Perspectives sur la décolonisation des savoirs de l’eau dans un contexte français
Jacques-Aristide PERRIN et Jamie LINTON
Introduction
Les savoirs détiennent un rôle clef dans la production de l’environnement puisqu’ils fondent, légitiment et cadrent l’action publique (Carolan, 2006). Dans une schématisation simplifiée et linéaire de l’action publique, la mobilisation des savoirs interviendrait d’abord pour appréhender et diagnostiquer un problème public émergent ou reconnu, ensuite dans la constitution d’une proposition d’action, enfin dans les discours de légitimation et de communication. Aussi, en matière d’environnement, le savoir de gouvernement (Innerarity, 2015), au sens d’un ensemble de savoirs servant à exercer un pouvoir de décision, est stratégique pour déterminer quels éléments sont légitimes en vue de guider l’action et de contribuer à ce que doit demeurer ou devenir l’environnement. Il en découle des enjeux à la fois sur le crédit accordé aux savoirs de gouvernement et sur « la représentativité technico-scientifique de l’expertise » (Granjou, Mauz et Cosson, 2010, paragr. 27) à privilégier pour décider comment gouverner les savoirs au sein d’une société.
Partant, ces savoirs prennent place dans un jeu institutionnel composé d’acteurs qui assurent des rôles différents comme agrégateur, commanditaire, fournisseur, financeur, producteur, utilisateur ou vulgarisateur. Pour autant, cette typologie fonctionnelle ne dit rien sur les facteurs de sélection d’un savoir appelé à être mobilisé ou écarté pour la prise de décision, sur les rapports des acteurs à une institution, un réseau ou une communauté, sur le contexte dans lequel un savoir a été produit ou transmis. Le besoin de disposer d’informations contextuelles justifie l’importance d’adopter une approche qualitative de manière à pouvoir expliquer la relation entre un savoir de gouvernement et le gouvernement du savoir. À cet égard, il faut se plonger dans le cœur des savoirs pour saisir ce qui les distingue et les apparente du point de vue des acteurs qui les produisent et les mobilisent. Sans prendre part au processus de leur hiérarchisation, ce travail intermédiaire permet alors de montrer quelles sont les plus-values de tous les savoirs et l’utilité de capitaliser sur cette diversité des savoirs pour gouverner les enjeux environnementaux.
Pour cela, une définition large du savoir est nécessaire en tant que relation active et évolutive pour appréhender, saisir et agir sur un milieu. Un savoir comprend des manières de faire/de penser et découle de processus cognitifs (apprentissage, application), pratiques (savoir-faire, savoir incarné/incorporé) et corporels (Merculieff, 2002). En postulant que le savoir n’est pas un « savoir de » quelque chose, mais un savoir « à partir de » ce quelque chose, cette définition s’écarte à la fois des acceptions purement théoriques et de celles qui différencient les connaissances individualisées des savoirs cumulables. Dans la présente analyse, nous recourons à cette acception dynamique du savoir en raison de l’attention portée au rapport d’un acteur au monde qui l’entoure, à la perception des phénomènes qu’il observe dans son environnement. Cette définition rend possible d’effectuer un pas dans la compréhension de la différence entre un savoir dit local, vernaculaire, profane, empirique ou citoyen et un savoir scientifique afin de ne pas nous contenter du seul critère de l’origine du producteur/détenteur de savoir et de saisir quels sont les rapports différents aux savoirs et à un environnement qui nous permettent in fine d’identifier les fondements de leur distinction et d’expliquer la légitimation du seuil du domaine dit scientifique.
À cette fin, nous nous sommes inspirés du travail d’Haraway (2007) pour qui le savoir n’existe pas indépendamment d’une qualification de ce savoir (scientifique, local, militant…) et dépend de la posture d’un acteur vis-à-vis de son savoir aussi bien que les savoirs dits objectifs doivent être considérés comme une forme de revendication. De fait, cette approche nous invite à parler de savoir situé (au sens de contextualisé) en tant que perspective partielle qui implique de reconnaître les choix effectués qui ont construit ce même savoir. Appréhender un savoir de telle manière est la condition pour que leur mise en relation permette à l’analyse d’une situation de gagner en objectivité. Cette approche des savoirs par l’analyse du discours et la transparence de l’histoire des savoirs répond à l’écueil des normes du vrai et de l’irréfutable aussi bien que, à l’instar d’Arturo Escobar, nous adoptons « une position éthico-politique qui ne peut être démontrée comme vraie, mais plutôt éprouvée et vécue dans ses implications pratiques et politiques » (2018, p. 131). Elle suppose de produire une critique de l’episteme moderne dominante pour démontrer comment un savoir est produit à partir de quelque chose et d’une histoire. De manière complémentaire, notre reconnaissance de la validité des savoirs objectivés et des savoir-faire renvoie à l’absence de séparation entre la perception et la cognition dont rend compte Ingold dans ses travaux. Cet anthropologue développe l’idée de « lieux habités » (2000) et d’« écologie du sensible » (2013) dans lesquels prennent place les savoirs, au sens d’un mode perceptuel et pratique qui engage l’individu dans ses actions quotidiennes, contrastant avec les approches du savoir centrées sur le désintéressement et le détachement. La figure 1 rend compte de manière imagée de la distinction épistémologique entre les savoirs objectivés et les savoir-faire dans un environnement. Il révèle une logique relationnelle par laquelle un individu agit sur l’environnement, non pas en opposant un intérieur à un extérieur, mais au travers d’un enchevêtrement de ses propres activités liées au fonctionnement de ce même environnement.
