Des noms et des discours sur le web social. Éléments d’analyse plurielle des discours toponymiques de la communauté discursive de la page Facebook Je

Achour BOURDACHE

 

Introduction

Loin d’être un outil de communication favorisant la création de nouvelles relations personnelles en ligne ou un facilitateur de rencontres, Facebook est un média socionumérique, mais également un outil d’expression, qui offre à ses usager·e·s l’opportunité systématique de partager ou de mettre en ligne un contenu, de commenter ou d’interagir à un contenu informationnel et, éventuellement, de diffuser instantanément d’autres contenus informationnels dans d’autres médias socionumériques. Cela dit, ce dispositif est nourri constamment de controverses sociales qui en font un espace numérique alternatif dans lequel les pratiques sociales hors ligne se prolongent et/ou de nouvelles s’élaborent. À cet effet, les usager·e·s deviennent non pas des spectateur·trice·s, mais des acteur·trice·s qui ont fait de ce dispositif ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire une arène de débat, en l’alimentant et en se l’appropriant à leur profit.

Par ailleurs, Facebook raconte le monde dans lequel ses utilisateur·trice·s évoluent et comment ils et elles se le représentent. Ainsi, le foisonnement des discours produits sur ce dispositif traduit les représentations sociales (linguistiques, spatiales, culturelles, etc.) des communautés virtuelles. La mise en discours des expériences vécues et des vérités sociales du monde réel dans l’espace virtuel acquiert une signification particulière et cela montre ostensiblement à quel point les utilisateur·trice·s sont relié·e·s aux espaces virtuels qui dessinent des foyers hébergeant des réalités palpables, faisant sens dans un univers ordinaire vécu. En cela, Facebook se distingue comme un exemple éloquent, où certains groupes et pages émergent et s’imposent au sein du flux technodiscursif de ce réseau social pour articuler, à travers mots, images, émojis ou gifs, etc., les tourments du monde et les marquer sur l’écran.

Chaque internaute intervient au sein de ces communautés virtuelles pour exposer, narrer ses expériences personnelles ou collectives, esquisser des portraits de soi, des autres ou du monde, interrogeant les normes, les stéréotypes et les tabous dans un langage tantôt ludique, tantôt provocateur et subversif.

Au sein de ce tumulte technodiscursif qui interroge et perturbe l’ordre établi, impulsé par les pages et groupes Facebook, la cybercommunauté algérienne ne se prive point de commenter une portion de cette réalité touchant aux appellations distinctives qui façonnent les entités du monde et singularisent les individus qui l’occupent, prenant l’exemple des (sur)noms des lieux populaires et/ou officiels. C’est dans ce contexte particulier qu’une récente publication postée sur la page Je[1] a suscité un vif intérêt, étant donné le nombre substantiel de commentaires engendrés. Au sein de la section « commentaires » de ce technodiscours incitant les abonné·e·s à partager les toponymes insolites qu’ils et elles connaissent dans leur environnement local, transparaissent des propos relatifs aux toponymes qui révèlent des représentations onomastiques teintées d’une tonalité satirique et humoristique, entremêlant du graphique et du technolangagier dans le dispositif énonciatif du commentaire de la page Je. Alors, quelles connaissances et quelles perceptions véhicule le discours numérique de la communauté discursive de la page Je sur les toponymes populaires algériens et sur les lieux qui leurs sont associés? Sous quelles formes ces perceptions des noms de lieux insolites se manifestent-elles dans les énonciations secondes de ces abonné·e·s? Quelles ressources linguistiques et sémiotiques sont mobilisées dans leurs discours sur les toponymes insolites? Enfin, qu’apporterait l’étude des discours sur les toponymes inhabituels dans l’espace « commentaire » de la page Je à la recherche sur le discours numérique et/ou onomastique?

Au sein de la page Je – envisagée comme une tribune sous forme de journal intime qui donne la parole au « Je » pour s’exprimer –, les discours sur les toponymes populaires sont manifestement convoqués avec dérision dans une multitude de langues. Nous émettons l’hypothèse que les représentations territoriales sont hétérogènes et que la perception des noms insolites diffère selon l’origine géographique, les groupes sociaux, leur culture et leur histoire. Nous pensons aussi que le discours sur les noms insolites en commentaire, en réaction au technodiscours initial de Je, exploite les ressources techno-sémiotiques et scripturales de l’interface de Facebook (émoticônes, gifs animés et non animés, photos, hashtags) puisqu’elles constituent des composants inhérents de l’écriture numérique mise en œuvre par les technologies discursives. De plus, s’intéresser aux discours numériques des internautes algérien·ne·s sur les toponymes insolites peut aider à comprendre la façon dont ces utilisateur·trice·s perçoivent et parlent de ces lieux inhabituels sur les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne. L’étude pourrait fournir des informations sur leurs représentations sociales de ces lieux, ainsi que sur les thèmes récurrents et les tendances qui émergent dans leurs discours. Enfin, travailler sur les discours numériques des internautes sur des toponymes qu’ils et elles jugent atypiques peut également aider à enrichir les études sur la géographie culturelle et la toponymie en fournissant un éclairage récent des nouveaux usages dénominatifs.

