L’impact des situations d’intégration sur les résultats des élèves marocain·e·s
Abdelaadim TAHIRI
Introduction
Depuis la fin des années 90, le Maroc est engagé dans un processus de mise à niveau et de réforme du secteur de l’enseignement. Les diverses actions entreprises entraînent la rectification systématique des programmes, des objectifs et des méthodes adoptés à l’école. L’objectif ultime étant à la fois de former les petit·e·s Marocain·e·s et de forger leur personnalité afin qu’ils assument leurs responsabilités futures. La conjoncture internationale, de plus en plus dominée par la mondialisation et l’économie de marché, oblige en effet le Maroc à former des citoyen·ne·s capables de faire face à un monde concurrentiel et de s’adapter à des situations nouvelles et conflictuelles.
En réponse à ces exigences et pour hausser le niveau des scolarisé·e·s, le Maroc opte pour une réforme qualitative et quantitative traduite entre autres par la Charte nationale de l’éducation et de la formation. Le but principal est de pallier le déficit du système éducatif, et partant, de tenter d’améliorer le niveau de la ressource humaine, de restructurer les enseignements, depuis le préscolaire jusqu’au baccalauréat, à travers la réforme des curriculums, des programmes, des méthodes et des approches pédagogiques.
Dans cette mouvance, le Maroc adopte officiellement en 1999 l’approche par les compétences. Durant les années 2000, le ministère ne cesse de mettre en place des stratégies et des procédés pour améliorer le rendement de l’école. Le défi est d’aider les enseignant·e·s à exercer leur métier avec des approches pédagogiques qui favorisent la hausse du niveau scolaire des élèves.
La pédagogie de l’intégration apparaît comme le cadre méthodologique pratique qui permet la mise en œuvre effective de l’approche par compétences dans l’ensemble des classes marocaines. Mais outre ces préoccupations relatives à l’efficacité pédagogique du système éducatif, il y a les valeurs d’équité qu’elle véhicule.
Dans ce texte, nous présenterons les résultats de notre étude concernant la mise en place de la pédagogie de l’intégration dans de la région Gharb Chrarda Bni Hsan. Pour ce faire, nous circonscrirons, tout d’abord, ce qu’on entend par pédagogie de l’intégration au regard de l’approche de Xavier Roegiers. Ensuite, nous traiterons succinctement quelques expériences appliquées en Afrique et en Europe. Enfin, nous présenterons les résultats de l’enquête que nous avons menée en vue d’explorer la réalité de l’opérationnalisation de la pédagogie de l’intégration et d’approcher l’impact de celle-ci sur le rendement scolaire des élèves de la 6ème année du primaire.
Conception de la pédagogie de l’intégration selon Xavier Roegiers
La pédagogie de l’intégration, désormais PI, doit être vue sous l’optique d’un cadre méthodologique qui permet la réalisation et l’opérationnalisation de l’approche par compétences mise au point par Xavier Roegiers. Ce auteur précise, dans le rapport intitulé Pédagogie de l’intégration en bref (Roegiers, 2006), que l’approche par compétences repose essentiellement sur les travaux de De Ketele (1998, 2010), menés à la fin des années 80, portant sur la notion d’objectif terminal d’intégration. Les objectifs de l’approche par les compétences sont les suivants : mettre l’accent sur ce que l’élève doit maîtriser, donner du sens aux apprentissages, certifier les acquis de l’élève en termes de résolution de situations concrètes.
Dans ce sens, Xavier Roegiers définit la compétence comme « la possibilité pour un individu de mobiliser un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une situation-problème qui appartient à une famille de situations » (Roegiers, 2000, p. 37). Nous pouvons d’emblée souligner deux notions clés : les ressources comme étant un savoir, un savoir-faire et un savoir-être à mobiliser d’un côté et les situations dans lesquelles l’élève devra mobiliser ces ressources de l’autre côté. L’intégration peut se faire selon le modèle de Xavier Roegiers de façon progressive ou une fois lors d’un modèle plus important dit « module d’intégration ».
