Volume 1, numéro 1 – 2019 : La responsabilité sociale des organisations et entreprises en Afrique francophone
Agro-industries et droits humains au Cameroun
Léonelle Flore Nguinta Heugang et Mohamadou Nourou
La question d’alimentation a toujours constitué un problème majeur dans les sociétés modernes en général et les pays en développement en particulier. Elle constitue d’ailleurs une préoccupation de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui en a fait un de ses Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), à savoir: « éliminer l’extrême pauvreté et la faim ». En effet, selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme:
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment en ce qui a trait à l’alimentation […], elle a droit à la sécurité en cas de chômage […] ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté (Déclaration universelle des droits de l’Homme, 1948, article 25, alinéa 1).
Les industries agro-alimentaires s’inscrivent dans cette optique de réduction de la pauvreté. Elles constituent, en effet, un secteur assez vaste qui englobe des entreprises du secteur primaire et celles du secteur secondaire. L’industrie agro-alimentaire peut être considérée comme l’ensemble des activités industrielles qui transforment les matières premières issues de l’agriculture, de l’élevage ou de la pêche en produits alimentaires destinés à la consommation. Ce secteur d’activités recouvre plusieurs familles d’activités elles-mêmes subdivisées en de nombreux domaines dont trois sont qualifiés d’artisanaux (charcuterie, boulangerie-pâtisserie et la pâtisserie), et des filières beaucoup plus concentrées et élaborées telles que la brasserie, l’huilerie, la sucrerie, la laiterie, la meunerie, etc.
Les droits humains, également appelés droits de la personne, sont, quant à eux, un concept à la fois philosophique, juridique et politique selon lequel tout être humain possède des droits inaliénables et sacrés, quels que soient le droit positif en vigueur ou d’autres facteurs locaux tels que l’ethnie, la nationalité ou la religion. Il ressort, en effet, des préambules de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 que tout être humain en tant que tel et indépendamment de sa condition sociale a des droits « inhérents à sa personne, inaliénables et sacrés » et donc opposables en toute circonstance à la société et au pouvoir.
Ainsi, cette question d’alimentation constitue de nos jours une préoccupation politique, économique et sociale de grande importance dans la sous-région Afrique centrale en général, et au Cameroun en particulier. Ce dernier est considéré comme « le grenier de l’Afrique centrale » en raison de sa situation géographique et climatique, ainsi que de ses conditions naturelles: son relief constitué de basses terres, de plateaux et de hauts plateaux et son climat équatorial au Sud tropical au Nord. Il est doté d’une agriculture capable d’assurer son autosuffisance alimentaire. On recense dans ce pays plusieurs industries agro-alimentaires réparties sur l’étendue du triangle national. À titre d’exemple, on peut énumérer entre autres: la Société Sucrière du Cameroun (CAMSUCO) située la zone de Bandjock-Nkoteng, la Société Camerounaise de Tabac (SCT) à Batchenga, la Cameroon Development Coorporation (CDC)[1] dans le Sud-ouest, la Société Camerounaise des Palmeraies (SOCAPALM) dans le Littoral et la Société d’Expansion et de Modernisation de la Riziculture de Yagoua (SEMRY) dans la région du Nord.
Toutes ces industries ont pour objectif majeur l’amélioration des conditions de vie des populations à plusieurs niveaux, notamment par la transformation des matières premières en produits finis destinés à la consommation. Cependant, ce processus n’est pas sans conséquence sur cette population ainsi que sur l’environnement. C’est donc fort de ce constat que le Gouvernement camerounais a mis sur pied une règlementation afin de protéger non seulement la population des effets néfastes de ces industries, mais aussi de préserver l’environnement pour un développement et un épanouissement durables. Quelles sont alors les lois en matière d’investissement au Cameroun? Sont-elles mises en application par ces industries? Quelles sont les conséquences des implantations de ces industries sur la population et l’environnement? Telles sont les questions au centre de notre préoccupation. L’objectif principal de cette étude est d’identifier et de comprendre les lois en matière d’investissement au Cameroun et le niveau d’implémentation de ces lois par les industries agro-alimentaires en général, et précisément par la Cameroon Development Coorporation (CDC) et la Société Camerounaise de palmeraies (SOCAPALM).