Avant d’exposer les détails de cette recherche, nous allons d’abord présenter les données multimodales constitutives du corpus numérique hétérogène qui servira à cette étude, ainsi que les verrous méthodologiques et éthiques qui interviennent dans sa constitution et son traitement, étant donné l’instabilité et la mixité des données issues du web social. Nous analyserons ensuite le contenu des discours sur les toponymes en mettant l’accent sur les deux paradigmes de l’humour et de la mémoire qui caractérisent l’énonciation des chaînes de commentaires.

Le corpus d’étude sur Facebook. Quelques précisions méthodologiques et éthiques

Notre corpus d’étude est constitué de commentaires d’un post produit sur la page Je dans l’environnement numérique natif de Facebook. Cette page a été choisie pour son succès et l’importance de la participation des internautes algérien·ne·s. Le nombre important de commentaires que draine chacune de ces publications montre la popularité de cette page et son écho auprès des jeunes issu·e·s de la cybercommunauté algérienne de Facebook.

Méthodes de collecte des commentaires

Rappelons que les commentaires forment une chaîne discursive ouverte et composite, ce qui implique pour nous, en tant que chercheur, de choisir une méthodologie particulière pour la collecte et le traitement de ces énoncés numériques. Notre corpus de commentaires représente en effet « […] un ensemble d’observables et non une simple collection de données. Les observables seront situés dans leurs environnements discursifs » (Paveau, 2017, p. 70). Ce faisant, les observables numériques composant notre corpus soulèvent quelques questions éthiques. On a pu constater que l’investissement des chercheur·euse·s dans le numérique, en exploitant ces données à des fins de recherche, influence notablement leurs pratiques. Cela leur demande de mobiliser de nouvelles méthodes plus adéquates, garantissant à la fois la véracité et l’acceptabilité des données d’un point de vue scientifique, ainsi que leur anonymisation pour préserver la vie privée des contributeur·trice·s.

Pour un meilleur traitement méthodologique et éthique de notre corpus, nous avons opté pour une démarche « écologique » (Paveau, 2013) qui consiste à capturer les observables dans leur environnement numérique natif (dits observables numériqués[2]) et à les exporter dans un autre environnement non connecté (format word, pdf, etc.). Cette opération permet justement de garder les formes sous lesquelles les observables technolangagiers et discursifs se présentent dans leur contexte natif, c’est-à-dire sur Facebook. L’extraction des textes de commentaires est réalisée à l’aide du logiciel NCapture qui nous a permis d’enregistrer les métadonnées de ce technodiscours en pdf, comme l’illustre la capture d’écran ci-dessous.

 

Image 1. Corpus après extraction à l’aide de NCapture

Suivant l’approche écologique du discours numérique natif, nous avons procédé uniquement dans la phase du prétraitement du corpus à l’anonymisation des textes des commentaires qui seront utilisés dans cet article, ainsi qu’à la sélection de certains commentaires à des fins illustratives. Leur citation se fera de manière linéaire, en suivant les sujets abordés, les modalités invoquées et les ressources techno-sémiolinguistiques et discursives mises en œuvre. Chaque commentaire ou chaîne de commentaires sera présenté de manière anonyme sous l’entrée « C » accompagné d’un indice (exemple C1).

Notre posture épistémologique et méthodologique est ancrée dans la perspective postdualiste et écologique de l’analyse du discours numérique. Elle s’appuie sur les épistémès de la théorie formulée par Marie-Anne Paveau (2017) qui intègre les objets extérieurs à la langue dans l’analyse proprement dite. Cela dit, les discours localisés dans la sphère numérique dite native (connectée), à l’image des réseaux sociaux numériques, ont la particularité d’être hybrides, intégrant d’autres matérialités techno-sémiotiques co-constitutives de ces discours : par exemple des liens hypertextuels et des hashtags, des émoticônes, émojis, images, gifs, etc.

Dans cette étude, l’approche choisie pour analyser les discours numériques portant sur les toponymes populaires se concentre sur l’examen qualitatif du contenu et de la forme des discours recueillis. Cette méthodologie peut être résumée comme suit :

  • collecte de données : nous avons accordé une importance particulière à la collecte exhaustive de (méta)données issues du statut publié dans le fil technodiscursif de la page Facebook Je, pour obtenir une image claire des toponymes insolites utilisés par les internautes algérien·ne·s;
  • analyse de tonalité : pour appréhender la diversité des tonalités présentes dans les commentaires des internautes, nous avons opté pour une analyse des observables réunis. Cette approche nous a permis de déconstruire les énonciations secondaires et d’identifier les nuances des tons, qu’ils soient sarcastiques, humoristiques ou autres. Cette compréhension fine des tonalités exprimées enrichit notre interprétation des interactions au sein de la communauté;
  • analyse de la forme : en complément de l’analyse de tonalité, nous avons examiné la forme des messages échangés sur la page Je. Cela inclut divers aspects paralangagiers co-constitutifs des discours des commentaires, tels que l’utilisation d’abréviations, d’images, d’emojis, des hyperliens d’identification (les mentions), des réactionèmes[3], ainsi que d’autres modalités expressives et de citations en commentaire et ce, pour mieux comprendre les attitudes et représentations des internautes au sujet des noms de lieux évoqués.