La pédagogie de l’intégration appliquée à travers le monde
La pédagogie de l’intégration a été expérimentée principalement dans l’enseignement primaire dans de nombreux pays, nous citons à titre indicatif l’Amérique du Nord (Québec), certains pays d’Europe (Grande-Bretagne, Belgique, Suisse, Portugal), d’Asie (Liban) et d’Afrique (Mauritanie, Gabon, Madagascar, Burkina-Faso, Rwanda, Burundi, Djibouti, Tunisie, Algérie et Maroc). Elle a démontré son efficacité comme modèle d’intervention pédagogique. Les résultats enregistrés dans ces expériences montrent son impact sur l’équité scolaire. En conséquence, elle influence le rendement scolaire des élèves quel que soit leur niveau. Les élèves dits faibles comme ceux et celles dit·e·s excellent·e·s ont pu en tirer profit en ayant chacun·e son rythme d’apprentissage et son niveau de réussite. Cela a poussé les chercheurs et chercheuses en science de l’éducation à se pencher attentivement sur les finalités et les exigences de ces nouvelles modalités d’éducation et de formation, comme le souligne Chahine (2010, p. 24). Les principaux résultats renseignent sur l’impact positif de l’approche par les compétences, opérationnalisée par la pédagogie de l’intégration, sur la scolarité des élèves.
En Tunisie, la recherche montre un gain de 3 à 6 points selon les disciplines dans l’épreuve de fin d’année de sixième année du primaire (Hamid et Xavier, 2003). Au Gabon, une étude menée sur 7500 élèves a montré, entre autres, que l’approche par les compétences en première année primaire (CP1) a fait réussir 12 % d’élèves supplémentaires (Cros et al., 2009). En Mauritanie, une autre étude révèle un gain de 2,5 points sur 20 en moyenne sur les épreuves en faveur des élèves qui pratiquent l’approche par les compétences de base (Roegiers, 2005). À Djibouti un travail a été mené en mai 2003 sur 2 groupes de 200 élèves de fin de 2ème année du primaire de niveau comparable : un groupe expérimental (suit l’approche par compétences pendant 2 ans) et un groupe témoin (enseignement traditionnel). Les résultats montrent que cette approche conduit à un gain qui se situe autour de 3 points sur 20 en faveur des élèves des classes expérimentales. Sur le plan de l’équité, l’approche par les compétences fait profiter à toutes les catégories les élèves fort·e·s, moyen·ne·s et surtout les faibles.
L’application de la pédagogie de l’intégration au Maroc
En mars 2009, le Bureau de l’Ingénierie Pédagogique et de la Formation (BIEF) a conclu avec le Ministère de l’Éducation Nationale de l’Enseignement Supérieur de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique une convention de collaboration dans un projet qui vise à généraliser à terme la pédagogie de l’intégration dans l’enseignement primaire et secondaire collégial marocain. Ce projet est adopté dans le cadre du programme d’urgence du ministère de l’enseignement, dans la rubrique « parachèvement de la mise en œuvre de l’approche par compétences ». Le projet vise les principales composantes du curriculum : l’organisation des apprentissages, l’évaluation des acquis des élèves, la formation initiale des enseignant·e·s et le matériel didactique.
Une phase d’expérimentation préliminaire vise à concevoir le dispositif le mieux adapté à la réalité marocaine. Le modèle adopté consiste à planifier, en plus des semaines d’apprentissages ponctuels, deux semaines réservées à l’apprentissage de l’intégration et à l’évaluation de l’apprentissage de l’intégration. Ces deux semaines s’enchaînent à une période de six semaines où les élèves bénéficient des apprentissages ponctuels.
L’intégration des pré-requis, qui se fait lors de la 7ème et la 8ème semaine, se réalise à travers des situations dites d’intégration. Chaque situation se caractérise par un contexte qui définit les opérations et pose le problème à résoudre. Ce contexte montre les dispositifs et l’aménagement matériel dans lequel va se dérouler l’action de l’élève, et les consignes spécifiques au problème à résoudre.