Les méthodes utilisées sont les méthodes juridique et sociologique. Les techniques de collecte des données ici mobilisées sont la recherche documentaire, les entretiens, le questionnaire et l’observation directe.
Ce travail est articulé autour de deux parties: identifier les différentes lois sur l’investissement au Cameroun et ressortir les conséquences de l’implantation des industries agro-alimentaires sur l’individu et l’environnement.
Règlementation en matière d’investissement au Cameroun
On entend par investissement aussi bien l’emploi de capitaux visant à accroitre la production d’une entreprise ou à améliorer son rendement que l’ensemble des capitaux, des biens investis. Il vise aussi bien le développement du lieu de son déploiement que l’amélioration de la vie aussi bien des employés que des populations environnantes. Aussi l’implantation d’une usine obéit-elle à un ensemble de règles et de normes. Il s’agira dans cette partie de faire ressortir de façon non exhaustive les différents lois et règlements régissant l’investissement au Cameroun, notamment ceux relatifs aux droits à la culture et au loisir d’une part; et ceux liés à l’environnement sain et à la santé d’autre part.
Les droits à la culture et au loisir
Par culture, il faut entendre:
Un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d’agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d’une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ( Rocher, 1968, p. 111).
Le loisir, quant à lui, distractions pendant le temps libre, fait référence à tout ce qui peut conduire à l’épanouissement d’un individu ou d’un groupe.
À ce propos, l’article 9 de la loi no 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement et le principe de subsidiarité font du respect du droit coutumier des populations autochtones la garantie de leurs droits culturels.
L’article 40 (1) de la loi no 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement et l’article 33 de la loi no 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pèche, quant à eux, prévoient le respect d’un taux de boisement de 800 m2 d’espaces verts boisés pour 1000 habitants pouvant servir d’espaces de loisir[2].
Le droit à l’environnement sain et à la santé
Le droit à un environnement sain est garanti dans le préambule de la constitution du 18 janvier 1996 et les articles 2 et 5 de la loi no 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
La santé, entendue ici comme un état physique et mental, relativement exempt de gêne et de souffrance et qui permet à l’individu de fonctionner aussi efficacement et aussi longtemps que possible dans le milieu où il est placé. En ce sens, l’état sanitaire représente un objectif majeur du développement, élargit les potentialités humaines de toutes sortes et apparait d’ailleurs comme une exigence fondamentale de l’homme.
Ainsi, « être en bonne santé est un des droits fondamentaux de tout être humain, sans distinction de race, idées politiques ou conditions socio-économiques et sociales » (OMS, 1948). Par conséquent, la santé a un lien étroit avec l’environnement, entendu ici comme l’ensemble de l’écosystème permettant la survie de différentes espèces. Ces droits sont-ils respectés par les industries agroalimentaires?
Les effets pervers de l’implantation des agro-industries au Cameroun
L’implantation des industries agro-alimentaires au Cameroun comme partout ailleurs est source de nombreuses complications tant sur le plan personnel que sur l’environnement. Dans cette partie du travail, seront identifiées les différentes conséquences de cette implantation sur le triangle national.
Les effets pervers sur les personnes
L’implantation des industries en général dans un secteur ou une localité et des industries agro-alimentaires en particulier vient modifier le quotidien des riverains et impacte, de ce fait, sur leur santé et leur culture. À ce niveau, nous nous baserons sur les deux points suivants: les effets pervers sur la santé des riverains et ces effets sur leurs cultures.
Les effets de l’implantation des agro-industries sur la santé des riverains
L’étude du terrain nous montre clairement que l’implantation des agro-industries dans les localités étudiées a eu un impact sévère sur la santé des populations. Ainsi, nous avons remarqué que certaines pathologies sont devenues récurrentes après la venue de ces industries. Nous présenterons ici quelques pathologies en nous appuyant sur les deux industries agro-alimentaires que sont la CDC au Sud-Ouest et la SOCAPALM dans le Littoral.