Le commentaire comme corpus plurisémiotique

Dans son article sur ce qui s’écrit en ligne, Marie-Anne Paveau précise que « […] l’écriture numérique est potentiellement, et de plus en plus fréquemment, plurisémiotique puisque les écritures numériques natives sont composites, co-articulant image fixe ou animée et parfois son » (2019, p. 13). Les commentaires, en tant qu’« écrits d’écran » (Jeanneret et Souchier, 1999),

donnent à voir (ou à lire) des formes linguistiques émergentes, et font circuler des attitudes et des représentations envers les ressources mobilisées, les formes rejetées, les langues et les graphies choisies ainsi que le contenu informationnel. De surcroît nous dirons qu’il s’agit de multi-énonciations induites par le dispositif sémio-technique (Escande-Gauquié, 2019) propre aux RSN (Ali Bencherif, 2022, p. 102).

Pour ainsi dire, les commentaires sont des « technodiscours seconds » (Paveau, 2017) qui s’agrippent au technodiscours premier formant un fil discursif ininterrompu caractérisé par une hétérogénéité énonciative, technosémiotique et interactionnelle. La dimension relationnelle et augmentable (Paveau, 2017) des discours en ligne font que les commentaires s’étendent par d’autres commentaires, c’est-à-dire des réponses aux commentaires comptabilisés par l’interface.

Dans le technodiscours de Je, objet de cet article, nous avons pu observer, à travers les indices métriques qu’a générés cette publication, que les commentaires et les réponses aux commentaires se situent autour de 3140 items. En nous basant sur les métadonnées de cette publication et nos observations des chaînes de commentaire recueillies à l’aide du logiciel NCapture, nous avons pu déceler deux catégories de commentaires : d’un côté les commentaires technoscripturaux linéaires et de l’autre les commentaires délinéarisés.

Nous entendons par commentaires technoscripturaux linéaires, des énoncés qui sont d’ordre textuel, non composites, se présentant sans matérialités extralangagières (émoticônes, hashtags, images, liens hypertextuels). Tandis que les commentaires délinéarisés sont ceux qui entremêlent le textuel, le paralangagier (images, émojis) et le technologique (liens hypertextuels). Cette dernière catégorie est la plus répandue, constituant la majorité des commentaires collectés. À cette catégorie de commentaires, nous ajoutons les commentaires interactifs ou dialogiques, c’est-à-dire les commentaires suscitant d’autres réponses au point de former une chaîne interactive. Les commentaires non interactifs ou monologiques se réfèrent quant à eux aux commentaires qui n’ont pas suscité d’autres réactions, c’est-à-dire des réponses d’autres commentateurs de la publication.

Dans le cadre de cette recherche, la prise en compte des « commentaires interactifs » est très importante, car ce sont des discours qui, à partir de nos observations de la chaîne de commentaires du corpus, viennent compléter et fournir d’autres toponymes insolites et/ou des informations sur le nom inhabituel formulé en commentaire. Ces informations sont axées entre autres sur la véritable ou potentielle signification du toponyme en question et sur l’histoire du lieu et du nom choisis en général. Des discussions, qui se déploient d’ailleurs sur des tonalités variées, sont ainsi déclenchées pour échanger autour de la vie du toponyme (récit dénominatif) entre les participant·es (i.e. les abonné·es de la page).

D’autres commentaires ne sont que des renvois à d’autres contacts, c’est à-dire des mentions de pseudonymes et/ou de noms d’ami·es Facebook. Ces derniers représentent des commentaires d’identification ou de citation d’un profil (ex : @Je) servant justement à interpeller une personne et l’inciter à participer pour enrichir la discussion sur le sujet.

Étude des discours des utilisateur·trice·s sur Facebook : l’exemple des toponymes évoqués en commentaire

Il peut y avoir plusieurs raisons de s’intéresser aux discours numériques des internautes sur les toponymes insolites non officiels en Algérie :

  1. Étudier les tendances linguistiques et les habitudes de dénomination dans la société algérienne;
  2. Observer les processus de création de noms de lieux par les communautés locales tels qu’ils sont partagés par la cybercommunauté algérienne;
  3. Comprendre les attitudes et opinions des internautes envers ces noms insolites.

Comme nous pouvons le voir dans ce technodiscours, c’est la dé/nomination officielle et/ou officieuse dont il est question. Avant de s’attarder sur l’analyse proprement dite, il convient d’abord de définir ce qu’est un toponyme populaire suivant ce contexte.

 

Image 2. Le statut de la page Je (capturé le 14 novembre 2023)

La dé/nomination officielle est du ressort de l’État et des commissions de toponymie. La dé/nomination officieuse[4], en revanche, est populaire, issue d’un usage courant, exprimée dans les langues locales et leurs contacts (dans notre cas : les derjas, tamazights, français et leurs contacts); ces noms sont « le produit (attribution-usage) des sociétés, ils relèvent des langues, du linguistique, et ils servent à désigner des lieux et relèvent ainsi du spatial, de l’urbain » (Merbouh, 2011, p. 128). Ils sont pour ainsi dire révélateurs des particularités linguistiques de la société algérienne et des usages que cette dernière en fait. Ces noms de lieux qui forment la toponymie populaire représentent un intérêt capital dans la mesure où ils constituent

[…] un reflet profondément humain, parfois pittoresque et savoureux de l’esprit des habitants d’un lieu donné. Ensuite, nommer un lieu revient à l’identifier et à le caractériser. Ainsi, ces noms contribuent à l’orientation et au positionnement du locuteur non seulement dans l’espace géographique, mais également dans l’espace social et culturel qui est le sien. De même, la connaissance partagée de noms populaires crée, exprime et soutient un sentiment d’appartenance à un groupe. On se reconnaît l’un l’autre au travers des mêmes noms. En effet, ceux-ci sont ressentis comme plus authentiques, parce qu’enracinés dans un vécu commun et une mentalité collective (Steffens, 2007, § 2).