Afin de permettre aux apprenant·e·s de s’enrôler dans ces situations d’intégration, on leur demande de travailler sur des grilles de vérification. L’ensemble de ces grilles est investi par l’enseignant·e. Celui-ci ou celle-ci utilise des grilles de correction définies d’une part par les trois consignes en question et d’autre part par trois critères, à savoir : la pertinence, l’usage correct des outils de la matière et la cohérence. Ceci permet de catégoriser les élèves selon leurs difficultés et leurs lacunes. Cette opération donnera la possibilité d’arrêter les activités de remédiation.
Ce modèle fonctionne donc comme une occasion convenable à tou·te·s les apprenant·e·s pour s’investir dans l’apprentissage de l’intégration, chacun·e à son propre rythme d’apprentissage. Toutefois, son efficacité est fonction de sa mise en œuvre dans les écoles et de plusieurs facteurs. D’abord, il dépend des enseignant·e·s qui vont le mettre en pratique, de leur volonté, de leur formation spécifique et de leur degré de participation dans la réalisation des orientations ministérielles. Ensuite, il faut prendre en compte la nature des moyens didactiques et logistiques. L’on considérera, enfin, le suivi et l’encadrement de ces mêmes enseignant·e·s lors de l’opérationnalisation.
À ce niveau de la réflexion, nous pouvons dès lors examiner l’impact de la pédagogie d’intégration sur le rendement scolaire des élèves du primaire. Dans quelles mesures pourrait-on affirmer que la pédagogie de l’intégration influence positivement les résultats des élèves au primaire? Comment les élèves s’investissent-ils dans des situations d’intégration significatives? À quel point les enseignant·e·s du primaire sont-ils ou sont·elles convaincu·e·s de l’efficacité de ce cadre méthodologique?
Déroulement de l’enquête
Nous rappelons que l’objectif de notre enquête est d’explorer la réalité de l’opérationnalisation de la pédagogie de l’intégration pour approcher l’impact de celle-ci sur le rendement scolaire des élèves de la 6ème année du primaire dans la région Gharb Chrarda Bni Hsan en se basant sur leurs résultats d’examen et sur les appréciations des enseignant·e·s.
Nous avons donc arrêté les établissements scolaires dans lesquels nous avons mené notre enquête, soit 32 sur un totale de 323 écoles. Seul·e·s les enseignant·e·s sont questionné·e·s. Le nombre d’enseignant·e·s qui ont répondu aux questionnaires est de 64. Pour des raisons de faisabilité, nous avons délimité l’échantillon de l’enquête aux élèves scolarisé·e·s en 6ème année du primaire et appartenant aux trois délégations de la région Gharb Chrarda Bni Hsen (Kénitra, Sidi Slimane et Sidi Kacem) durant les années 2008-2009 et 2010-2011.
Nous avons comparé les moyennes générales obtenues par tou·te·s les élèves de la 6ème année du primaire de la région en 2009, soit un total de 25810 élèves, avec celles obtenues en 2011, soit un total de 28320 élèves. Parallèlement à cet examen, nous avons comparé les moyennes obtenues pour les matières suivantes : l’arabe, le français et les mathématiques.
Par ailleurs, nous nous sommes adressé aux enseignant·e·s en charge de ce niveau d’étude au cours de l’année scolaire 2011-2012 au travers d’un questionnaire. Celui-ci est construit sur les thématiques suivantes : la formation spécifique à la PI, le suivi des enseignant·e·s après la formation, la mise en œuvre pratique de la PI dans les classes, la réaction des élèves par rapport à la PI et l’évaluation de l’impact de la PI par les enseignant·e·s.
Ce questionnaire, conçu sous forme de questions fermées et ouvertes, a ciblé 10 % de l’ensemble des écoles primaires de la région, soit un nombre de 323. Dans chaque délégation, nous avons retenu un lot de 10 % des écoles du primaire situées équitablement en milieu rural et en milieu urbain.
Analyse et interprétation des résultats
Nous avons adopté deux paramètres : le pourcentage des moyennes entre les années scolaires 2008-2009 et 2010-2012 et la fourchette des moyennes [0,5] et [5,10].
