Volume 1, numéro 1 – 2020 : VARIA
Table des matières
Représentations et pratiques langagières plurilingues des jeunes tunisien·ne·s
Reflet de la diversité culturelle tunisienne, la darija tunisienne (aussi appelée arabe dialectal) est un ensemble de parlers hétérogènes. Elle est considérée comme inférieure à la variété de prestige qui est l’arabe classique et elle est même dévalorisée par ses propres locuteur·trice·s. Ainsi, son usage est limité aux domaines oraux du quotidien. Signalons d’autre part que chaque tentative de valorisation de la darija, de son intégration dans les médias ou encore dans les milieux scolaires donne lieu à de grands débats des locuteur·trice·s puristes. Compte tenu de tous ces facteurs, nous avons essayé de comprendre le fonctionnement des pratiques langagières des étudiant·e·s tunisien·ne·s et élucider les différentes représentations qui lui sont intrinsèques. Nous nous avons également déchiffré le refus affirmé des puristes quant au plurilinguisme des jeunes. Pour terminer, Nous avons essayé de comprendre l’image de cette richesse linguistique aux yeux de ses propres locuteur·trice·s.
Le Cameroun vit actuellement un malaise général du fait des conditions précaires dans lesquelles vivent la majorité des citoyen·ne·s. Dans cette mouvance, la minorité linguistique anglophone des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a trouvé en la marginalisation linguistique et culturelle, dont elle dit faire l’objet, le prétexte idoine pour se révolter. En réponse à ce problème désormais appelé « problème anglophone », le chef de l’État a mis sur pied un organisme : la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, en abrégé CNPBM, pour résorber cette situation inconfortable. Or, malgré la création de cet organe, l’ordre tarde à revenir totalement dans la partie du territoire national où règne l’insurrection et c’est la raison pour laquelle le présent travail questionne ladite commission afin de savoir quelles sont ses réelles potentialités. Est-elle efficace pour juguler le mal-être globalisé dont souffre non pas seulement un groupe linguistique, mais le peuple camerounais tout entier? Par ailleurs, le déséquilibre qui a toujours caractérisé la promotion du bilinguisme et des cultures camerounaises ne continuera-t-il pas à entraver l’effectivité des résultats escomptés de cette commission? Ancrées dans la pure tradition sociolinguistique, les réponses à ces préoccupations prendront appui sur une démarche descriptive et contrastive afin de mieux cerner l’objet d’étude.
Cet article questionne les règles et les principes utilisés par Suzanne Ruelland pour la confection du Dictionnaire tupuri-français-anglais (DITFA). Le corpus est un dictionnaire trilingue mais nous insistons sur la paire tupuri-français pour maintenir la perspective bilingue. Ce dictionnaire a le mérite de constituer un document de base important pour l’apprentissage et la pratique du tupuri de par son ancienneté et le fait qu’il soit plus vulgarisé. Toutefois, une analyse assez fine, à la lumière de la lexicologie explicative et combinatoire, permet de faire ressortir des insuffisances tant au niveau de l’exhaustivité interne et externe qu’au niveau du métalangage formel et de la cohérence des définitions accordées aux entrées. Ce trésor de la langue tupuri mérite un soin particulier dans l’inventaire de ses adresses, la structuration des collocations et leurs descriptions. Le DITFA est passé au crible des techniques de la lexicologie explicative et combinatoire. Ces préalables théoriques sont sans doute une plus-value pour la conception et l’élaboration des dictionnaires bilingues. Les écarts constatés dans le dictionnaire de Ruelland tiennent lieu de postulat pour poser les jalons d’une nouvelle analyse macro/microstructurale du dictionnaire tupuri-français inspirée du dynamisme des pratiques lexicographiques actuelles.