Une telle approche par les savoirs s’explique par une ambition de restituer une certaine justice cognitive dans les savoirs de gouvernement de l’environnement afin de favoriser plus de diversité et de dialogue. Par justice cognitive, il faut entendre « l’égalité en valeur de tous les savoirs humains, qu’ils soient ou non scientifiques, pour assurer un développement social durable » (Visvanathan, 2009, en ligne, notre traduction). Tenant compte des arguments présents dans la littérature scientifique sur l’intérêt de valoriser tous les savoirs, nous voulons déconstruire les processus de sélection des savoirs au travers d’une approche territoriale sur les savoirs de l’eau que nous avons appelée science territoriale.
L’approche de la science territoriale consiste, d’une part, à rendre compte des mécanismes qui génèrent la production des savoirs à partir de ce territoire et, d’autre part, à favoriser la mise en relation de ces savoirs au sein même de ce territoire. L’idée est de rapporter la diversité des savoirs de l’eau sur un territoire donné et d’identifier comment profiter au mieux de cette diversité au service des pratiques des institutions qui gouvernent les cours d’eau en France. Une science territoriale ambitionne de maximiser la pratique de partage et d’échange des savoirs différents avec comme bénéfice attendu d’encourager les acteurs de savoir à complexifier le regard sur leur territoire, comprenant parfois une pluralité de manières de le comprendre. Elle consiste finalement en la reconnaissance et la confrontation des savoirs d’un territoire et non en une science à proprement parler. Nous avons supposé que valoriser cette diversité et capitaliser sur ces apports permettraient à la fois de mettre en perspective les convergences et les différences entre ces savoirs, mais aussi de décoloniser par étapes la domination des savoirs dits scientifiques.
Pour concevoir cette approche territoriale visant à limiter une domination épistémique et les effets de la hiérarchisation des savoirs, nous avons trouvé l’inspiration du côté de la géographie des savoirs, c’est-à-dire une analyse spatiale des pratiques de production et d’usage des savoirs qui prend en compte les lieux et leurs significations. Les relations entre les savoirs et l’espace permettent de révéler « how local particularities shape the ways scientific theories are encountered, mobilized, or discarded » (Livingstone, 2003, p. 15). Notre terrain d’étude est le bassin versant de la Dordogne qui a pour caractéristique de disposer d’une grande superficie (24 000 km2) et de traverser trois régions françaises (Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine, Occitanie). Recouvrant un territoire d’Est en Ouest allant du Massif Central à l’Atlantique, il se structure autour de la rivière-fleuve Dordogne et de ses nombreux affluents et sous-affluents.
Du point de notre méthode de recherche, nous sommes partis d’un travail d’enquête en recensant l’ensemble des manifestations de savoirs (support de savoir transmissible à d’autres acteurs que leur détenteur) produits entre 1980 et 2018 sur ce territoire. Un travail bibliométrique et d’inspection des archives dans les principales bibliothèques situées dans le bassin versant de la Dordogne a été mené. L’exhaustivité de cet inventaire étant limitée en raison de l’absence d’une plateforme qui indexe toutes les publications, il s’agit d’un travail qui demande du temps pour rechercher manuellement (à partir de chaque objet d’étude et chaque institution identifiée) chaque manifestation de savoir. En matière de gestion des eaux, ces manifestations de savoir interviennent dans de nombreux sujets tels que les formes de pollution, l’aménagement et le dés-aménagement des cours d’eau, les mesures en faveur de la biodiversité, la lutte contre les effets du changement climatique, les inondations… Malgré la mise en place d’un cadre accueillant la diversité des savoirs, cette approche présente un certain nombre de limites dont le fait qu’elle étudie uniquement les manifestations de savoir formalisées (écrits, enregistrés ou filmés), ce qui peut poser problème dans le cas de valorisation des savoirs qui ne reposent pas sur un support de transmission formelle. Par ailleurs, les catégorisations (types d’acteurs, objets d’étude) auxquelles nous avons recouru, le choix de la langue ou les spécificités de chaque territoire invitent à adapter les enjeux de justice cognitive aux conditions locales de leur réalisation.