Il ressort de l’étude comparative que dans toute la région le pourcentage des moyennes qui varient entre 0 et 5 est passé de 34,11 % (en 2009) à 34,53 % (en 2011), soit une hausse très légère des moyennes (0,42 %). Quant à la comparaison des moyennes générales variant entre 5 et 10, elle montre une baisse de 0,42 %. Ces données montrent que la moyenne générale des élèves de la 6ème n’a pas changé significativement. Toutefois, la même étude comparative entre le milieu rural et le milieu urbain affiche une différence significative.
Nous constatons, compte tenu du pourcentage des élèves dont la note varie entre 0 et 5, qu’en milieu urbain le pourcentage est passé de 21,90 % à 22,55 %, soit une hausse de 0,65 %. En milieu rural, il est passé de 44,95 % à 44,20 %, soit une baisse de 0,75 %. Parallèlement, concernant le pourcentage des élèves dont la note varie entre 5 et 10, nous remarquons qu’en milieu urbain le pourcentage des moyennes générales est passé de 78,10 % à 77,45 %, soit une baisse de 0,65 %. En milieu rural, il va de 55,05 % et 55,80 %, soit une hausse de 0,75 %.
Il ressort de ces résultats que le pourcentage des moyennes variant entre 0 et 5 est en faveur des scolarisé·e·s en milieu rural. En revanche ceux et celles qui évoluent dans le milieu urbain n’en profitent que peu. De plus, le pourcentage des moyennes générales (MG) qui varient entre 5 et 10 profite aux élèves du milieu rural contrairement à ceux et celles du milieu urbain qui en ont légèrement tiré profit. En somme, cette analyse nous montre que l’application de la PI en 2011 n’a pas influencé de manière significative le pourcentage des MG des élèves. Ces résultats ne dépendent pas uniquement de la comparaison des moyennes générales obtenues par les élèves, que ce soit en milieu rural ou urbain, mais ils s’expliquent aussi par la hausse de l’effectif des élèves et des matières enseignées.
En effet, en milieu rural, l’effectif des élèves inscrits est passé de 13 680 en 2009 à 15 666 en 2011, soit une hausse de 1 986 élèves. En milieu urbain, nous remarquons une stagnation de l’effectif qui est passé de 12 130 en 2009 à 12 654 en 2011, soit une légère hausse de 524 élèves. De plus, il faut signaler que la nature des matières enseignées impacte aussi les résultats de l’analyse. Pour cette raison, nous voulons souligner les résultats obtenus en 2009 et en 2011 tout en précisant les moyennes obtenues dans les matières suivantes : l’arabe, les mathématiques et le français.
Cas de l’arabe
Le pourcentage des moyennes générales MG obtenues en langue arabe variant entre 0 et 5 points a diminué de 10 % puisqu’en 2009 56,99 % ont été enregistrés face à 46,89 % obtenus en 2011. Tenant compte de ce même paramètre, nous remarquons que dans le milieu urbain le pourcentage des moyennes a diminué de 7,29 % (de 38,43 % en 2009 à 31,14 % en 2011) et que dans le milieu rural ce pourcentage est passé de 73,44 % à 59,62 %, soit une baisse de 13,82 %. Quant aux moyennes qui varient entre 5 et 10, nous avons constaté une hausse de 10,10 % (une augmentation de 43,01 % à 53,11 %). Dans le milieu urbain, il y a une hausse de 7,29 % (de 61,57 % à 68,86 %) et dans le milieu rural elle est de 13,82 % (de 26,56 % à 40,38 %). Par conséquent, il nous est possible de penser que l’application de la pédagogie de l’intégration dans le processus de formation des élèves de la 6ème année du primaire a engendré une hausse significative des MG en langue arabe, notamment dans le milieu rural.
Cas des mathématiques
Concernant les moyennes obtenues en mathématiques, le pourcentage variant entre 0 et 5 est passé de 55,27 % en 2009 à 53,86 % en 2011, soit une baisse de 2,41 %. Plus précisément, une baisse de 2,82 % dans le milieu urbain et de 1,08 % dans le milieu rural. En revanche, les MG qui varient entre 5 à 10 points ont augmenté de 2,82 % dans le milieu urbain et de 1,08 % dans le contexte rural. Il ressort que la PI n’a pas influencé significativement les pourcentages des moyennes obtenues en mathématiques dans toute la région.