Les noms de lieux géographiques (villages, cités, rues, quartiers, villes), exposés dans l’espace « commentaire » du technodiscours de Je (image 2 ci-dessus), ont en commun leurs traits insolites qui appartiennent à une nomenclature dénominative hétérogène regroupant les noms de lieux populaires et les noms officiels perçus comme insolites. Les noms populaires sont ceux qui :

  • se superposent aux désignations toponymiques officielles, et dans ce cas il s’agit pour nous de (sur)noms de lieu;
  • catégorisent un lieu parmi tant d’autres en raison d’un « anonymat toponymique » officiel (Mazri Badjadja, 2013, p. 134), c’est-à-dire qu’une désignation nouvelle est donnée par une communauté sociale à un lieu urbain, ou une cité qui n’a pas été jusqu’ici dénommée par les services municipaux compétents. L’exemple le plus frappant dans notre corpus est l’odonyme d’usage Cité Zedma (littéralement « cité squattée ») : il s’agit d’une nouvelle cité construite par l’État, dont les appartements non encore distribués ont été squattés, devenant alors la cité des squatteur·euse·s. Les dénominations de ce type sont antérieures à la dénomination officielle et elles sont ancrées dans les pratiques communicationnelles transmises par l’oralité, comme les autres cultures populaires.

En effet, le technodiscours de la page Je (image 2) qui implique en retour des actes de langage en commentaire, ne vise pas seulement à amener les usager·e·s à donner des (sur)noms de lieux, mais il met également à l’épreuve leur « compétence toponymique » (Pons, 2013), c’est-à-dire les connaissances que les abonné·es algérien·ne·s ont des noms et leurs relations avec les environnements qu’ils et elles désignent. Alors, les abonné·es de la page Je, comme le montre la capture d’écran ci-haut, ne se limitent pas à livrer les noms insolites qu’ils et elles connaissent, mais livrent les anecdotes qui motivent de telles dénominations et leurs significations, et montrent la quasi-non-référence de ces noms aux espaces qu’ils et elles désignent. Que racontent ces utilisateur·trice·s de ces noms insolites? Et comment le racontent-ils/elles? Et que leur disent ces noms? Quelles modalités expressives sont utilisées? Les internautes voient-ils/elles différemment les lieux en fonction de la signification ou de l’origine de leur nom?

Les noms propres de lieux populaires insolites formulés à l’écran : exploration multidimensionnelle

Dans cette troisième section, nous plongeons au cœur de l’impact culturel et de l’imaginaire associés aux toponymes insolites. Les noms de lieux ne sont pas simplement des repères géographiques, mais des témoins chargés de mémoires, de souvenirs et parfois même de controverses. Nous explorerons la manière dont ces toponymes deviennent des porteurs d’histoires, réveillant des émotions, des événements passés et même des débats sociaux.

Cette section se penchera sur la façon dont les toponymes sont profondément ancrés dans l’histoire des lieux. Nous analyserons comment ces noms évoquent des expériences collectives, des moments marquants, mais également des éléments parfois douloureux de l’histoire personnelle et locale. Par ailleurs, nous explorerons les modalités expressives et multimodales des technologies discursives convoquées dans l’expression toponymique de la communauté discursive de Je. L’utilisation d’émoticônes, d’émojis, de screenshots et d’autres formes multimodales enrichit le discours toponymique, comblant les lacunes de l’expression écrite en introduisant des éléments visuels et émotionnels dans l’expression à l’écran. Nous explorerons également comment la perception de ces toponymes peut varier en fonction des croyances individuelles et des expériences personnelles.

Attitudes et modalités expressives multimodales au service de l’expression toponymique dans les commentaires

De nombreux toponymes attisent notre curiosité lorsque nous les percevons perchés sur une plaque routière ou à l’entrée d’une ville, ou quand ils sont prononcés. Ils nous appâtent par leur sonorité inhabituelle et leur humour. Cette singularité les grave dans l’esprit de ceux et celles qui les croisent, car ils et elles ne les laissent pas indifférent·es. La réminiscence toponymique surgit alors à l’évocation des noms exceptionnels. Ainsi, la plupart des discours exprimés en commentaire par les utilisateur·trice·s sur les toponymes dans la page Je brossent les noms de lieux qu’ils et elles connaissent ou qu’ils et elles ont pu croiser et ce, dans un registre humoristique à l’exemple de Cité Je m’en fou; cité Renault; Quartier haloufa (« Quartier des sangliers »)En effet, certains commentateur·trice·s évoquent d’autres noms avec une dérision flagrante en faisant référence à une dénomination qui prête à rire puisqu’elle n’a rien à voir avec le nom qu’elle désigne (exemple du toponyme Souq Dubaï « Marché Dubaï » et Cité Madrid dans C1 et C2) :

C1 et C2

Dans un autre commentaire, toujours dans le même registre, l’internaute trouve la dénomination qu’elle cite (Cité zedma) plus drôle en arabe classique الهجوم حي [5].