Avant de présenter plus en détail la méthodologie et les résultats de cette approche, nous tenons à expliciter le contexte scientifique et gestionnaire dans lequel s’est inscrite notre ambition de contribuer à la justice cognitive des savoirs de l’eau en France.
La place stratégique des savoirs dans la production des cours d’eau
Robert King Merton (1949) relevait déjà en son temps le fait que le terme knowledge, traduisible à la fois par savoir et connaissance en français, est ambigu. Ce terme peut revêtir « des contenus fort différents, voire opposés, par exemple la conscience, la compréhension, la représentation, l’intuition, le sentiment, les sensations » (Busino, 2007, p. 57-58). Un savoir peut ainsi autant nommer des éléments de savoir en tant que tels que des processus cognitifs et pratiques.
Une expertisation qui hiérarchise les savoirs et invisibilise les savoirs dits locaux
Cette plasticité du terme « savoir » s’ajoute au fait qu’il existe un nombre très important de qualificatifs des savoirs. À partir de la littérature académique, nous les avons recensés et classés[1] pour montrer la richesse des dénominations.
Tableau 1. La dénomination des types de savoirs dans la littérature scientifique
Il importe ainsi d’ouvrir la catégorie « savoir » pour montrer ce qui rapproche et distingue deux de ces dénominations, à savoir les savoirs scientifiques et locaux. Ces derniers, parfois en quête de « reconnaissance » (Barthélemy, 2005), sont souvent présentés comme relevant de l’expérience vécue ou liée à l’acquisition d’« une série d’unités d’informations possédées par celui (ou celle) qui met en œuvre ce savoir […] par une mise en cohérence interne des unités d’informations et sa mise en acte est un mouvement » (Collignon, 2005, p. 323). Aujourd’hui, à la suite des campagnes scientifiques, ils peuvent être archivés (Agrawal, 2002) dans des bases de données et appréciés comme compléments soumis à la validation scientifique par d’autres savoirs jugés plus rigoureux. Au travers de ces processus de décontextualisation et de dénaturalisation, ces savoirs sont extirpés des lieux dans lesquels leur signification est présente. Cet écart entre les savoirs produits pour et par les lieux habités et les savoirs mobilisés au nom de la gestion est renforcé par un phénomène d’expertisation des savoirs (Petit et Barataud, 2015) basé sur un modèle impersonnel de la science, détaché des contextes de lieu et de temps, marqué par l’objectivité et représenté par une « rupture épistémologique » (Bachelard, 1938) avec l’expérience quotidienne.
Du fait d’une technicisation des savoirs et de cette expertisation, une certaine forme de violence épistémique peut intervenir amenant à penser que les acteurs non professionnels qui vivent dans un environnement situé ne disposent pas eux-mêmes de savoirs ou ont recours à des savoirs illégitimes avec pour effet que les détenteurs de savoirs dits locaux soient ignorés, non mobilisés ou considérés comme de simples compléments à d’autres savoirs. La technicisation peut également être un frein à la politisation des enjeux et à la promotion de la diversité, participant à une hiérarchie implicite entre les savoirs au bénéfice des savoirs dits scientifiques. Notre « effort de décolonisation épistémique » (Sarna-Wojcicki, Perret, Eitzel, Fortmann, 2018) des savoirs de l’eau en France est un défi pour parvenir à s’extirper de l’épistémologie de la science dominante marquée par certains dualismes structurants tels que corps-esprit (embrained knowledge-embodied knowledge), raison-intuition, observation-sensation, universel-particulier, masculin-féminin, réalité matérielle-représentation mentale. Il en découle une pensée dualiste structurée qui favorise l’abstraction et décourage les initiatives cherchant à relier les savoirs, aussi différents soient-ils.
Cette ambition de mettre en rapport les savoirs se concrétise par la mise en lumière du contexte de production d’un savoir. La compréhension du contexte de la production d’un savoir demande d’identifier préalablement un certain nombre d’éléments :
- la géographie du savoir (objet d’étude et d’action en question, localisation);
- l’épistémologie du savoir (histoire institutionnelle, les manières de rechercher et les méthodes de production des savoirs en termes d’apport heuristique et/ou d’enjeux pratiques);
- le rapport au savoir et à l’objet d’étude (située dans l’espace) puisque nous considérons qu’un savoir est produit à partir de quelque chose;
- les intentions initiales.
