue, d’une religion et d’une histoire partagées. Soulignons toutefois que d’autres cas de figure sont possibles, un État pouvant adopter deux ou plusieurs langues officielles (Afrique du Sud, Cameroun, Rwanda, etc.). Le « peuple camerounais » est un agrégat de communautés parlant différentes langues, environ 280 selon l’Atlas linguistique du Cameroun (Binam Bikoï, 2012a). L’État-nation lui-même a adopté deux langues officielles d’« égale valeur », le français et l’anglais (article 1, alinéa 3 de la loi n° 06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972). Toutes les grandes religions monothéistes sont représentées et subsistent à côté des croyances dites traditionnelles, des ordres et de quelques religions mineures. La conquête de l’espace s’est faite en plusieurs vagues, suivant différentes portes d’entrée (Mveng, 1984). On n’a donc pas affaire à une situation d’homogénéité, avec un peuple partageant des référents culturels identiques ou une histoire commune, à moins qu’elle ne soit celle de la colonisation et l’histoire récente depuis la décolonisation. La question serait donc celle de savoir s’il ne s’est pas tissé, au cours de l’histoire, un fil d’Ariane qui a relié les différentes sociétés camerounaises.
Oui. Si on se fie au critère géopolitique. Le Cameroun a obtenu son indépendance le 1er janvier 1960. Il existe bel et bien un territoire encadré par des frontières reconnues par la communauté internationale. La population camerounaise est composée de divers groupes ethniques et linguistiques qui enrichissent son identité. Les mouvements de population entre les différentes régions du pays contribuent à la dynamique sociale et culturelle du pays. Malgré les défis internes auxquels il fait face, comme les tensions dans les deux régions administratives du pays anciennement administrées par l’Angleterre (Nord-Ouest et Sud-Ouest), le pouvoir central s’active pour maintenir la paix et la stabilité.
Selon le critère sociopolitique, le Cameroun est également un État-nation. Le code de la citoyenneté est défini par les dispositions de la loi no 1968-LF-3 du 11 juin 1968. Il existe un État camerounais, de type unitaire et décentralisé. La Constitution du 18 janvier 1996, en son article 1er, recense toutes les caractéristiques de cet État et l’alinéa 3 de cet article précise ses orientations linguistiques. Malgré la diversité, il existe, chez les Camerounais·es le sentiment d’appartenance à la même nation, soumis à l’autorité d’un État. Il y a lieu de souligner toutefois qu’il existe de nombreux facteurs susceptibles de fragiliser la construction nationale, notamment le jeu politique qui polarise les passions et consacre le plus souvent la défense des solidarités communautaires, ou encore les injustices sociales.
Des développements qui précèdent, on retient qu’au Cameroun, un sentiment d’identité nationale s’est développé au fil des décennies. Toutefois, des tensions demeurent, notamment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où les demandes de reconnaissance et d’autonomie ont conduit à des crises politiques et des conflits armés. Les disparités économiques et le développement inégal entre les régions peuvent mettre à mal le sentiment d’unité et alimenter des frustrations, comme les défis liés à la gouvernance. Des efforts continus doivent encore être menés pour pallier les inégalités, gérer les différences culturelles de manière inclusive, promouvoir une gouvernance transparente et participative. Passer des ethnies à la patrie est, en fin de compte, un objectif en constante évolution, nécessitant une attention et des adaptations continues.
La question des langues
Dieu et al. (1983) avaient proposé un inventaire préliminaire des langues du Cameroun. L’on peut regretter que ce travail, qui inspirera l’enquête ayant abouti, en 2012, à l’élaboration de l’Atlas linguistique du Cameroun (Binam Bikoï, 2012a) et de la Cartographie administrative des langues du Cameroun (Binam Bikoï, 2012b, ait consacré une tendance à l’émiettement y compris là où l’intercompréhension est possible. Ces langues sont considérées, par l’auteur de PLC, comme des véhicules par excellence des cultures nationales. La population camerounaise est invitée à s’en servir pour dégager la quintessence des fonds culturels locaux afin de former le bouquet culturel national « à travers les langues nationales et à travers les langues officielles » (Biya, 1987, p. 117).
