Volume 2, numéro 1 – 2021 : VARIA
Présentation
Victorine Ghislaine Nzino Munongo
La pratique du développement durable dans l’entreprise renvoie à la conception de responsabilité. Cette dernière n’implique pas exclusivement le domaine économique et s’étend aux autres domaines à l’instar de l’environnement et du social. Ces domaines interagissent avec l’entreprise comme dans un écosystème (Boiral et Croteau, 2004). Il en découle une influence mutuelle réelle ou potentielle. Cette approche du développement durable au sein de l’entreprise pourrait être dite sélective et hiérarchique. Car elle est variable selon les enjeux qu’induit le développement durable vis-à-vis des parties prenantes et des activités de l’entreprise. Certaines entreprises ont ainsi été soupçonnées d’utiliser le concept de développement durable comme un instrument marketing pour se donner une image positive sur le marché (Aggeri et Godard, 2006). Ce qui amène à s’interroger sur la notion de responsabilité sociale sous un angle prescriptif, mais également sur les méthodes d’évaluation et les outils de pilotage qui permettent d’asseoir en pratique et dans la durée un management responsable des entreprises dans une perspective du développement durable (Pasquero, 2008). Aussi pourrait-on se demander si la thématique du développement durable est porteuse d’un renouvellement de la problématique du gouvernement des entreprises, en particulier dans ses dimensions relatives aux pollutions et aux nuisances (Djeffal, 2011).
En fait, Michel Afana Bindouga explore ainsi les pratiques des banques et établissements de microfinance au Cameroun. Il fait une analyse qui éclaire et pose un plaidoyer sur la nécessité de renforcer la responsabilité sociale des structures de la finance dans l’optique de maîtriser les risques opérationnels et optimiser la performance financière. Le sens de la responsabilité sociale sous un angle prescriptif permet de définir cette dernière comme « l’impact subjectif d’une décision dans la société qui consiste à rechercher une performance pas uniquement financière, mais aussi sociale et environnementale » (Boukongou, 2010, p. 10). La dimension culturelle rentre également en ligne de compte. C’est dans cette logique que Victorine Ghislaine Nzino Munongo et Martha Eneke Munongo perçoivent en la gestion intégrée de la ressource hydrique une réponse au défi posé par l’adoption des infrastructures de nouvelles techniques d’exploitation et de production. La gestion rationnelle de l’eau est un facteur exogène impliquant un bouleversement non négligeable des us et coutumes locaux; et partant, cela pose la nécessité d’une emphase mise sur l’implication des populations cibles dans le processus de gestion ou de gouvernance de ladite ressource. Il s’agit de garantir l’équilibre entre l’économie, le social, l’environnement et la culture en vue de concrétiser les objectifs de développement durable via les mécanismes mis en place par les politiques hydrauliques.
Sous un autre angle, Joseph-Eric Nnomenko’o perçoit une gestion des ressources naturelles via un développement intégrant tant la facette économique que culturelle. Ce dernier démontre que la ressource humaine est une donnée déterminante dans la gestion des ressources naturelles, la ressource foncière précisément. Il est de ce fait important d’accentuer la valorisation des systèmes coutumiers qui ont la particularité d’être en adéquation avec les réalités de terrain et les savoirs locaux.
Dans une autre perspective, Martial Jeugue Doungue et Fritz Betchem À Betchem abordent la responsabilité sociale des entreprises sur la base des pratiques fondées sur les valeurs éthiques des parties prenantes de l’activité de l’entreprise, de la communauté locale et celles liées à l’environnement. Il s’agit d’un outil dont la finalité est de garantir l’effectivité de la responsabilité sociale des entreprises. Tout en s’interrogeant sur les motifs de la persistance des violations des droits de la personne humaine, les deux auteurs montrent l’impact positif d’un retournement de situation en cas de respect desdits droits par les multinationales.
Dans le sillage des valeurs éthiques, Alfred Homère Ngandam Mfondoum et al. se donnent pour objectif de penser l’opposé conceptuel de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) sous le vocable de l’irresponsabilité sociétale des entreprises (ISE). L’enjeu est celui de procéder à une sélection de principes basiques définissant l’ISE et susceptibles de donner lieu à une contextualisation sociopolitique et économique de la RSE, mais également à une réorganisation de cette dernière.
Les défis sociaux, économiques et environnementaux posent de façon croissante et avec acuité la notion de destin commun comme postulat dans les différentes formulations de politiques publiques relatives à la gestion des ressources humaines et naturelles. Les vocables qui reviennent constamment dans les discours, les échanges et les études sont ceux de la rationalité, de la responsabilité, de l’équilibre et de la performance. Les études présentées dans ce volume s’inscrivent dans la continuité des réflexions menées dans le cadre du premier numéro.
Références
Boiral, Olivier et Croteau, Gérard. 2004. Du développement durable à l’entreprise durable, ou l’effet Tour de Babel. Dans Guay, Louis et al. (dir.), Les Enjeux et les défis du développement durable : connaître, décider, agir (259-281). Québec : Presses de l’Université Laval.
Aggeri, Franck et Godard, Olivier. 2006. Les entreprises et le développement durable. Entreprises et histoire, 4(4), 6-19. https://doi.org/10.3917/eh.045.0006
Pasquero, Jean. 2008. Entreprise, développement durable et théorie des parties prenantes : esquisse d’un arrimage -constructionniste. Management International, 12(2), 27-47.
Djeffal, Djafar. 2011. Gouvernance et développement durable : la gestion des déchets urbains, entre service public et pratique citoyenne (cas de ville de Tizi-Ouzou). Mémoire de Magister, Université d’Oum El Bouaghi.
Boukongou, Jean Didier. 2010. Entreprise et développement durable. Yaoundé : APDHAC/UCAC.