Cette figure déconstruit chacune des dimensions d’un savoir, correspondant en quelque sorte à sa carte d’identité, en mettant en lumière des éléments sur son contexte et son contenu. Cette transparence renvoie à la position sur l’objectivité d’Haraway selon laquelle tous les savoirs sont situés et renvoient à des discours sur leur qualification. Cela permet ainsi de rendre compte des diverses manières de se situer par rapport à une pratique, un espace et à un savoir et de sortir de la passivité d’un savoir que l’on ne ferait que recevoir. Elle répond également à un enjeu soulevé par le tournant ontologique des sciences sociales, touchant fortement l’anthropologie (Dianteill, 2015) et la géographie, au sens d’un déplacement des questions d’ordre épistémologique autour du savoir vers celles de l’être et des théories de l’existence (Henare, Holbraad et Wastell, 2006). Se conformer à la transparence répond à une exigence de la colonialité du savoir (Lander, 2000; Grosfoguel, 2007) en tant que première étape d’émancipation pour éclairer une episteme du passage du « savoir de quelque chose » au « savoir à partir de quelque chose ». La revalorisation des savoirs dits locaux passe ainsi par une meilleure confrontation avec ce qui les distingue des savoirs scientifiques en invoquant la démarche analytique, la relation entre expérience et théorie ou encore les parts discursive, située et vécue du savoir.
Enjeux de mise en pratique de la diversité des savoirs de l’eau en France
Alors que le nombre de publications n’a jamais été aussi élevé, posant au passage des problèmes d’attention (Della Briotta Parolo et al., 2015) et de temps pour considérer cet afflux de travaux, l’hégémonie des savoirs scientifiques (Krishna, 1996) provient des pratiques historiques des systèmes administratifs des États modernes (Scott, 1998) qui, par leur regard uniformisateur, accordent une préférence à ces savoirs (techniques, scientifiques) au détriment de la diversité locale. Scott a utilisé le terme « lisibilité » pour décrire les moyens et les méthodes par lesquels l’État a cherché – directement ou indirectement – à faire le point sur les caractéristiques de l’environnement naturel. De telles méthodes sont celles qui rendent l’eau « lisible » pour satisfaire son ambition de la maîtriser. Malgré une variété d’efforts et d’approches développées pour intégrer différents savoirs dans les processus de gestion de l’eau, cette forte orientation structurelle vers les savoirs/connaissances techniques et scientifiques se prête à des fins instrumentales (Krueger et al., 2016) qui interrogent le gouvernement du savoir. Aussi, notre analyse entend reconsidérer aussi bien les savoirs scientifiques de manière non hégémonique pour protéger et valoriser la diversité des savoirs que les pratiques institutionnelles au cœur de leur hiérarchisation. Nous relevons plusieurs enjeux ayant trait à la mise en pratique de la diversité des savoirs et à ces pratiques de décision à privilégier.
D’une part, l’utilité que pourrait présenter le fait d’intégrer plusieurs types de savoir (en termes d’origine, de contexte, d’intérêt, d’échelle et d’approche, etc.) dans les savoirs mis à disposition pour gouverner les cours d’eau se situe à différents niveaux. Le premier niveau est éthique en tant que droit à être reconnu, à participer, à s’engager et à s’exercer sur le plan du savoir. Cet enjeu éthique renvoie au besoin d’être reconnu comme acteur et de déployer sa « citoyenneté scientifique » (Piron, 2010). De telles initiatives rompraient avec les injustices épistémiques en tant qu’incapacités « à faire valoir leur statut de personnes fiables et compétentes en matière de production et de transmission des connaissances » (Medina, 2013, p. 28). Le respect de cette forme de justice répond à une exigence démocratique extensive sur le plan du savoir à même d’éviter la concentration d’un « savoir-pouvoir » unique, au sens d’une manière particulière et exclusive de comprendre quelque chose, au profit d’une variété de « pouvoir-savoir » (Foucault, 1975). Recourir à une diversité de savoirs et de types de détenteur favoriserait la discussion sur les savoirs devant être mobilisés pour l’action, à l’inverse de l’effet des boîtes noires.
Le deuxième niveau est heuristique et concerne la production même d’un savoir. Lorsque plusieurs détenteurs de savoirs sont amenés à travailler ensemble,
cette mise en commun de savoirs et de connaissances diverses doit être conçue comme un assemblage épistémique dont toutes les facettes sont également offertes à l’appréciation de l’ensemble des parties prenantes par chacune de ces dernières en ce qui concerne son domaine de compétences. […] L’assemblage épistémique propre à cette conception de l’expertise sociotechnique est d’autant plus souhaitable que nos sociétés fondées sur la connaissance se veulent innovatrices. À cette fin, elles cherchent à exploiter les gisements de créativité existant parmi l’ensemble des acteurs, ainsi qu’à instaurer des conditions favorables à l’émergence de gisements inédits. […] La raison pratique de cette fécondité se trouve dans la rencontre de contenus, méthodes et pratiques scientifiques, qui provoquent une fertilisation croisée de savoirs pluriels autour d’un même objet (Ancori, 2012, p. 219).