Cette aperception a fait dire à Zang Zang (2013, p. 319) que l’on observait, chez Paul Biya, une volonté politique d’attachement aux langues occidentales et aux cultures nationales, d’une part, d’autre part de rejet des cultures occidentales et des langues nationales dans lesquelles les cultures nationales sont véhiculées. Il s’agit donc d’un nouveau type de fusion entre la langue coloniale et les cultures nationales qui donne, du point de vue institutionnel, un Cameroun bilingue, mais pluriculturel. L’une des exigences de la gestion harmonieuse de la nation était le renforcement du contrôle social, la promotion du bilinguisme d’État et des langues nationales.
Les autorités camerounaises devaient, au lendemain de l’indépendance et de la réunification, décider du sort des langues nationales. L’école était l’un des canaux par lesquels il était possible d’assurer leur promotion et leur protection. Selon Fewou Ngouloure (2012), trois principales thèses seront formulées pour justifier pourquoi il était impossible de les enseigner : le nombre exponentiel, la division sociale et les obstacles structurels, le danger du repli identitaire.
L’élite politique a d’abord vu dans le grand nombre de langues parlées au Cameroun un frein à l’adoption d’une langue commune. Fewou Ngouloure (2012) relève l’existence d’enjeux idéologiques.
On voit bien que cette manipulation, de l’ordre définitionnel et conceptuel, peut voiler des relents idéologiques et hégémoniques. Et nous ne sommes pas loin de considérer qu’au Cameroun, les autorités n’ont pas toujours pris conscience du fait que le développement d’une nation passe aussi par la valorisation de ses richesses linguistiques. Cela dit, on a du mal à accepter que certaines langues camerounaises, qui ont pourtant une audience inter-régionale, continuent toujours d’être taxées de « dialectes », et que la légitimation institutionnelle des langues étrangères comme les seules à être en phase avec le modernisme, soit la seule solution de rechange (Fewou Ngouloure, 2012, p. 39).
Plusieurs préjugés ont ainsi pesé sur ces langues, considérées comme les véhicules des tribalités locales, donc vectrices des replis identitaires préjudiciables à la réalisation de l’unité nationale. Le même auteur fait savoir que les politiques ont parfois joué sur les cordes sensibles pour discréditer l’idée de la mise en place d’une politique linguistique conforme aux valeurs culturelles locales. C’est ainsi que l’insertion d’une ou de plusieurs langues nationales dans les programmes scolaires était considérée comme pouvant nuire à l’unité et à la cohésion de la nation. D’autres approches ont défendu l’idée que les langues nationales n’étaient pas équipées. Donc, elles ne pouvaient être enseignées.
La thèse du danger du repliement identitaire était nourrie par l’idée que les langues nationales n’avaient aucun avenir politique même à long terme (Fewou Ngouloure, 2012, p. 41). Les autorités se sont ainsi convaincues que toute velléité visant à les promouvoir serait un retour vers l’obscurantisme et le protectionnisme linguistiques. La promotion des langues étrangères, pour l’élite politique, était le signe de l’ouverture vers l’autre. Toutefois, après la publication de PLC, un dispositif réglementaire s’est progressivement mis en place.
La loi no 98/004 du 14 avril 1998 d’orientation de l’éducation au Cameroun a fixé, comme premier objectif à ce secteur, « la formation de citoyens enracinés dans leur culture, mais ouverts au monde et respectueux de l’intérêt général et du bien commun » (article 5, alinéa 1). Le besoin d’une réforme éducative était en partie motivé par la nécessité d’ajuster le système éducatif aux nouvelles réalités économiques et sociales, ainsi qu’aux objectifs de développement international.
La loi no 005 du 16 avril 2001 portant orientation de l’enseignement supérieur lui attribue notamment pour mission la promotion du bilinguisme, des cultures et des langues nationales (article 6, alinéa 1).