Cas du français
Nous comparons, à ce niveau, les moyennes générales suivant deux fourchettes : les moyennes variant entre 0 et 5 sur 10 et celles variant entre 5 et 10 sur 10. Dans les deux cas, nous vérifions si ces moyennes ont augmenté ou diminué, d’abord au niveau régional de manière générale, ensuite au niveau local (rural ou urbain, campagne ou ville). Concernant le français, le pourcentage des moyennes générales, situées entre 0 et 5 sur 10, dans toute la région, a augmenté de 11,35%, avec une augmentation de 11,38 dans les villes et une hausse de 11,33 dans les compagnes. Ene milieu urbain, nous avons pu enregistrer une hausse de 11,38 % et une augmentation de 10,33 %.
Parallèlement, le pourcentage des moyennes situées entre 5 et 10 a diminué de 11,35 % au niveau régional, soit 11,38 % dans les villes et 10,33 % dans le milieu rural. Il ressort alors que la moyenne générale en langue française a diminué considérablement. Il semblerait que l’application de la PI a impacté négativement les résultats des élèves dans cette matière d’enseignement.
La confrontation des résultats de l’arabe à ceux du français nous permet de constater que l’impact positif de la PI sur les résultats des élèves est plutôt repéré dans le milieu rural pour l’arabe et négatif pour les résultats de français que l’on soit en milieu rural ou en milieu urbain. Il se peut que ces résultats soient influencés par d’autres facteurs. C’est pour cette raison nous avons recueilli des informations complémentaires auprès des enseignant·e·s.
Analyse du questionnaire
Pour compléter notre analyse et ouvrir d’autres pistes d’interprétation des résultats obtenus, nous avons eu recours à un questionnaire que nous avons administré à un échantillon de 64 enseignant·e·s sur un total de 640. Ces enseignant·e·s représentent un échantillon de 10 %. Nous les avons choisi·e·s dans différents établissements de la région répartis équitablement entre le milieu rural et le milieu urbain, soit 32 établissements pour chaque zone. Chaque établissement est représenté par 2 enseignant·e·s : un·e enseignant·e d’arabe et un·e autre de français.
La question n° 3 du questionnaire « Avez-vous bénéficié de la session de formation concernant la PI? » nous permet de constater que 100 % des répondant·e·s ont bénéficié de la formation spécifique à la pédagogie de l’intégration. Concernant leur degré de satisfaction à l’égard de la disponibilité des formateurs et formatrices et à la qualité des contenus de la formation, la majorité des réponses varie dans l’échelle d’appréciation – composé de 4 niveaux – entre le niveau 2 (plutôt satisfait) et le niveau 3 (satisfait). 55,88 % de ces mêmes répondant·e·s affirment n’avoir jamais bénéficié d’un suivi (inspecteur ou inspectrice, directeur ou directrice) lors de l’opérationnalisation de la PI en classe. 23,52 % ont eu droit à une seule visite dans le cadre du suivi et uniquement 8,82 % ont bénéficié de quatre visites.
La question n° 6 nous permet de comprendre que les enseignant·e·s manquent d’encadrement au cours de l’application de la PI en classe. La question n° 10 montre que 79 % des répondant·e·s appliquent les modalités de la PI réservées aux deux semaines d’intégration à savoir l’investissement des situations d’intégration à travers les grilles d’exploitation, les grilles de vérification, les grilles de correction et les étapes de la remédiation.
Ces données montrent qu’il y a une difficulté chez les enseignant·e·s à mettre en pratique le cadre méthodologique de la pédagogie de l’intégration. Cela peut être justifié partiellement par le fait que la mise en œuvre de ce projet était à ses débuts. D’autre part, une assistance auprès des enseignant·e·s en classe paraît nécessaire pour réussir l’opérationnalisation dans le milieu scolaire. Les résultats des M.G des élèves qui ont permis de révéler un faible impact de la PI sur le rendement scolaire des élèves peuvent être expliqués en partie par une mise en œuvre timide de la PI.