C3

La dérision à l’égard des noms de lieux inhabituels se manifeste dans les énonciations C1 et C2 par le biais de la modalisation indiquant ostensiblement l’attitude des sujets utilisateurs. Il s’agit donc de signes iconiques imitant les mimiques faciales (émoticônes, émojis) et de signes graphiques (expression du rire par une succession de h). « Il est évident que l’émoticône joue un rôle fort dans l’ancrage énonciatif du locuteur, puisqu’elle est toujours l’indice de l’émotion ou de la subjectivité du locuteur, elle inscrit nécessairement ce dernier de façon forte, en montrant sa présence explicite de sujet éprouvant, dans son discours » (Halté, 2016, en ligne). L’émoji du rire dans la plupart des commentaires que nous avons passés en revue suivent les toponymes inhabituels cités. Cet émoji reflète l’attitude subjective de l’utilisateur envers le nom évoqué dans son commentaire. Parallèlement, il donne la représentation que le sujet a construite de l’objet, c’est-à-dire du nom de lieu qu’il juge insolite. Dans les deux commentaires qui suivent (C4, C5 et C6) les émojis apparaissent en fin d’énoncé et signifient que le commentateur se moque des toponymes, ce que les énoncés en eux-mêmes ne disent pas.

C4 et C5
C6

Ces ressources expressives comme modalité iconique et/ou graphique sont des paradigmes techno-sémiotiques signifiants qui comblent ce manque manifeste du corps (notamment l’absence d’indications données par l’intonation, les expressions faciales : les soupirs, les rires) et aident à l’interprétation des commentaires qu’elles renforcent, précisent et nuancent. La modalité iconique est conviée dans les discours sur les noms de lieux insolites, comme l’illustre le commentaire C7 figurant la plaque routière indiquant le nom de son village Tighilt N Seksu en deux langues (arabe et tamazigh) signifiant la « vallée du couscous » :

C7

Le commentaire plurisémiotique C8, comme le précédent exemple en screenshot, constitue un autre exemple des modalités expressives participatives du web. Il montre aux autres participant·es de la communauté discursive de Je un cas de toponymie insolite, façonné par une normalisation toponymique officielle d’une dérive dénominative populaire. Il s’agit du toponyme obscène Bzazil Kalba (littéralement « seins de la chienne »), désignant une colline d’une altitude de 842 mètres à Béchar. Selon divers récits populaires entourant ce nom atypique, l’attribution de ce qualificatif vulgaire semble être liée à la forme des petites collines de ce lieu énigmatique, probablement leur disposition évoquant les mamelles d’une chienne.

C8

En plus de l’image photographique de plaques signalétiques illustrées ci-haut, d’autres formes multimodales sont mises à contribution dans l’expression toponymique visant l’enrichissement du sujet, à l’image du screenshot, comme l’illustrent les exemples C9 et C10 ci-dessous.

C9

Ce type de commentaire met en lumière un nom inhabituel, « BOUSBAA » qui signifie « celui au grand doigt », qualifié ironiquement par le commentateur de « Plus beau » dans le contexte de la capture d’écran de la localisation de ce lieu sur Google Maps. Dans un autre commentaire ci-dessous (C10), la représentation de l’espace est également réalisée à travers une capture d’écran dans laquelle l’utilisateur extrait une scène d’une vidéo mettant en évidence une signalisation routière avec le toponyme « Hassi Akouet » déformé en arabe pour donner « كيلوط » (culotte). Cette représentation multimodale est accompagnée d’un texte en arabe « Ça se situe à Bordj Badji Bouksour » décrivant l’emplacement du lieu.

C10

Les exemples ci-haut montrent l’exploitation d’affordances techno-sémiotiques de l’interface par les internautes. Ces dernier·es enrichissent leurs commentaires en utilisant diverses représentations iconiques. Certain·es préfèrent insérer une image de plaque signalétique routière indiquant le nom du lieu, tandis que d’autres accompagnent leur commentaire d’une photo du lieu lui-même, avec une mention de son nom dans le texte. Certain·es vont même jusqu’à inclure une capture d’écran montrant la localisation exacte du lieu sur Google Maps. Enfin, il arrive aussi que des captures de plaques routières réelles, telles celles visibles dans des vidéos Facebook, soient utilisées pour renforcer le lien entre le toponyme mentionné et sa réalité géographique.