La richesse des échanges dans la production des savoirs entre des acteurs différents répond à la fois au défi de la sur-spécialisation disciplinaire (Lahire, 2012) et à celui de l’enjeu heuristique de chaque recherche qui peut s’appuyer sur des assemblages épistémiques pour reprendre le mot de l’auteur de la citation en amont.
Le niveau pratique se matérialise en termes de qualité de gestion. En effet, l’apprentissage par l’échange et l’expérimentation est une voie possible pour répondre à l’enjeu de « situational legitimacy » (Jasanoff et Martello, 2004) et au hiatus entre les savoirs dits théoriques et les « savoirs actionnables » (Avenier, Schmitt, 2007) mobilisés sur le terrain. Les relations entre les savoirs et la gestion relèvent de configuration, laquelle dépend elle-même de la volonté des acteurs institutionnels de s’ouvrir à d’autres acteurs de savoirs.
D’autre part, les pratiques institutionnelles des acteurs, qui décident de mobiliser les savoirs du gouvernement de l’eau, sont au centre des processus démocratiques du management des savoirs (Mbengue, 2004). Elles relèvent de plusieurs échelons : européen, national, par agence de l’eau et des niveaux plus locaux avec plusieurs formes d’établissements publics de coopération intercommunale comme les établissements publics territoriaux de bassin, les syndicats de rivière et les collectivités territoriales qui disposent de compétences grandissantes en matière de gestion de l’eau. Ces mêmes acteurs disposent de plusieurs rôles en rapport avec les savoirs : ils peuvent ainsi commander, financer, encadrer, mobiliser ou produire par eux-mêmes des études servant leurs missions. C’est pourquoi, dans la quête de compréhension des stratégies de mobilisation des savoirs permettant de concrétiser une justice cognitive, il convient d’entrer dans la complexité des relations entre les savoirs et la gestion en sortant des dualismes structurants acteur/décision, savoir/application, fait/valeur (Latour, 2012). Cette complexité revient à s’attacher aux processus de sélection à travers :
- leur circulation /transmission (dans des réseaux, par le truchement de cultures épistémiques et de communautés épistémiques…);
- la justification formulée favorisant la légitimation d’un savoir;
- sa finalité (mission académique, aide à la décision, suivi de données, réalisation d’un diagnostic…).
Au niveau du bassin versant de la Dordogne, nous avons réfléchi à la concrétisation de ces enjeux de reconnaissance des savoirs dits locaux et à la manière de rendre plus transparent leur devenir dans le processus de prise de décision.
La science territoriale : apports et limites à la décolonisation des savoirs
La science territoriale a été conçue comme un outil méthodologique capable de donner un aperçu général des grandes tendances de la production des savoirs recensés. Il peut servir, sur un plan heuristique, à mettre en perspective toutes les manifestations liées à l’eau sur le territoire d’étude du bassin versant de la Dordogne. Enfin, il peut soutenir la gestion des savoirs d’un territoire en favorisant la discussion à partir de la diversité des savoirs recensés. Nous allons à présent expliciter ces trois dimensions plus en détail.
Une approche de la science territoriale qui ouvre la boîte noire du gouvernement des savoirs
Après avoir inventorié les manifestations de savoir, nous les avons classées en fonction de leur provenance, des acteurs et actrices dit·e·s académiques (universités, centres de recherche), des acteurs et actrices dit·e·s professionnel·le·s (gestionnaires, bureaux d’étude, consultant·e·s, conservateurs et conservatrices de musée…), des acteurs et actrices dit·e·s citoyen·ne·s (individus isolés, société civile, sociétés savantes) et d’acteurs et d’actrices en formation (stagiaires, projet tutoré d’étudiant·e·s). Aussi, nous avons recensé un peu plus de mille manifestations réparties ainsi qu’il suit.
En référençant les manifestations de savoir entre 1980 et 2018, les résultats de l’approche de la science territoriale donnent à voir un panorama des savoirs formalisés sur ce territoire de l’eau. Il permet de croiser les données dans le temps et l’espace entre les types d’acteurs[2] et les objets d’étude.
Tableau 2. Les objets d’étude les plus étudiés par catégorie d’acteurs
Les différences entre les acteurs ou actrices académiques et professionnel·le·s sont assez minces en termes d’objet d’étude tandis que les citoyen·ne·s ont produit des manifestations sur des objets d’étude bien différents. Ces dernier·e·s ont préféré se concentrer sur le patrimoine qui représente l’histoire de leurs territoires à l’instar des moulins, des ponts, des fontaines, des lavoirs ou encore des paysages. L’histoire de la navigation est également particulièrement travaillée.