Le décret no 2002/004 du 4 janvier 2002 portant organisation du MINEDUC dote ce ministère sectoriel d’une inspection provinciale de pédagogie chargée de l’enseignement des lettres et des arts, des langues.
La loi no 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes leur confie la gestion des écoles maternelles et primaires. Elles doivent également promouvoir les langues nationales, participer aux programmes régionaux de promotion desdites langues, mettre en place et entretenir les infrastructures et les équipements. Les communes sont également appelées à collaborer avec les régions dont les missions sont, entre autres, la participation à la promotion de l’édition, de la presse parlée et écrite en langues nationales. Les compétences transférées aux communes et aux régions seront reprises par la loi no 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées.
L’arrêté no 08/0223 MINESUP/DDES du 3 septembre 2008 crée un département et un laboratoire de langues et cultures camerounaises à l’École normale supérieure de Yaoundé. Ce texte représente une avancée majeure dans la reconnaissance et la valorisation des langues et cultures camerounaises. En créant un département et un laboratoire dédiés, il ouvre la voie à une meilleure formation, à la recherche et à la promotion de la richesse culturelle du Cameroun, tout en contribuant à l’affirmation de l’identité nationale.
L’arrêté no 263/14/MINESEC/IGE du 13 août 2014 définit les programmes d’études des classes de 6e et 5e. Le programme bilingue langue maternelle/langue officielle, appliqué de la Section d’initiation au langage (première année du cycle primaire) au Cours élémentaire première année (troisième année du cycle primaire) à titre expérimental, donne la possibilité aux enfants d’apprendre à lire et à écrire leur langue maternelle. Au secondaire, l’enseignement vise l’inculturation, grâce à l’approfondissement de la langue maternelle ou quasi maternelle, et l’ouverture culturelle grâce à l’apprentissage d’une seconde langue camerounaise.
Notons que la scission du MINEDUC en deux ministères a entrainé la promulgation de deux nouveaux textes. Les décrets no 2012/267 portant organisation du ministère des Enseignements secondaires et no 2012/268 du 11 juin 2012 portant organisation du ministère de l’Éducation de base. Le premier texte attribue les prérogatives relatives aux langues nationales à l’inspection de pédagogie chargée de l’enseignement des lettres, des arts et des langues et crée une section « arts, langues et cultures nationales ». Le second confie aux responsables chargé·es de la promotion des langues et cultures nationales l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre des programmes d’alphabétisation, de l’éducation de base non formelle et de la promotion des langues nationales.
Au primaire et à la maternelle, l’expérimentation a été lancée à partir de l’année scolaire 2013/2014. Le 30 août 2014, la Didactique des langues et cultures et nationales est insérée dans les programmes des Écoles nationales d’enseignement général (ENIEG) par décision no 495/13/MINESEC/CAB portant application des nouveaux programmes des écoles nationales d’enseignement général. S’il faut reconnaitre, avec Daouaga Samari (2016, p. 141), que ces textes montrent une évolution substantielle dans la politique linguistique et éducative du Cameroun, l’on peut regretter que, dans le secondaire, la généralisation de l’enseignement des langues et cultures nationales soit très lente. Dans l’éducation de base, des indications d’ordre didactique manquent encore (langues à enseigner, méthodes d’enseignement, niveau d’enseignement, statut, etc.). Un nombre assez important de personnes dans le secteur éducatif ignore les textes, des responsables y compris. Les écoles normales supérieures et les écoles professionnelles privées peinent à former en quantité des enseignant·es pour satisfaire la demande. Reste l’épineuse question des infrastructures et des équipements, dans le secteur scolaire comme dans le secteur culturel.
Moyens et infrastructures culturelles
Pour permettre que le secteur culturel et artistique bénéficie d’un encadrement à la hauteur des ambitions de l’auteur de PLC, le pouvoir central fera évoluer le dispositif institutionnel et réformera le secteur de la gestion collective. D’autres mesures viseront le soutien aux projets culturels et artistiques et le développement des infrastructures.