Pour récapituler, outre l’utilisation des ressources plurisémiotiques, la mise en mot de chaque référence toponymique en discours est suivie le plus souvent d’un émoji final ou d’une autre représentation iconique qui explicite l’attitude du scripteur ou de la scriptrice dans son commentaire vis-à-vis du toponyme qu’il ou elle cite :

  • toponyme sarcastique + 😂 : lorsqu’un toponyme est utilisé de manière sarcastique, moqueuse ou ironique, l’émoji du rire est souvent ajouté pour indiquer que le scripteur ou la scriptrice trouve la situation amusante (C6);
  • toponyme qui suscite une interrogation + 🤔 : lorsqu’un toponyme suscite une interrogation de la part du scripteur ou de la scriptrice, par exemple s’il est peu commun ou difficile à comprendre, l’émoji de l’interrogation peut être ajouté pour exprimer cette incertitude ou cette curiosité;
  • toponyme à consonance atypique ou incompréhensible + 😅 🥴 : l’émoji du visage avec une goutte de sueur peut être utilisé avec un toponyme qui suscite une légère confusion, une gêne ou un malaise momentané chez le·a scripteur·trice ou indiquer une réaction légèrement embarrassée ou amusée face à ce toponyme;
  • toponyme absurde + 🤦 🤦 : indique une attitude embarrassante ou absurde face à un toponyme populaire qui pourrait exprimer la déception ou le désarroi chez le cyber-scripteur ou la cyberscriptrice (C6);
  • toponyme vulgaire + 🤭 (😂) : l’émoji du visage qui se couvre la bouche peut être utilisé pour indiquer que le scripteur ou la scriptrice reconnaît la nature inappropriée du toponyme tout en le mentionnant.

L’humour au service de la déconstruction de la référentialité toponymique

En plus du registre satirique et des modalités sémio-énonciatives qui accompagnent ces énonciations secondaires, il est à noter que c’est justement la référentialité du nom au lieu qu’il désigne qui est mise en dérision. On le voit à travers certaines expressions décelées dans les exemples en gras ci-dessous :

On y trouve  tout .. sauf  Dubaï    (C1)

C tout sauf à Madrid   (C4)

Madrid a gué de Constantine elle est tout sauf Madrid (C2)

Aire de France li mafihech riht la France (trad. Aire de France dans laquelle il n’y a pas d’odeur de la France) (C5).

En effet, la négation mise en évidence dans les expressions en gras est employée pour créer un contraste ironique ou humoristique, mettant en relief la disparité entre la dénomination citée et la réalité perçue. Par analogie, ces commentaires soulignent une discordance morphologique entre le toponyme mentionné et les lieux qu’il est censé représenter, tels que Dubaï, Madrid ou la France. Cet écart référentiel exprimé avec humour dans les commentaires illustre l’incompréhension de la communauté discursive de la page Je face aux stratégies dénominatives non motivées, comme le montre l’exemple des toponymes les trois Younès (Younes Younes Younes) et Salah Salah Salah évoqués dans les commentaires ci-dessous.

C11

Ces commentaires, en utilisant l’humour comme outil, dévoilent la manière dont les individus remettent en question et réinventent la relation entre les mots géographiques et leurs réalités, ajoutant des couches multiples de sens qui vont au-delà de la simple fonction cartographique des toponymes.

Mémoire attachée aux noms de lieux exprimée en commentaire

Le côté risible du nom évoqué en commentaire est certes patent, mais son évocation chez certain·es fait remonter des souvenirs attachés aux personnes et aux évènements qui ont germé dans ce lieu. Certain·es citent les ravages du terrorisme (C12, C13 et C14), du colonialisme (C15, les souvenirs d’enfance) et des grands-parents (C16).

C12
C13
C14
C15
C16

Dans la chaîne techno-interactionnelle (Denouël, 2008), c’est-à-dire les commentaires technodiscursifs de Je sur les toponymes insolites, on décèle de nombreuses mentions personnelles[6], chacun·e identifiant ses ami·es dans un commentaire ou dans une réponse à un commentaire, afin de l’impliquer dans la conversation ou de lui rappeler des souvenirs ou des moments appréciés vécus en cet endroit.

C17
Traduction

On voit que les toponymes insolites sont eux aussi porteurs d’histoire et chargés de mémoire. Ils structurent l’espace de vie et le catégorisent parmi tant d’autres. Les toponymes Hawch el MakhfiLa Suisse et bien d’autres ont pris leur source dans cette horreur qui a marqué ces lieux durant la décennie noire où de nombreuses personnes ont tragiquement péri. Par ailleurs, émerge parfois chez les individus un imaginaire toponymique qui se manifeste nettement dans le discours du commentaire interactif ci-dessous (C18) dans lequel le jugement esthétique exprimé par le deuxième utilisateur, confirmé par le premier, estompe le caractère saugrenu de ce nom de quartier en lui attribuant de la beauté.

C18 – chaîne de commentaires n°18

Défi de la compréhension des toponymes : entre humour et controverse

L’évocation d’un nom comme « désignateur risible » (Sadoudi, 2016) n’enchante pas certain·es abonné·es qui réagissent parfois sur un registre sceptique et insultant. C’est le cas d’un commentaire qui a suscité des réactions à chaud avec mentions systématiques au commentateur initial, à l’évocation du toponyme Larbaa Ait Irathen, une ville du département de Tizi Ouzou en Kabylie. Ce toponyme s’est manifesté plus de cinq fois dans notre échantillon d’étude et suscite, uniquement pour la première occurrence (C19), une quinzaine de réponses.