Nous pouvons constater le nombre croissant de manifestations au fil des décennies tous acteurs confondus. La même dynamique est visible pour chaque type d’acteurs.
La figure 6 rend visible le fait que les acteurs et actrices académiques ont beaucoup travaillé sur les estuaires et sur la rivière Dordogne, ce qui s’explique par la spécialisation zonale de deux équipes de recherche depuis près de trente ans : IRSTEA (devenue INRAE en 2020) et l’Université Bordeaux I. Les manifestations des acteurs et actrices professionnel·le·s sont plutôt bien réparties sur le bassin avec certes un nombre substantiel de manifestations sur la rivière-fleuve Dordogne en raison d’un fort intérêt pour les barrages, les éclusées et les poissons migrateurs. Concernant les citoyens·ne·s, nous faisons remarquer que le choix de s’intéresser à tel territoire ou telles eaux est plutôt varié et dépend beaucoup des dynamiques locales portées par des associations ou sociétés savantes mobilisées.
L’analyse croisée des données permet de faire une analyse comparative pour identifier les convergences et les différences entre les manifestations des acteurs. Au sujet des collaborations entre les types d’acteurs, nous avons dénombré 31 collaborations (avec pour critère le fait de se présenter comme co-auteur) entre des acteurs et actrices académiques et professionnel·le·s qui ont donné lieu à 36 manifestations. Ces acteurs et actrices professionnel·le·s présentent un profil diversifié avec les acteurs associatifs, les bureaux d’études, les fonctionnaires d’État ou issu·e·s des collectivités territoriales, ainsi que de grosses entreprises (Total, EDF). En revanche, nous n’avons pas comptabilisé de collaboration entre les acteurs et actrices académiques/professionnel·l·s et les citoyen·ne·s. D’une part, l’absence de projets de science participative en rapport avec l’eau sur ce bassin versant peut constituer un facteur explicatif. D’autre part, les manifestations des citoyen·ne·s ont été réalisées tantôt dans le cadre d’une démarche individuelle, tantôt en lien avec une structure très spécialisée et des ambitions localisées. En croisant ces résultats, une certaine interrogation émerge quant à une éventuelle répartition (non prévue, inconsciente ou délibérée) des savoirs par territoire de l’eau entre les acteurs et actrices académiques et professionnel·le·s. Les exemples des eaux de l’estuaire (acteurs et actrices académiques) ou des eaux à proximité des barrages (acteurs ou actrices professionnel·le·s) le laissent penser.
Si, du point de vue quantitatif de l’inventaire, des déséquilibres existent entre disciplines, objets d’étude et acteurs producteurs, il y a malgré tout une diversité de manifestations et une dynamique positive et durable dans le temps dont les gestionnaires peuvent tirer profit pour renforcer les échanges entre les détenteurs de savoir. Par conséquent, cette analyse quantitative a apporté des éléments d’identification des forces en présence et de compréhension sur les dynamiques, mais elle ne dit rien sur la manière de favoriser une justice cognitive et une décolonisation des savoirs.
Par la suite, en nous intéressant à la mobilisation de ces manifestations, nous avons reconstruit le cheminement de certaines d’entre elles mobilisées ou non dans la gestion de ce territoire. Cela nous a permis de modéliser le processus de sélection de savoirs qui permet d’expliquer pourquoi certains savoirs sont légitimés et/ou mobilisés pour la gestion.
Le schéma 7, qui part des manifestations de savoir, montre que lorsque les savoirs sont formalisés, transmissibles et accessibles, ils peuvent être légitimés et mobilisés à la condition de remplir un certain nombre de facteurs-critères. Ces facteurs, aussi bien structurels que contextuels par rapport à l’enjeu ou aux caractéristiques du savoir, mettent ainsi en évidence l’importance de l’histoire d’un savoir (financement, commande), le rôle de la confiance et des réseaux dans la circulation des savoirs, le poids du registre du savoir (discipline, formation du producteur, légitimé…). Lorsque des savoirs sont légitimés, ils peuvent jouer des rôles directs ou indirects et participer activement au gouvernement du territoire. Cela est manifeste pour les savoirs dits académiques et professionnels sur les barrages ou la biodiversité. À l’opposé, dans le cas où des savoirs ne sont pas légitimés comme sur les petits ouvrages hydrauliques ou les inondations, les facteurs identifiés peuvent expliquer le pourquoi. Aussi, ces facteurs tiennent un rôle clef dans l’éventuelle hiérarchisation des savoirs qui pose les enjeux de réseaux de savoirs et de capacité d’ouverture à la diversité des savoirs. La difficulté d’une telle entreprise d’étude de circulation des savoirs est d’être en capacité de réaliser une étude de cas fine manifestation par manifestation pour expliquer la prépondérance de certains facteurs par rapport à d’autres.