Le remaniement du 9 décembre 2011 aboutit à une réforme du dispositif institutionnel dans les secteurs de l’art et de la culture. Liés en 1968 à l’éducation et la formation professionnelle, ils seront associés, de 1975 à 1992, à l’information. La culture s’affranchit de l’information en 1997 et devient un ministère autonome. Les arts, portés pour la première fois au rang de ministère le 9 décembre 2011, seront associés à la culture. L’article premier alinéa 2 du décret no 2012/381 du 14 septembre 2012 portant organisation dudit ministère lui confie la responsabilité de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de promotion et de développement artistique et culturel. Il a pour tâches, entre autres, le développement et la diffusion des arts et de la culture nationale, la préservation des sites et monuments historiques, la protection, la conservation, l’enrichissement et la promotion du patrimoine culturel, artistique et cinématographique.
Le secteur de la gestion collective a quant à lui été restructuré deux fois sous le renouveau. Dix-neuf ans après l’indépendance, l’État camerounais crée la Société camerounaise du droit d’auteur (SOCADRA), instituée par le décret no 79/392 du 22 septembre 1979[6]. Elle est remplacée, le 23 novembre 1990, par la Société civile nationale du droit d’auteur (SOCINADA)[7]. La nouvelle société est créée par les artistes à l’issue d’une assemblée générale constitutive. Les dissensions entre les membres de la SOCINADA[8] pousseront le pouvoir central à passer d’un système de monopole à un système de pluralité d’organismes, avec des spécialisations exclusives (une seule société par catégorie d’art) et transversales : chaque organisme gère à la fois les droits des auteur·trices et les droits voisins (Seuna, 2004, p. 6).
La réforme est consacrée par la loi no 2000/011 du 19 décembre 2000 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur. Les problèmes persistants vont conduire le président de la République à prescrire un processus de modernisation du secteur en novembre 2014. Les travaux des comités placés sous l’autorité du Premier ministre aboutiront à la promulgation du décret no 2016/4281/PM du 21 septembre 2016 modifiant certaines dispositions du décret no 2015/3979/PM du 25 septembre 2015 fixant les modalités d’application de la loi no 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
Le nouveau décret détache des quatre sociétés déjà actives les droits voisins. Depuis 2017 donc, année au cours de laquelle la société administrant les droits connexes obtient son agrément, le Cameroun compte cinq organismes de gestion collective : la Société civile des droits de la littérature et des arts dramatiques (SOCILADRA), la Société nationale camerounaise de l’art musical (SONACAM), la Société civile des arts audiovisuels et photographiques (SCAAP), la Société civile des arts plastiques et graphiques (SOCADAP) et la Société civile camerounaise des droits voisins (SCDV).
Les plaintes récurrentes des artistes, qui n’ont toujours pas de statut, la rareté des répartitions malgré les perceptions directes des redevances par les organismes de gestion collective, les conflits d’intérêts liés aux connivences entre les responsables de l’organe chargé de contrôler leur fonctionnement et les exécutifs desdits organismes[9], le non-reversement des redevances perçues dans le compte commun[10] sont, notamment, des indices de l’échec du processus de modernisation de ce secteur. Avec la réforme du compte d’affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle, ces sociétés sont désormais appelées à contribuer à son approvisionnement.
Le président de la République a créé, par décret no 2001/389 du 5 décembre 2001, un compte d’affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle. Il est doté d’une enveloppe initiale d’un milliard de francs CFA. Le compte est conçu sous la forme d’un instrument public de financement du secteur culturel dont l’objectif est de permettre à l’État d’encourager l’excellence dans la création, la production et la diffusion des œuvres de l’esprit, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel national.
Les ressources du compte peuvent être mobilisées pour aider à la création ou à la modernisation des organismes de gestion collective, garantir les prêts consentis par les établissements de crédit ou décerner des prix aux meilleures œuvres à l’issue des concours organisés dans les différents genres de création. L’aspect social du compte concerne l’allocation des aides aux conjoint·es ou aux descendant·es des artistes décédé·es, aux associations culturelles traditionnelles et la contribution au financement d’organisation de solidarité professionnelle.