Par ailleurs, la question n° 11 concernant la motivation des élèves par les situations d’intégration proposées aboutir sur les résultats suivants : 64,70 % des répondant·e·s affirment que les élèves sont démotivé·e·s entre autres par ces situations à cause de leur aspect difficile. Corrélativement, 52,94 % des enseignant·e·s affirment que leurs élèves voient que les semaines d’intégration ne correspondent pas à un moment d’apprentissage. Par rapport à la question n° 2, il ressort que les répondant·e·s voient que les élèves progressent mieux dans le cadre de la PI en arabe et un peu moins dans les mathématiques. Par contre, le français enregistre une baisse de performance.
Il nous semble, compte tenu de ces résultats, que l’encadrement et le suivi des enseignant·e·s en classe peuvent permettre de tirer profit de la PI. Il est donc nécessaire de multiplier les moments de formation continue et de proposer aux enseignant·e·s des situations d’intégration compatibles aux milieux de leur intervention et aux contenus spécifiques à chaque niveau d’enseignement. Il paraît aussi judicieux de revoir les différentes grilles d’exploitation, de vérification et de correction afin de les rendre plus opérationnelles et accessibles aux enseignant·e·s compte tenu de l’effectif des élèves dans les classes et de leur performance réelle dans les différents niveaux d’enseignement.
Conclusion et suggestions
Nous avons essayé d’approcher l’impact de la pédagogie de l’intégration sur le rendement scolaire des élèves de la 6ème année du primaire dans la région Gharb Chrarda Bni Hsan. Dans cette étude, nous nous sommes basé sur la comparaison des pourcentages des moyennes générales dans la région en distinguant le milieu rural du milieu urbain et nous avons procédé de la même manière pour les matières arabe, français et mathématiques. Nous nous sommes limité à une approche comparative des années scolaires 2009 (avant l’application du projet de la PI) et 2011, année de généralisation de celle-ci.
Il ressort ainsi que les résultats en arabe se sont améliorés significativement en 2011. Ceux des mathématiques ont marqué une légère hausse. En revanche les moyennes générales du français ont baissé considérablement dans le milieu rural comme dans le milieu urbain. Cette disparité dans les résultats a fait que les pourcentages des moyennes générales de toutes les matières sont restés presque identiques en 2011. Ceci laisse penser que la PI n’a pas un effet positif sur les résultats des élèves dans cette première année de généralisation dans la région.
Par ailleurs, les résultats des questionnaires montrent que les enseignant·e·s rencontrent des difficultés dans l’opérationnalisation de la PI. Il paraît que les élèves ne perçoivent pas l’apport des semaines d’intégration à cause des exigences des situations d’intégration et du rapport entre celles-ci et les apprentissages ponctuels.
Notre étude peut prétendre à une certaine pertinence du fait qu’elle permet d’apporter des informations sur le degré d’impact de la pédagogie de l’intégration sur la scolarité des enfants du primaire. Elle contribue à mieux comprendre l’état d’avancement du projet relatif à l’instauration de la pédagogie de l’intégration dans la région. En outre, elle apporte des suggestions, compte tenu des résultats obtenus, pour dépasser certains problèmes entravant la réalisation du projet. Il n’en demeure pas moins qu’elle reste limitée à quelques variables dans la mesure où d’autres paramètres peuvent entrer dans l’explication de certains résultats. Il faut par ailleurs noter les difficultés liées à la collecte des informations et de la mise en rapport des résultats des questionnaires avec les moyennes générales. On soulignera aussi le fait que les résultats peuvent être biaisés par le choix d’un seul niveau scolaire. L’on ne saurait donc prétendre à leur généralisation. De même, le caractère subjectif des réponses apportées au questionnaire peut à son tour influencer négativement les résultats obtenus, car il n’existe pas un véritable moyen de contrôle de la véracité des propos des répondant·e·s. Il aurait aussi été intéressant de comparer deux populations, l’une expérimentale et l’autre témoin, pour mieux contrôler l’effet de la pédagogie de l’intégration sur le rendement scolaire des élèves au primaire d’autant plus que le projet de la PI est encore à sa phase initiale.
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