La loi no 001/2001 portant code minier au Cameroun prescrit, en ses articles 16, 30 et 84 (1), la détermination et le respect d’une zone de sécurité entre le site de l’exploitation et les agglomérations; et en ses articles 84 (3-5) et 85 (2), l’utilisation des méthodes et techniques adaptées afin de protéger les travailleurs et les populations riveraines, ainsi que leurs biens.
Sud-ouest: CDC et Littoral: SOCAPALM
Les observations suivantes ont été faites dans les usines. La plupart de ceux qui travaillent dans les opérations à haut risque ne sont protégés ni contre la chaleur ni contre les autres types de déchets.
L’employé de l’image 1 est exposé à tous les risques parce qu’il n’a pas de vêtement adéquat. De même, on remarque que le conteneur de stockage n’est pas protégé. Il peut ainsi causer un accident industriel en plus de la pollution par hydrocarbures.
Les observations suivantes ont été faites dans les plantations:
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la plupart des employés n’ont pas la tenue adéquate et sont exposés aux divers risques comme la morsure d’un serpent ou les maladies;
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ils s’abreuvent dans les cours d’eau qui traversent les plantations;
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l’absence d’une unité d’intervention rapide pour évacuer et donner les premiers soins à un employé victime d’accident de travail;
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absence des premiers secours.
Le cas de la CDC au Sud-Ouest
Dans cette région du pays, les pathologies identifiées pendant l’enquête sont entre autres: la typhoïde, la maladie de la peau, le mal d’estomac, la diarrhée et la dysenterie[3].
Les maladies de la peau ont été identifiées à Moquo[4], village victime suite à l’aspersion des produits chimiques sur les plantations de banane et le non-respect de la distance de sécurité entre les habitations et l’industrie.
De même, des discussions par groupe (focus group discussions), il ressort que la contamination par les produits chimiques affecte aussi bien l’eau que les ménages et produit les pustules sur la peau, et parfois les maux d’yeux et d’estomac.
Le cas de la SOCAPALM dans le Littoral
Dans le Littoral avec l’implantation de la SOCAPALM, l’enquête de terrain révèle que 71 % des enquêtés estiment que les maladies respiratoires et hydriques sont dues aux activités de l’entreprise.
En effet, de l’analyse on a distingué deux grands groupes de maladies: les maladies endémiques, c’est-à-dire celles qui existent avant la SOCAPALM et qui se sont juste accrues avec l’implantation de la Société; et les maladies autrefois marginales, rares, inexistantes. Cependant, avec l’implantation de la SOCAPALM, elles se sont développées et se manifestent avec une très forte virulence, affectant ainsi un grand nombre de la population.
Pour le premier groupe de maladies, les conditions climatiques du milieu et la faiblesse de l’hygiène et de l’assainissement a favorisé les maladies endémiques dans la zone à l’instar du paludisme et des maladies hydriques telles que la typhoïde. Aussi, la proximité des maisons avec les plantations de la SOCAPALM et la construction des étangs de déversement des produits chimiques en plein air font des maladies respiratoires et cardiaques les plus mortelles dans la zone[5].
Les effets de l’implantation des agro-industries sur la culture locale
Le cas de la CDC au Sud-Ouest
L’étude menée en août 2016 nous révèle que dans cette région en général et à Fako et Ndian précisément, l’implantation de la CDC a eu un impact sévère sur les activités socioculturelles des populations locales.