La loi de finances 2020 a modifié le fonctionnement du compte. Le ministère des Arts et de la Culture (MINAC) l’alimente dorénavant par ses ressources propres. La recherche des niches financières et l’allègement des charges vont conduire à la restructuration du secteur des arts et de la culture, à travers la loi no 2020/011 du 20 juillet 2020 régissant les associations artistiques et culturelles au Cameroun. L’on doit déplorer le fait que le compte d’affectation ait été conçu comme un outil d’aide à la création, pourtant la production est essentielle dans le secteur artistique. Il est tout aussi incompréhensible que son fonctionnement ait été modifié, car cette mesure prive le secteur artistique et culturel de revenus déjà suffisants, et le MINAC peine à alimenter le compte.
Comme le souhaitait l’auteur de PLC, le palais de congrès de Yaoundé accueille de nombreux événements artistiques et culturels. Le centre culturel camerounais, conçu sous la forme d’un espace de promotion de la culture camerounaise, ne fait pas courir. Son fonctionnement laisse à désirer, ce qui incite les promoteur·trices culturel·les et les artistes à préférer des lieux de promotion des arts et de la culture animés par des étranger·es, mieux gérés, mieux équipés et mieux structurés (Instituts et Alliances françaises, Goethe-Institut Kamerun, centres culturels italien, espagnol, américain, etc.).
Par une décision du 17 novembre 1988, le président de la République a logé le Musée national du Cameroun dans l’ancien palais présidentiel, site historique et lieu de mémoire. Des œuvres d’art provenant de tout le territoire y sont exposées. L’esplanade du musée, où le MINAC a pris ses quartiers, accueille régulièrement des rencontres culturelles. C’est également le cas des infrastructures sportives comme le stade omnisports Ahmadou Ahidjo ou le Palais polyvalent des sports de Yaoundé inauguré en juin 2009. De nombreuses initiatives privées se sont également donné pour tâche la satisfaction de la forte demande en infrastructures culturelles[11]. Seulement, les pouvoirs publics ne les accompagnent pas comme cela se doit, et il manque des mesures incitatives pour permettre aux privés et aux mécènes d’investir dans le secteur des arts et de la culture, de soutenir les projets culturels.
Le Festival national des arts et de la culture (FENAC) est institué par décret présidentiel no 91/193 du 8 avril 1991[12]. Il se tiendra, cette année-là, dans la région de l’Est à Bertoua du 16 au 23 juillet. Cet événement « biennal » aura connu, malgré les bonnes intentions du pouvoir central, quelques interruptions. Les éditions suivantes ont pu être organisées : 1994 (Douala), 1996 (Ngaoundéré), 1998 (Ebolowa), 2000 (Limbé et Buea), 2002 (Bafoussam), 2008 (Maroua), 2016 (Yaoundé) et 2018 (Bertoua). De nombreux autres festivals[13] culturels soutenus par le gouvernement œuvrent pour la visibilité de la production artistique et culturelle camerounaise. Ils donnent l’occasion d’apprécier la richesse artistique, culturelle, linguistique et patrimoniale du Cameroun, sans malheureusement permettre que les arts et la culture soient des sources de dividendes pour le pays et les différent·es intervenant·es de ce secteur.
Conclusion
Le président Paul Biya, lorsqu’il accède à la magistrature suprême le 6 novembre 1982, théorise sa pensée à travers une vision soutenue par une philosophie politique contextualisée. Les principales thèses qui découlent de ladite vision intègrent le caractère multiethnique et pluriculturel du Cameroun, sa richesse artistique et culturelle, enfin la nécessité de les capitaliser pour parvenir à un seuil de développement social acceptable. Les mesures prises pour mettre en œuvre la politique culturelle et linguistique du Cameroun, malgré les impondérables qui ont pu les entraver, ont produit des résultats qui s’apprécient en analysant séparément ses différentes déclinaisons. C’est ainsi qu’à défaut de réaliser l’ethnolyse, les efforts du pouvoir central ont donné au Cameroun une identité territoriale, socle de la fierté nationale. Les langues officielles bénéficient d’un meilleur encadrement, mais le bilinguisme d’État reste à parfaire. Les langues nationales sont de nouveau enseignées à l’école, nonobstant le caractère expérimental dudit enseignement et certaines insuffisances fonctionnelles et structurelles. Le secteur des arts et de la culture dispose d’un département ministériel autonome, cinq organismes de gestion collective ont été agréés, même si des problèmes touchant à leur gestion, aux infrastructures, au financement et à l’organisation restent à résoudre. Certains éléments des arts et de la culture nationale n’ont pas toujours la visibilité qu’ils méritent. Le caractère dynamique de la question culturelle et linguistique fait qu’en plus des aspects de la vision qui n’ont pas pu être implémentés, le pouvoir central doit constamment adapter les mesures à prendre à l’évolution du contexte socioculturel local.