Temps, aspect et mode (TAM) : le cas du baoulé walèbo
Le baoulé est une langue kwa de Côte d’Ivoire. En effet, le parler (variété) qui a fourni les données à cette investigation est le walèbo. Son système de conjugaison est essentiellement aspecto-modal. Cette étude a mis l’accent sur dix TAM du baoulé. Quatre d’entre eux sont des modaux (impératif, constatatif, intentionnel et injonctif) et six sont des aspects (progressif, continuatif, accompli, résultatif, futur et habituel). Ces TAM s’expriment soit par un ton, soit par un morphème ou encore des deux manières. Les suprasegmentaux sont l’impératif (ton haut) et le constatatif (ton haut). Ils se réalisent sur le verbe. Les segmentaux sont le futur wá, le progressif sú, le résultatif à, le continuatif tɛ̀, l’injonctif mà̰ ou allongement de la voyelle du sujet et l’accompli lí. Les quatre premiers précèdent le verbe, le cinquième (le cas où on a le morphème mà̰) s’antépose à l’énoncé et le dernier se postpose. L’intentionnel (ton haut) et l’habituel (ton bas), en plus des tons que porte le verbe, utilisent aussi des segmentaux. wɛ̰́, kṵ́dɛ́ kɛ́, kló kɛ́ marquent l’intentionnel et títí l’habituel. wɛ̰́, kṵ́dɛ́ kɛ́, kló kɛ́ se positionnent entre le sujet et le verbe dans le premier cas et títí se postpose à l’énoncé dans le second.
Le Féminin humain. Pensées poétiques et les éthiques des vies de femme d’Alice S. Ngah Ateba s’offre comme un ensemble de poèmes qui présente des problématiques holistiques sur les femmes. Ces poèmes dépeignent les stéréotypes qu’attribue la société machiste aux femmes. Selon le machisme, les femmes apparaissent comme le sexe faible. Elles assument des rôles subsidiaires dans un monde où le partenariat homme-femme est de plus en plus revendiqué en termes de parité dans les projets de gouvernance sociale sérieux. Comment la biologie travaille-t-elle à compromettre la dynamique du vivre ensemble devant régir les rapports sociaux entre les sexes et les genres qui ont vocation à collaborer en vue de construire un monde nouveau? En prenant fondation sur l’antinaturalisme féministe, théorie à laquelle nous adjoignons la sémiotique de la poésie, nous montrons qu’au final, le texte d’Alice S. Ngah Ateba dessine les contours de l’ethopoétique féministe. Cette variante féministe, qui milite pour la réhabilitation des femmes, a pour point de chute est le néo-féminisme qui, lui, exhorte à l’action, dépassant de ce fait le féminisme de manifestations et de revendications.
Dans cet article, nous nous proposons d’analyser, dans quelques romans de la diaspora africaine contemporaine, les subversions qu’opère l’ironie pour créer des mondes fictionnels inversés. Nous entendons d’abord mettre en évidence la question du jeu paradoxal de l’ironie pour tenter de saisir son rôle dans la déconstruction du discours dominant et, par-delà, dans le renversement des univers de croyances. Cet axe de l’ironie permet de démystifier les pratiques en cours dans certains pays de destination des migrant·e·s et la civilisation qu’ils·elles incarnent, de critiquer certains maux de la société comme le racisme, la criminalité, etc. et de mettre en cause les faits et les situations jusque-là tenus pour appropriés. Nous analysons ensuite la satire qui déclenche une ironie qui attaque essentiellement les travers des humains et de la société, égratigne le pouvoir qui opprime ses concitoyen·ne·s et dénonce le système colonial qui contraint tout un peuple à l’adoption des valeurs contraires à ses convictions morales et à ses intérêts. Tout ce discours met à profit un trope dont le rôle est le retournement de situation, l’inversion des rôles et la représentation des antipodes que véhicule le monde contemporain.
Les symboles traditionnels bambaras dans « Ségou » de Maryse Condé
Cet article analyse, à travers quelques symboles bambaras présents dans l’univers fictionnel de Ségou de Maryse Condé, la réactualisation des valeurs traditionnelles de ce peuple. Ségou est en effet le lieu fictif de prédilection où se manifestent le sacré et le divin à travers le tata, le tabala, le dubale, le balanza et l’eau. Le tata, qui signifie « terre », conjointement avec le tabala, tambour de guerre, sont des symboles de pouvoir. Toutefois, ce pouvoir est contraint à la chute. Le tata est violé et le tabala réduit au silence. L’islam détrône les divinités traditionnelles et édicte ses lois. Le dubale et le balanza sont des arbres sacrés, avatars respectivement des esprits des ancêtres et de Pemba, un des dieux créateurs selon la cosmogonie bambara. Ces arbres sont des gardiens de la société traditionnelle bambara. Ils jouent soit le rôle de médiateur entre l’humain et le divin, soit celui des dieux eux-mêmes. L’eau, autre élément de l’univers symbolique de Ségou, est la forme visible du dieu Faro qui, avec Pemba qu’incarne le balanza, participe à la création et joue le rôle protecteur et régulateur de la vie du peuple. Tout au long du roman, l’eau du fleuve Niger est régénératrice en vertu de la toute-puissance de Faro qu’elle héberge.