De cette étude, il ressort que le premier facteur ayant eu des conséquences néfastes sur les activités culturelles locales est d’abord l’urbanisation. Cette dernière a favorisé l’émergence de nouvelles pratiques qualifiées « d’urbaines » par les populations. Ainsi, les rites habituels ne sont plus pratiqués par les jeunes riverains. À Idenau, l’enquête relève que la majorité des gens préfèrent les activités génératrices de revenus au détriment des activités traditionnelles. Ainsi, dans le département du Fako, où la coopération existe depuis plus de 60 ans, on a remarqué la perte progressive des activités culturelles locales au profit des activités urbaines et rentables. À titre illustratif, voici une liste d’activités culturelles qui sont menacées d’extension dans ces localités:
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le maelèe, c’est-à-dire la danse des éléphants dans les Départements du Fako, de la Mémé et du Ndian;
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la danse Mbaya;
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le festival Mabunu;
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le culte Nganya;
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la danse Abo’o.
Or, ces manifestations culturelles constituent selon les riverains le pilier de l’identification des peuples Bakweri, Balondo et Mbonge. Par ailleurs, les principales causes de cette extinction évoquées sont les suivantes:
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la disparition des forêts sacrées où ces activités culturelles se déroulaient. La CDC les a en effet transformées en des plantations au détriment des droits et traditions des autochtones;
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la disparition des maisons à palabre servant à régler les litiges;
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l’incapacité des jeunes à succéder à leurs parents dans la continuité des manifestations culturelles;
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la préférence des activités génératrices des revenus au détriment des manifestations traditionnelles souvent coûteuses.
Ensuite, la présence de la CDC a introduit de nouveaux régimes alimentaires. On remarque l’émergence de nouvelles formes de culture. Entre autres, la culture du haricot, du maïs, de la patate douce. Ce qui donne comme nouveaux repas le couscous de maïs, le couscous manioc avec le eru, le taro avec la sauce jaune, le cornchaff.
Enfin, la présence de la CDC a introduit la pratique de l’élevage dans le quotidien des populations. Selon un autochtone de 65 ans vivant à Missellele interviewé lors de notre enquête, l’élevage n’était pas pratiqué dans leur communauté étant donné que les populations vivaient de la chasse et de la pêche. L’élevage des poulets a pris de l’ampleur parce qu’il est une source de protéines pour l’organisme.
Le cas de la SOCAPALM dans le Littoral
Avec l’établissement de l’agro-industrie et l’arrivée d’ouvriers venant d’horizons divers, l’on a assisté à un brassage des cultures[6]. Plusieurs nouvelles activités ont été introduites: 14 % des personnes ont parlé des nouvelles pratiques funéraires, 15 % des nouvelles danses et 11 % des nouveaux arts culinaires[7]; entraînant de ce fait la disparition de certaines activités culturelles autrefois pratiquées comme les fêtes des récoltes selon 17 % des enquêtés, les fêtes traditionnelles selon 09 %, les danses selon 12 %.
À la question de savoir si le système traditionnel de croyance a été affecté par la présence de la compagnie, la réponse est affirmative. En effet, la présence de cette compagnie a été à l’origine du manque des lieux de culte, car tous les terrains avaient été arrachés par la SOCAPALM.
« À son arrivée, la SOCAPALM a rasé toutes les tombes qui n’étaient pas cimentées, puis a planté ses palmiers par dessus. Voici la tombe de mon père, c’était la seule à être cimentée au village, c’est donc la seule qui reste de ce cimetière aujourd’hui » (Elong, entretien, 2016). Il en est de même des lieux sacrés ancestraux et des forêts sacrées. « À titre d’illustration, la forêt sacrée Iballa a disparu, car faisant désormais partie de la propriété de la société » (Sa Majesté Sappa, entretien, 2016).
Les effets pervers sur l’environnement
Dans le sud-ouest
Sur les animaux et les plantes
La plupart des personnes interviewées attestent que les activités de la compagnie ont gravement affecté plusieurs plantes et espèces d’animaux[8]. La plupart des plantes utilisées pour la phytothérapie sont en voie de disparition.
Il en est de même du bois utilisé pour le copeau[9] et autres activités domestiques.
Sur l’eau, le sol et la terre
L’étude a identifié la contamination des cours d’eau, rivières et même de la mer résultant des activités des usines. On a aussi noté le déversement dans l’environnement par l’usine des déchets liquides et solides non traités. Selon les habitants de Moquo et d’autres villages environnants, la contamination du sol est due à l’aspersion des produits chimiques sur les cultures.