Cette vue d’ensemble doit gagner en clarté grâce à une analyse plus qualitative pour saisir les processus et moteurs qui ont favorisé ce panorama de savoirs. Pour cela, nous avons réalisé une vingtaine d’entretiens[3], lancé un questionnaire[4] et organisé un atelier participatif[5] afin de mieux contextualiser la production et la mobilisation des savoirs des acteurs étudiés. Symboliquement, par rapport à notre approche par les savoirs, nous avons sélectionné les participants en fonction de leur appartenance aux trois catégories d’acteurs pour nous différencier des pratiques de participation basées sur la représentation de divers intérêts ou d’enjeux.
Cet intérêt porté à la diversité des savoirs comporte plusieurs avantages selon les mots des acteurs citoyens et professionnels du bassin (recueillis entre avril et mai 2019 par questionnaire) :
s’intéresser à la diversité et aux différences de parcours et d’expériences; travail plus large à d’autres niveaux et échelles que mon périmètre; apporter ma pierre à l’édifice; prendre le temps de se pencher sur des sujets plus vastes et complémentaires; retour au local et aux savoirs locaux.
Concernant l’état des savoirs, nous avons remarqué une différence assez nette entre les producteurs et utilisateurs de savoir. Tandis que les premiers se situent souvent dans une optique de recherche et d’acquisition de données (voire d’expérimentation), les seconds estiment majoritairement que les savoirs actuels sur le territoire sont suffisants pour pouvoir le gérer et qu’il ne reste que quelques pratiques à perfectionner comme mieux faire connaître et compiler les données ou faciliter et valoriser les retours d’expérience.
À la question ouverte « pourquoi vouloir savoir quelque chose », les acteurs avancèrent les réponses suivantes classées de manière décroissante par nombre d’occurrences : une preuve d’attachement, la curiosité (« lié à mon attachement territorial, à mes origines », « pour le sujet », « appétence pour l’acquisition de nouveaux savoirs »), une marque de respect (« pour le milieu naturel et le patrimoine »), pour être utile en disposant de savoirs plus solides (« il ne suffit pas de dire que c’est joli, il faut savoir comment et par qui toutes ces merveilles sont parvenues jusqu’à nous et la préserver pour le futur »), partager, protester. La relation à l’objet d’étude est plurielle après analyse des réponses des acteurs. Les éléments les plus cités dans le questionnaire ont été une relation « directe », « concrète », « vécue ». Par catégorie d’acteurs, le terme « objectif » revient plus souvent chez les acteurs académiques et professionnels tandis que le terme « affectif » est davantage choisi par les citoyens. Cette analyse de contenu des discours formulés durant cette étape qualitative de la recherche permet de comprendre quelles sont les différentes relations entre le détenteur de savoir et l’objet d’étude, ainsi que les motivations de départ. En revanche, elle ne donne pas lieu à une caractérisation des facteurs associés à la relation du détenteur d’un savoir au connu. Dit autrement, la trop grande diversité et mixité des pratiques des acteurs étudiés (lecture, travail en laboratoire, prélèvement, instrumentation, observation visuelle, abstraction, recoupage d’informations, travail analytique…) rend difficile d’expliquer (hormis le statut et la fonction professionnels) pourquoi un acteur revendique un savoir scientifique ou local et ce qui le sépare durant l’acte de production, à l’exception du travail de vérification effectué par les pair·e·s dans la recherche académique.
Une approche qui demande à aller encore plus loin dans l’épistémologie et la compréhension des mécanismes de la hiérarchisation
La décolonisation des savoirs dominants servant à la gestion de l’eau implique de suivre de près le management des savoirs sur ce même territoire afin d’identifier comment réduire la domination des réseaux de savoirs épistémiques et déconstruire la hiérarchisation basée sur un prestige académique et technique. Ce management des savoirs consiste en un travail qui nous semble sous-estimé dans la gestion de l’eau et qu’il convient de penser pour installer sciemment la mise en place des dispositifs de production, de combinaison, voire de confrontation des savoirs. À cette fin, nous souhaitons présenter des pistes en tant que levier pour créer plus de passerelles entre les différents détenteurs de savoirs. Elles visent à favoriser un développement endogène et bottom up de la production et diffusion de savoirs à l’échelle locale.