C19 – chaîne de commentaires n° 19

On observe que certain·es internautes interviennent pour répondre à l’utilisateur ayant mentionné le toponyme, réaffirmant ainsi leur mécontentement. Ils et elles soulignent que le nom en question ne présente pas de particularité inhabituelle, mais semble être simplement une provocation, étant donné que le lieu Larbaa Ait Irathen évoque un événement récent, à savoir le drame du lynchage d’un homme non autochtone survenu lors des incendies de forêt qui ont ravagé la région et toute la Kabylie en 2021. Ce type de propos s’apparente à ce que Marie-Anne Paveau désigne sous le terme de « commentaires-trolls », visant à perturber la conversation (2017, p. 46-47). Dans les cas de figure présentés, on peut déduire que la tonalité du commentaire toponymique semble influencer le registre des réponses fournies par les autres abonné·es, adoptant tantôt un ton sarcastique, tantôt ironique voire grossier.

Croyance, langue et sensibilité culturelle et leur impact sur la perception et l’interprétation des toponymes mis en commentaires

Parmi les exemples susmentionnés de noms insolites sujets à la moquerie, certains posent un problème en termes de perception et de compréhension, notamment lorsque certains toponymes ont une connotation sacrée, faisant référence au divin, comme c’est le cas pour Ain Allah, signifiant « source d’eau ». Certain·es internautes interprètent à tort ce nom en l’associant à l’expression Œil de Dieu à cause du double sens du nom arabe-derja ain. Cela conduit certain·es à penser qu’il est inapproprié de le nommer ainsi ou même qu’il est honteux de le prononcer, car il touche au divin, comme dans les exemples C20 et C21.

C20

Trad. C20 :

« “Les yeux de Dieu”, Je demande pardon à Allah.

Je meurs d’envie de savoir si celui qu’il a dénommée “œil de dieu” a vraiment bu du vinaigre ou quoi. Y a aussi le chemin du Hnash (« chemin du serpent ») à Alger »

C21
Trad. C21

Il semblerait donc que les croyances jouent un rôle crucial dans la réception et la compréhension de certains noms de lieux comme le montrent les commentaires mentionnés ci-dessus.

Dans le contexte du premier commentaire de Je sur le post abordant le toponyme Tiksrayine (ou bien Tixeraine; arabe : تيقصراين)[7], il a été possible de conclure que, selon la majorité des répondant·es, l’absence de connaissance de l’origine linguistique d’un toponyme en fait un désignateur inhabituel en raison de sa tonalité et de ses propriétés phonologiques peu familières. À l’inverse, dans les exemples C22 et C23, les utilisateur·trice·s informé·es de l’origine de ce toponyme, et familiarisés avec le tempo sonore et les schèmes de leur langue maternelle, le kabyle, ne comprennent pas pourquoi ce nom (Tiksrayine) serait considéré comme étrange (voir les réponses en chaîne au premier commentaire de Je ci-dessous).

C22
C23

Dans un premier commentaire, l’auteur suggère que la prononciation en kabyle rend le toponyme moins étrange, soulignant ainsi l’importance de la familiarité linguistique dans l’évaluation de la normalité d’un nom de lieu. Cette observation met en avant la subjectivité de la perception des toponymes, démontrant que la compréhension linguistique peut atténuer la perception de l’étrangeté. De ce fait, les autres réactions remettent en question la perception de la bizarrerie du nom, sauf une, « banu Hillal Al aɛrabi Al ajnabi »[8], en référence aux arabophones. Cette réaction souligne la subjectivité de la perception des toponymes, mettant en évidence que la manière dont chaque individu interprète la singularité d’un nom géographique peut différer selon les éléments linguistiques, culturels et personnels.

Le commentaire « Texas pour les intimes » prend alors une signification humoristique en faisant référence à une autre dénomination ou expression familière pour le même lieu : il semble jouer sur l’idée que les intimes utilisent cette autre appellation Texas, ajoutant ainsi une couche d’humour et de complicité à la discussion sur les toponymes renforcée par la modalité iconique (émoji du rire). Cela montre significativement la prégnance de la multi-dénomination ou de la polynomie toponymique populaire comme pourrait le suggérer le dernier énoncé (en rouge dans notre traduction) de l’échange ci-dessous à propos du Quartier Haloufa[9] dont une intervenante explique le sens (réponse 2 en vert dans la traduction).

C24 – Image 3. Extrait d’échange accompagné en parallèle de sa traduction en français

Conclusion

Cette étude sur les discours numériques autour des toponymes insolites formulés sur la page Facebook Je a montré d’une part la pluralité des usages de ces noms au sein de la société et d’autre part les interrogations qu’ils suscitent.

Ces discours révèlent la richesse et la complexité des significations associées aux noms de lieux insolites. Ils ne sont pas simplement des repères géographiques, mais des éléments chargés de mémoires, d’émotions et de débats sociaux. À travers l’utilisation d’une variété de ressources expressives multimodales, tels que les émoticônes, les émojis, les captures d’écran et les commentaires humoristiques, les utilisateur·trice·s enrichissent le discours toponymique et révèlent différentes facettes de leur relation avec ces noms inhabituels.