On a aussi remarqué que la zone de sécurité séparant la plantation du village n’atteignait pas 30 mètres. Les habitants attestent la contamination du sol par la décharge de l’unité de Mondoni située à moins de 3 mètres des sources d’eau et des champs des villages environnants.
Sur l’image 9, on peut observer les couches d’huile au-dessus de cette eau utilisée par le voisinage et pour l’agriculture.
Sur les produits forestiers non ligneux
Un autre problème pertinent est la perte des produits forestiers non ligneux utiles pour l’alimentation et la santé des communautés indigènes. Selon les habitants de Moquo, Missellele et Idenau, la déforestation a entrainé la rareté et la cherté des produits forestiers non ligneux, sources d’emploi.
Ces produits, se trouvant uniquement dans les forêts, sont devenus rares et chers dans les marchés, parce que domestiqués par l’agroforesterie dans le Département de la Manyu et d’autres villages environnants du Département de la Mémé. Ce qui a pour conséquence immédiate la rareté et la cherté de la nourriture.
Un autre type de nuisance a été noté: le bruit. Les ménages voisins des usines sont victimes de pollution sonore notamment ceux de Tiko et Idenau. Selon les répondants, la société doit être délocalisée pour qu’ils n’en souffrent plus.
Dans le littoral
Les enquêtés de Nkappa et Souza relèvent à l’unanimité que l’implantation de la SOCAPALM a eu des impacts négatifs sur l’eau, le couvert forestier, la faune et la flore.
Sur l’eau
En effet, le déversement des produits chimiques issus des traitements phytosanitaires et du nettoyage des équipements et appareils phytosanitaires dans les cours d’eau de la région polluent les seules sources de collecte des eaux de boissons et tuent la faune aquatique.
Sur le couvert forestier
Le couvert forestier à Mbonjo était jadis de forêt dense. Cet écosystème a connu avec l’implantation de la SOCAPALM une déforestation irréversible, une conversion de son couvert végétal. La forêt naturelle a été remplacée par une forêt artificielle de palmier à huile. Les conséquences sur la faune et la flore ont été immédiates et irréversibles.
Sur la faune et la flore
Jadis à Souza et Nkappa d’après les populations, on chassait des éléphants, des antilopes, des grands singes, des chimpanzés. On rencontrait des panthères, des renards. Aujourd’hui, ces grands mammifères terrestres ont disparu au profit des petits singes, hérissons, lièvres, rats… Les cours d’eau regorgeaient des crocodiles et serpents boas aujourd’hui très rares.
Les recherches permettent de constater que la forêt primaire a été remplacée par une forêt secondaire à dominance d’arbustes. Les zones de Dibombari et de Mbonjo en particulier très riches en bois d’œuvre de qualité ont connu une intense exploitation forestière et une déforestation intense. Jadis on y rencontrait des pieds d’Iroko, Sappeli, Bubinga, etc. Aujourd’hui quelques vestiges d’essences forestières exploitables sont gardés dans les champs des particuliers. En plus des essences d’arbres exploitables, les zones regorgeaient d’importantes plantes médicinales qui ont disparu avec le temps.
Les principales causes sont notamment:
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le déversement « anarchique » des « huiles usagées émanant des huileries »;
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le mélange de boues et de produits chimiques;
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le nettoyage par le personnel de la SOCAPALM de leur matériel[10] dans les cours d’eau exposant ainsi les populations locales à la consommation des produits toxiques.
On dénonce aussi la pollution de l’air, l’usine rejetant « de grandes quantités de nuages de poussière et de cendre[11].