La première proposition revient à bâtir une plateforme qui assurerait deux fonctions indispensables de manière à renforcer la science territoriale sur le bassin : rendre accessible d’une part l’ensemble des savoirs manifestés grâce à un travail de veille scientifique territoriale et de mise en ligne sur une plateforme et référencer et cartographier d’autre part les acteurs de manière à faciliter les prises de contact et la construction de projets. Nous justifions l’intérêt de cette plateforme par le fait que des territoires peuvent être morcelés en subdivision administrative donnant lieu à des réseaux de savoirs différents. Cette plateforme jouerait finalement le rôle de liant pour favoriser le travail collaboratif entre les différents détenteurs de savoir. La deuxième proposition consiste à mettre en place une boutique des savoirs (Savoia et al., 2017) pour recenser les demandes de réalisation d’études sur des sujets spécifiques (baignade, inondation, pêche, pollution, risques divers…) et, au besoin, construire des ponts entre les secteurs/spécialités/usages (santé, éducation, risques…). Aussi, une boutique des savoirs créerait l’interface entre tous ces acteurs et offrirait par conséquent l’opportunité à des citoyen·ne·s d’avoir recours et accès, de manière gratuite ou peu onéreuse, à la production de savoir sur les sujets qui les intéressent/inquiètent. Il s’agit d’un outil de démocratie pour déterminer ce qui mérite d’être mieux ou plus étudié.
Enfin, la troisième proposition a trait à l’installation d’une académie des savoirs pour chaque institution chargée de gérer l’environnement à un niveau local. Alors qu’en France certaines structures gestionnaires de l’environnement (Espaces Naturels Sensibles, Parcs Naturels Régionaux, Parcs Nationaux, réserves Biosphère) optent pour la mise en place de Conseils Scientifiques, une Académie des savoirs du territoire nous semble plus adaptée pour faire travailler ensemble les détenteurs de savoir. À l’instar des Conseils Scientifiques, cette instance de démocratie des savoirs réfléchirait à un bilan des manifestations de savoir produites, au rôle de ces savoirs dans la gestion, à l’identification de besoins de recherche, à la concordance de la stratégie de recherche avec l’identité du territoire. Mais une telle académie aurait pour particularité d’être composée d’un profil diversifié d’acteur non pas en fonction des disciplines académiques, mais des différents types d’acteurs de savoir (académiques, professionnels, citoyens) que nous avons étudié par l’intermédiaire de l’approche de la science territoriale.
Conclusion
Dans cet article, nous avons décrit l’approche de la science territoriale pour expliquer comment promouvoir un pluralisme épistémologique sur un territoire donné. L’approche de la science territoriale revient à s’intéresser aux ressorts de la diversité des savoirs au sein d’un territoire pour réfléchir à leur articulation de manière la plus utile pour les acteurs et pour la gestion d’un territoire. La science territoriale met au premier plan la dimension épistémique en permettant de partir du terrain et des forces en présence pour obtenir un panorama des savoirs d’un territoire.
Ce faisant, en réfléchissant à certains des fondements théoriques de cette approche, nous avons entrepris une analyse épistémique s’appliquant au projet plus large de la décolonisation des savoirs sur ce même territoire de gestion. Aussi, le projet que nous avons mené dans le bassin de la Dordogne représente une première étape limitée dans cette ambition symbolisée par l’idéal de justice cognitive. Au travers d’une analyse qualitative, nous nous sommes intéressés à la construction de chaque manifestation de savoir pour développer une grille d’analyse rendant compte de la contextualisation des savoirs recensés. Or, la multiplicité des rapports à étudier (aux savoirs, au territoire, à l’objet d’étude…) rend l’opération de recherche périlleuse. Les prochaines étapes et les pistes potentielles pour la continuer pourraient inclure une analyse plus approfondie des facteurs perceptifs et phénoménologiques associés à la production de différents savoirs. En effet, la relation du connaissant au connu pourrait être opposée entre des méthodes scientifiques objectives et des savoirs pratiques et locaux acquis par un engagement direct sur le territoire.
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- Certaines dénominations sont péjoratives tandis que d’autres sont valorisées par la langue française. Par ailleurs, certains savoirs peuvent correspondre à plusieurs des types de savoirs listés. ↵
- Nous ne faisons plus référence dans la suite de l’article aux acteurs ou actrices en formation, car ils ou elles ne sont pas à l’origine de leurs savoirs (commande du maître de stage). ↵
- Dans le détail, nous avons rencontré 12 acteurs citoyens, 9 acteurs professionnels, 3 acteurs académiques avec des questions sur leurs motivations, leurs réseaux de savoir et leurs rapports à l’objet d’étude et au territoire. ↵
- Ils ont été envoyés à destination d’autres producteurs de savoir que les personnes interrogées. Ces questionnaires ont connu un taux de réponse de près de 32 % avec 14 questionnaires retournés. ↵
- Organisés en juin 2019, une vingtaine d’acteurs (académiques, professionnels et citoyens) étaient présents. Cet atelier fut l’occasion de réfléchir collectivement à la diversité des savoirs liés à l’eau sur ce territoire et à déterminer comment les valoriser pour optimiser leurs mobilisations. ↵