L’humour joue un rôle important dans la déconstruction de la référentialité toponymique, permettant aux internautes de remettre en question et de réinventer la relation entre les mots géographiques et leurs référents. Cependant, cette approche humoristique peut parfois susciter des réactions négatives, notamment lorsque les toponymes touchent à des sujets sensibles ou sacrés.

Par ailleurs, les croyances, les langues et les sensibilités culturelles influencent la perception et l’interprétation des toponymes, soulignant ainsi la subjectivité de cette expérience linguistique et géographique. La familiarité linguistique peut atténuer la perception de l’étrangeté d’un nom de lieu, tandis que les différences culturelles peuvent entraîner des interprétations divergentes.

Ce travail pourrait inspirer d’autres réflexions sur cette intéressante question des noms et des discours qu’ils suscitent dans l’espace cyber/urbain. L’espace numérique constitue à la fois un bon catalyseur et un bon observatoire de ces discours et nous espérons développer cette perspective en explorant les discours numériques dans d’autres lieux technodiscursifs que les pages Facebook. Une exploration des écrits d’écran qui touchent aux pratiques dénominatives pourrait nous apporter des informations sur les usages des noms toponymiques et leurs enjeux technodiscursifs et technosociolinguistiques au sein de la communauté virtuelle algérienne, mais également sur la manière dont les gens perçoivent certains lieux ou certaines régions. Ces informations pourraient être utilisées pour informer les politiques publiques, les efforts de marketing territorial et les décisions d’investissement. De plus, les toponymes utilisés pour décrire et délimiter les espaces géographiques peuvent également servir à construire des identités territoriales et renforcer les stéréotypes sociaux. En travaillant sur les discours numériques associés à ces toponymes, on peut comprendre comment les internautes utilisent les toponymes pour construire leur propre identité en ligne et comment cela pourrait influencer la perception des autres.

Ce thème offre des perspectives intéressantes aux études linguistiques et onomastiques futures en prenant comme objet la structure et la matérialité linguistique de ces noms circulant dans les différents lieux technodiscursifs. Des relevés systématiques de ces types de noms dans les commentaires écrits nous permettront, d’une part, de rendre compte des usages dénominatifs populaires subsistant dans l’environnement réel des utilisateur·trice·s et leur survivance dans la mémoire discursive et, d’autre part, de mener des analyses dans la perspective de la morphologie lexicale et de la sémantique référentielle en établissant une taxinomie des toponymes populaires.

Références bibliographiques

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Merbouh, Hadjer. 2022. Le sociotoponyme urbain en Algérie : caractéristiques et lectures identitaires. Le cas des villes de Sidi Bel Abbès et d’Aïn Témouchent.  Insaniyat / إنسانيات [En ligne]. DOI : https://doi.org/10.4000/insaniyat.27355

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Steffens, Sven. 2007. La toponymie populaire urbaine hier et aujourd’hui. Le cas de Molenbeek-Saint-Jean. Brussels Studies, 9. URL : https://journals.openedition.org/brussels/441



  1. Pour consulter cette page : https://www.facebook.com/jelapage
  2. Le discours numériqué est un genre particulier des discours du web, « produit nativement en ligne, sur un site, un blog ou un réseau social, tout lieu numérique accueillant de la production de discours. Il présente des traits de délinéarisation du fil du discours, d’augmentation énonciative, de technogénéricité et de plurisémioticité » (Paveau, 2015, p. 8)
  3. À la suite de Djilé Donald (2022), nous appelons « réactionèmes » les réactions par émoticônes à un commentaire. Ils jouent un rôle important dans l'analyse du discours, car ils ajoutent une dimension supplémentaire à la signification du commentaire, en exprimant des nuances émotionnelles qui révèlent des aspects psychologiques et comportementaux de l'engagement et de l'interaction au sein d'une communauté en ligne. Ils doivent donc être pris en compte dans une analyse complète du discours numérique, représentant ainsi une forme de subjectivité du discours marquée par un signe iconique.
  4. Appelée aussi toponyme d’usage, argotoponyme ou sociotoponyme (Merbouh, 2022).
  5. Il s’agit ici de la traduction qu’attribue un membre de la communauté discursive de Je dans son commentaire (Cf. C3) au toponyme populaire « cité zedma »
  6. Les mentions ont une fonction interpellative, qui selon Justine Simon et Magali Bigey (2018, p. 66) constituent : « des procédés technodiscursifs relevant d’une volonté d’interaction réelle avec le public visé ».
  7. Appellation provenant du tamazigh tighesret signifiant la pierre plate servant de planche à laver ou carrément le lavoir (https://www.jeune-independant.net/alger-est-amazighe/)
  8. Signifie littéralement « Tribu de banu hillal d’Arabie l’étrangère ».
  9. D’origine arabe, féminin pluriel de halouf signifiant « sanglier » en français.

Pour citer cet article

Bourdache, Achour. 2024. Des noms et des discours sur le web social. Éléments d’analyse plurielle des discours toponymiques de la communauté discursive de la page Facebook Je. Magana. L’analyse du discours dans tous ses sens, 1(1), 105-152. DOI : 10.46711/magana.2024.1.1.5

Licence

La revue MAGANA. L’Analyse du discours dans tous ses sens est sous licence Creative Commons CC BY-SA 4.0, disponible en ligne, en format PDF et, dans certains contextes, en version imprimée.