Conclusion
Il ressort de cette étude que les populations riveraines de la CDC et de la SOCAPALM souffrent de la présence de ces sociétés qui semblent avoir apporté plus de malheur que de bonheur. En vue de contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie, quelques recommandations[12] ont été élaborées. Premièrement, la CDC doit doter ses camps et le voisinage de nécessités vitales de base telles que l’eau potable, des logements sains, l’électricité, les infrastructures sanitaires, scolaires et routières. Deuxièmement, elle doit établir des zones de sécurité d’au moins 200 m entre les plantations et les habitations. Troisièmement, une augmentation des salaires des employés pourrait aider à réduire la pauvreté.
En ce qui concerne, la SOCAPALM devra respecter le cahier de charge comme elle le faisait avant la privatisation[13]. Ensuite, elle doit conforme ses activités à la norme ISO 14001 en matière de protection de l’environnement[14]. Elle devra également traiter les populations avec plus de respect. Elle doit arrêter la culture de l’hévéa qui est source de prolifération de moustiques et de propagation du paludisme. Enfin, elle devra rétrocéder certaines parcelles de terre aux villageois pour leurs cultures.
Références
Elong, Emmanuel. 2016. Entretien avec Emmanuel ELONG, agent de développement rural, natif de Mbonjo. Mbonjo le 18/08/2016.
Loi no 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pèche.
Loi no 96/12 du 5 aout 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
Loi no 001/2001 portant code minier au Cameroun.
OMS. 1948. Constitution de l’OMS : ses principes. Signée en 1946 entrée en vigueur en 1948.
République du Cameroun. 1996. Constitution du 18 janvier 1996.
Rocher, Guy. 1968. Introduction à la sociologie générale. L’action sociale (tome 1). Montréal: HMH.
Roudart, Laurence. 2002. L’alimentation dans le monde et les politiques publiques de lutte contre la faim. Mondes en développement, 117, 9-23.
Sappa. 2016. Entretien avec Sa Majesté Sappa, chef traditionnel de Bonalea-Souza. Souza le 17/08/2016.
- Les activités de cette société sont perturbées par la crise anglophone qui a débuté en 2016. ↵
- D’après l’article 3(4) du décret no 94/436/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d’application du régime des forêts, ces espaces peuvent prendre la forme d’une forêt de récréation dont l’objet est de créer et/ou maintenir un espace de loisir en raison de son intérêt esthétique artistique, touristique, sportif ou sanitaire. ↵
- Source: enquête de terrain du projet sur l’impact de l’implantation des agro-industries sur les communautés autochtones du Cameroun, août 2016. ↵
- Village située dans la Région du Sud-ouest et du Département de la Mémé ↵
- Elles sont provoquées par l’absorption du CO2 rejeté à l’air libre via les fourneaux de l’entreprise. ↵
- En effet, plusieurs activités socioculturelles étaient pratiquées avant l’établissement de la SOCAPALM. 23 % des enquêtés ont dénombré les danses traditionnelles, 15 % les funérailles, 08 % le dialogue avec les ancêtres, 09 % les fêtes des récoltes, 04 % les cérémonies traditionnelles, 03 % les us et coutumes et 10 % les rites d’initiation ↵
- Au rang desquels le taro, le haricot, le manioc, les mets de l’ouest et les mets du septentrion. ↵
- Éléphants; antilopes; porc-épics; rats; hyènes; hérissons, etc. ↵
- Déchets de bois sciés ou sciure de bois ↵
- Par exemple, les bidons qu’ils utilisent pour disperser les engrais et les pesticides dans les palmeraies. ↵
- David Servenay, SOCAPALM au Cameroun, l'épine du groupe Bolloré: Spoliation, pollution et « climat de terreur »: l’édifiante enquête associative sur la plantation de palmiers Rue 89, le 06/12/2010 à 23h52, p. 4. ↵
- Recueillies auprès des populations concernées ↵
- Qui l’oblige entre autres à doter les populations d’électricité, leur fournir de l’eau potable, permettre leur accès à leurs formations sanitaires…; source: proposition recueillie lors d’un focus groupe avec les populations riveraines de la SOCAPALM. ↵
- En gérant par exemple mieux ses lagunes pour le traitement des effluents ainsi que ses déchets. ↵