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Laurain ASSIPOLO
L’auteur est chargé de cours au département de Français et études francophones à l’Université de Douala. Ses principaux domaines de recherche sont la variation linguistique, les fonctions et les usages des langues, les représentations sociolinguistiques, les politiques linguistiques et la sociolinguistique interactionnelle. Il est également spécialiste en théologie systématique, en enseignement du français langue étrangère et en droit de la propriété littéraire et artistique.
Contact : assipolo@yahoo.fr
- Le livre a été réédité en 2024 par Fabre et Sopecam avec l’ajout du sous-titre Une pensée dynamique à la mesure des temps présents. Nous citons ici la première version de 1987 publié chez Fabre dans la mesure où 2024 est la borne fermante de notre étude. ↵
- Paul Biya, président de la République du Cameroun depuis le 6 novembre 1982. ↵
- Le chef de l’État avait assis son pouvoir sur la structure politique de l’ancien parti unique, l’Union nationale camerounaise (UNC). Les réformes dictées par la modernisation et la démocratisation du parti aboutissent, en mars 1985, à sa redynamisation lors d’un congrès tenu à Bamenda. Ses structures sont réorganisées et il est rebaptisé Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). ↵
- Elle aura pour effet le ralentissement de l’économie, la hausse des prix, des déficits budgétaires et une perte de recettes publiques. Le Cameroun reconnait la manifestation de la crise en 1987 (Herrera, 1994). ↵
- À cette XVIe conférence des chefs d’État d’Afrique et de France, le président de la République française (François Mitterrand) avait, dans son discours du 20 juin 1990, conditionné l’aide à la démocratisation. ↵
- La Société des auteurs-compositeurs de musique (SACEM), société de droit français, a administré les droits des artistes dans la plupart des anciennes colonies françaises avant la création des organismes locaux. ↵
- Loi no 090/010 du 10 août 1990 relative au droit d’auteur et droits voisins. ↵
- Elle administrait les répertoires musical, littéraire et dramatique, audiovisuel et photographique, plastique et graphique en même temps que les droits des interprètes et des producteurs. ↵
- Il s’agit de la Commission de contrôle des organismes de gestion collective, instituée par l’arrêté n° 090/CAB/PM du 29 septembre 2015. ↵
- La décision no 021/0001/MINAC du 16 février 2021 fixant les modalités de sécurisation des fonds collectés au titre du droit d’auteur ou des droits voisins prévoit qu’ils doivent être reversés dans un compte de dépôt spécial ouvert dans les livres d’un établissement bancaire agréé. ↵
- On peut citer le centre d’art contemporain Doual’art et l’espace Bolo à Douala, le Quartier Mozart et l’espace culturel Metamorphosis à Yaoundé. ↵
- Après 1982 et 1988 sous les appellations respectives de semaine culturelle du Cameroun et Festival des arts et de la culture (FESTAC), le FENAC est créé pour consolider l’unité nationale, car il doit fédérer toutes les expressions artistiques et culturelles du Cameroun. ↵
- Écrans noirs (cinéma), Medumba, Ngondo, Nguon, Nyem Nyem, Mayi, Kanga, Nyang Nyang (culture, langues et patrimoine), Abok I Ngoma (danse et percussions), etc. ↵