Ce texte examine comment la mémoire familiale constitue un ancrage à l’histoire dans la production du roman historique francophone. Dans un contexte de crise générale, retrouver et marquer ses repères devient un impératif pour les écrivains francophones de cette dernière décennie. Les romans de Mahi Binebine (Le Fou du roi), Alain Mabanckou (Les Cigognes sont immortelles) et Patrice Nganang (Empreinte de crabe) posent avec acuité la problématique d’un héritage à la fois familial et historique. Ces trois auteurs actualisent leur histoire familiale heurtée aux crises de l’Histoire. Par ce procédé, ils proposent une façon singulière d’envisager le passé et ils se font passeurs de mémoire.
Ce texte décrit l’itinéraire douloureux du voyageur Bardamu. Selon les cas, le voyage lui donne le loisir d’observer et de s’enrichir de ses expériences qui le font progresser dans la connaissance de lui-même. Au retour du voyage, sa vie est marquée de visions nouvelles provoquées par le dépaysement. Le roman Voyage au bout de la nuit se structure comme une succession de déplacements.
Avec l’introduction de l’approche communicative dans l’enseignement des langues au Burundi, l’enseignant a progressivement pris conscience de l’importance de l’objectif de communication dans la langue enseignée à côté de l’apprentissage des structures de cette même langue. Alors que des efforts sont désormais déployés pour atteindre cet objectif, de meilleurs résultats pourraient être réalisés dans l’acquisition des langues si l’enseignant s’engageait à mettre sa métalangue au service de l’apprentissage des compétences langagières. Notre article cherche à examiner les lacunes au niveau des connaissances sur la métalangue et son exploitation dans l’enseignement de l’anglais à l’école (post)fondamentale en vue de proposer des stratégies pour une intégration effective de ce volet dans les pratiques de classe.
Les questionnaires d’examen de français : qu’évaluent les enseignant·e·s burundais·es?
Ce texte porte sur l’analyse typologique des questionnaires d’examen donnés par les enseignant·e·s de français. Il vise à vérifier si toutes les compétences communicatives sont évaluées. Dans le contexte burundais, la réforme de 2013 a permis de mettre en place des programmes qui s’inspirent de l’approche communicative. Celle-ci porte essentiellement sur quatre compétences communicatives, à savoir la lecture-compréhension, la compréhension orale, l’expression écrite et la production orale. Cependant, des questions se posent toujours : les professeur·e·s de français ont-ils·elles adopté l’innovation quant à leur façon d’évaluer? Qu’évaluent-ils·elles? S’intéressent-ils·elles à toutes les compétences? Cette étude essaie de répondre à ces questions par le biais de l’analyse des questionnaires d’examen de français proposés aux élèves. Ainsi, il a été question de collecter, dans sept écoles de la province scolaire de Bujumbura, des questionnaires d’examen formés de 42 items. L’analyse de contenu et l’interprétation des résultats ont montré que les exercices donnés lors des examens portent sur les ressources linguistiques, sur la lecture-compréhension et sur la production des phrases simples. Les élèves sont ainsi évalué·e·s sur des matières qui ne couvrent pas suffisamment toutes les compétences communicatives puisque, dans les faits, ce sont les outils linguistiques qui sont évalués.
L’impact des situations d’intégration sur les résultats des élèves marocain·e·s
Cette étude analyse l’impact de la pédagogie de l’intégration sur le rendement scolaire des élèves de la 6e année du primaire dans la région de Gharb Chrarda Bni Hsan au Maroc. Les données sont recueillies au moyen d’un questionnaire. Celui-ci est destiné à un échantillon d’enseignant·e·s représentatif de la région. La comparaison des pourcentages des moyennes générales des élèves à l’issue des examens normalisés des années 2009 (avant l’application de la PI ) et 2011 (année de la généralisation de celle-ci) nous permet de repérer l’impact de la PI sur le rendement scolaire des élèves. Les résultats obtenus montrent qu’au niveau régional, l’application de la PI n’a pas affecté de manière significative les moyennes générales des élèves. Toutefois, des distinctions sont à faire : devant un progrès remarquable chez les élèves en arabe et en mathématiques, nous notons une baisse de niveau en français. Ces résultats montrent que beaucoup d’efforts sont encore à fournir par les différents partenaires pédagogiques pour que la Pédagogie de l’intégration ait un effet positif plus manifeste.